L’élection du 8 avril promet d’être un plébiscite pour Viktor Orbán. Réélu sans discontinuer depuis 2010, le Premier ministre sortant édifie une « démocratie illibérale » que ses opposants accusent d’autoritarisme et de corruption. Mais la majorité des Hongrois, opposés à l’islamisation de l’Europe, approuvent sa politique migratoire restrictive. Reportage.
Budapest, début février. Arrivé en bus via la Slovénie enneigée, je découvre la Hongrie de Viktor Orbán. Grand favori des élections législatives du 8 avril, le Premier ministre, 53 ans, entamera sans doute un troisième mandat consécutif au terme d’un scrutin qu’il a habilement transformé en référendum sur l’immigration. Sur la route des migrants, entre les Balkans et l’Europe occidentale, la Hongrie se sent en effet menacée dans sa chair depuis que des centaines de milliers d’émigrés y ont transité en 2014-2015. Cette contrée sous-peuplée de 9,8 millions d’habitants n’a pas digéré son rétrécissement historique (cf. encadré 1) et « souffre d’un déficit démographique chronique » (1,5 enfant par femme) que sa politique nataliste ne suffit pas à enrayer.
Après ses plébiscites de 2010 et 2014, Orbán joue la pérennité de son régime. Sous le nom de « démocratie illibérale », le chef du gouvernement a forgé une synthèse de nationalisme et de conservatisme honnie des associations de défense des droits de l’homme, qu’il dénonce comme des agents de l’étranger. Ni slave ni germanique, le pays de saint Étienne voit ses valeurs conservatrices cohabiter avec un nombre record de sex-shops et l’attachement à l’identité chrétienne s’accommoder d’églises souvent vides.
Le commun des Français confond la Hongrie avec son dirigeant au verbe haut. Il faut dire qu’Orbán refuse bruyamment les quotas d’immigration imposés par l’Union européenne et a même fait construire un mur à la frontière serbe en 2015. Fils d’apparatchik, Orbán fait figure d’hybride entre « la mentalité obsidionale communiste qui disqualifie l’adversaire et le traite en ennemi » d’une part, et « les dirigeants de la Roumanie, de la Pologne et de la Hongrie de l’entre-deux-guerres » d’autre part, avance Paul Gradvohl, historien à l’université de Nancy. Ses hommages appuyés à l’amiral Horthy, amiral de François-Joseph devenu pendant vingt-cinq ans le chef d’un régime réactionnaire, envoient des signaux à l’électorat nationaliste.
Comme Nicolas Sarkozy y était parvenu contre Jean-Marie Le Pen en 2007, Orbán et son parti le Fidesz ont plumé la volaille nationaliste incarnée par ses opposants du Jobbik. Dépassés sur leur droite, les militants de la deuxième formation hongroise ont négocié un virage à 180 degrés sous l’impulsion de leur président Gábor Vona. Dans un salon de thé aux abords du Danube, la responsable de la communication du parti, Ágnes Pánczél, 23 ans, me le confirme dans un français quasi parfait : « Nous demandons l’installation d’une police des frontières professionnelle mais, pour le reste, le Fidesz a déjà appliqué nos propositions ! » Crédité de 15 à 20 % des intentions de vote suivant les sondages, très populaire chez les jeunes déshérités, le Jobbik fait la course en tête de l’opposition. Corruption, népotisme et captation de tous les pouvoirs au sommet de l’État inspirent désormais sa critique du système Orbán. Un comble pour des nostalgiques de l’Empire austro-hongrois, désormais convertis à l’État de droit, mais hier encore opposés au principe même de la démocratie. « Notre expérience douloureuse de l’opposition nous a fait apprécier la démocratie libérale », triangule miss Pánczél. D’après cette brune très apprêtée, l’empire des Habsbourg avait du bon parce que « tous les bords politiques dialoguaient » – exception faite de la révolte hongroise de 1849 que Vienne mata impitoyablement… Certains de ses camarades « antisionistes » ont tant et si bien muté qu’ils sont désormais invités au café yiddish Spinoza alors qu’ils invectivaient autrefois les juifs de Budapest en menaçant d’appeler à la rescousse leurs amis Gardiens de la révolution iraniens. Entre deux flashs infos assimilant les migrants musulmans à des terroristes, des spots radiotélévisés officiellement diffusés au nom « du bonheur de la société » rappellent que le Jobbik avait organisé une « journée de l’amitié arabo-hongroise », le 11 septembre (!) 2010.
Quoique favorable à l’érection de murs à toutes les frontières si nécessaire, la « conservatrice moderne » Ágnes fustige « la campagne hystérique qu’Orbán mène sur l’immigration ». Sur cette question assez consensuelle en Hongrie, puisqu’aucune force politique ne propose d’abattre le mur à la frontière serbe, la militante justifie les errements de son parti. Il y a deux ans, le Jobbik s’est retrouvé Gros-Jean comme devant lorsqu’il s’est agi de voter la réforme constitutionnelle faisant de l’immigration le domaine de compétence exclusif de l’État hongrois. L’animal politique Orbán a acculé le Jobbik à un choix cornélien : soit lui donner quitus, soit prendre le parti de l’étranger. « On s’est abstenu parce qu’Orbán a laissé des milliardaires arabes soupçonnés de financer le terrorisme acheter des résidences et faire affaire en Hongrie. Ce sont des migrants riches, aussi dangereux que les autres pour notre sécurité ! »
Signe qu’aucun cordon sanitaire n’inhibe les Hongrois, la moitié des électeurs anti-Orbán approuverait une coalition avec le Jobbik. « Il est trop tôt pour le dire », élude Ágnes, mais « l’alliance avec les vieux partis de gauche est impossible car ils font partie intégrante de ce système corrompu et doivent répondre de leur bilan désastreux de 2006. »
2006, l’autre insurrection de Budapest
Un vieux Hongrois arrête devant un cordon de policiers le char soviétique T-34 qu’il a volé dans les rues de Budapest. L’image spectaculaire a frappé les consciences le 23 octobre 2006, date anniversaire de l’insurrection de 1956. Quelques semaines plus tôt était révélé le contenu d’une réunion à huis clos du Parti socialiste. Dans cet enregistrement, le Premier ministre Ferenc Gyurcsány avouait mentir comme un arracheur de dents et déclarait que sa frénésie de cadeaux clientélistes avait conduit le pays au bord de la banqueroute. Révoltés par ce double langage, des milliers d’émeutiers assiègent le Parlement et le bâtiment de la télévision d’État jusqu’à laisser craindre un putsch contre le gouvernement fraîchement reconduit. Mais l’opposition était profondément divisée quant à la stratégie à suivre. D’un côté, les nationalistes révolutionnaires du Jobbik appelaient au coup de force sur le modèle de la révolution orange ukrainienne. De l’autre, le Fidesz mené par Orbán poursuivait une option légaliste, déposant une motion de censure pour contraindre les députés libéraux à se solidariser avec leur allié socialiste. Cahin-caha, l’attelage social-libéral se maintiendra au pouvoir jusqu’au raz-de-marée Orbán de 2010, tandis que le Jobbik grimpera de 2 à 15 % des suffrages.
La jeune femme préfère opter pour la formation centriste LMP. Cet agrégat d’ex-verts et de libéraux, de droite comme de gauche, partage entend réformer le système politico-financier, mais pâtit de sa réputation élitiste. En parti urbain, trop urbain, LMP séduit en effet les étudiants et bourgeois des grandes villes. Crédité de 8 % des voix, il bénéficie du soutien logistique et financier d’un oligarque tombé en disgrâce. Ancienne éminence grise d’Orbán, le magnat Lajos Simiscka loue ses panneaux d’affichage à l’opposition libérale et nationaliste pour contrebalancer la propagande gouvernementale. Au bord des routes, de grandes affiches d’État accusent par exemple les chefs de l’opposition – Jobbik compris – de vouloir abattre le mur antimigrants.
« Le gouvernement vit dans une tour de Babel médiatique », renchérit Gábor Vágó, candidat LMP aux législatives. À 34 ans, l’ex-journaliste d’investigation s’est vu officiellement désigné « menace pour la sécurité nationale ». L’homme à la barbiche d’archiduc se croit surveillé en raison de sa croisade anticorruption. Dans l’équivalent magyar de Mediapart, le magazine des ONG Atlatszo, « financé à 20 % par George Soros, mais à 80 % par ses lecteurs », le fin limier a enquêté sans relâche sur tous les sujets qui fâchent le sommet du pouvoir : détournement des subventions européennes par le gendre d’Orbán, fraudes fiscales avec la complicité du gouvernement, vente de terres de l’État à des proches du régime, emprunt russe léonin, etc. Cependant, si les oligarques proches d’Orban ulcèrent une partie des Hongrois, beaucoup y voient un moindre mal préférable au règne des multinationales, qui avaient fait main basse sur la Hongrie des années 1990. Vágó n’entend pas cet argument et s’interroge plutôt sur l’attitude à suivre envers le Jobbik. Au terme de notre entretien, je me demande bien quelle menace fantôme ce gentleman peut bien faire peser sur la sécurité nationale…
C’est dans son bureau spartiate que le porte-parole du gouvernement Zoltán Kovács me répond. « Sa personne n’est pas en cause, plutôt certaines de ses intentions et activités » financées par l’Open society de George Soros, la bête noire du régime.
Or, si l’historien de formation Kovács s’exprime dans un anglais d’Oxford, c’est grâce aux bourses d’études que Soros offrait aux jeunes pousses du Fidesz à la fin des années 1980. Cimentée par l’anticommunisme, l’union sacrée Orbán-Soros a été pulvérisée par le vent de l’histoire.
Leur pas de deux a duré jusqu’en 2010, suivant les oscillations idéologiques d’Orbán, longtemps tiraillé entre deux droites aujourd’hui irréconciliables. Son aile libérale, encore représentée par le contingent d’eurodéputés Fidesz à Bruxelles, a eu la part belle durant son premier mandat (1998-2002), qui vit Budapest adhérer à l’Otan et préparer son entrée dans l’UE. Mais Orbán a signé son grand retour aux affaires en 2010 en tant que polgári. Ce mot-valise intraduisible renvoie au patriotisme des classes moyennes hongroises constituées de petits propriétaires ayant souvent un pied en province.
Seraient-ce les piliers de la fameuse « démocratie illibérale » chère au calviniste Orbán ? Un raccourci de journaliste occidental, réplique le porte-parole du cabinet. Zoltán Kovács récuse toute comparaison avec Poutine, mais se réclame d’une « démocratie conservatrice et chrétienne » basée sur la souveraineté du peuple. « Or, poursuit-il, certaines ONG voudraient nous imposer des feuilles de route internationales », à commencer par le document officiel que l’ONU a sobrement intitulé « Rapport sur les migrations de remplacement ». Implicitement, cette étude économique postule les individus interchangeables et les cultures miscibles. Dans un strict raisonnement économique, les grandes migrations y apparaissent non seulement incontournables, mais surtout profitables à l’Occident vieillissant. « Une philosophie qu’on retrouve dans la plupart des institutions européennes, soupire Kovács. Mais avec la barrière, nous avons prouvé que l’immigration illégale pouvait être stoppée à la frontière de Schengen. Et nous n’avons pas besoin de migrants pour renouveler notre population. » Du reste, le gouvernement octroie des millions d’euros d’aides aux églises chrétiennes d’Afrique et du Moyen-Orient pour encourager le maintien des minorités au pays. Cela dit, l’an dernier, Orbán a formellement rejeté le quota de 1 294 migrants que réclamait Bruxelles pour finalement accorder l’asile à… 1 291 réfugiés. J’ai ainsi croisé plus d’un employé syrien dans les boutiques de téléphonie mobile budapestoises. Zoltán Kovács coupe court : « Ce sont des cas individuels. Ne confondez pas les chiffres et les principes. C’est une question de souveraineté. Il est inconcevable que des quotas nous soient imposés de l’extérieur. »
Histoire de comprendre le problème à la source, je mets le cap sur la frontière serbe. Direction Szeged, 170 000 habitants. À 170 kilomètres au sud-est de la capitale, c’est la dernière grande ville détenue par un Parti socialiste aux abois. L’autre Hongrie se donne au bout de deux heures et demie de train. Loin de l’îlot de prospérité budapestois, qui produit un tiers du PIB hongrois, la province magyare fait partie des régions les plus pauvres de l’Union européenne. Les industries automobiles, en grande partie tournées vers l’Allemagne, se concentrent au centre et à l’ouest de la Hongrie. Trente ans après le démantèlement des chaînes d’industrie lourde mises en place par Moscou, l’Est hongrois peine à trouver un second souffle. Le salaire minimal n’atteint pas les 260 euros. À quelques kilomètres des splendides bâtiments écrus de Szeged, à la lisière de la Serbie, les petites fermes d’Ásotthalom, 4 000 âmes, maintiennent une agriculture vivrière. Son maire László Toroczkai, 40 ans, incarne le canal historique du Jobbik, dont il assure la vice-présidence. Se présentant comme « son dirigeant le plus à l’extrême droite », l’élu condamne à l’avance toute alliance de son parti avec le centre et la gauche, mais déplore le niveau du débat public. « Je n’ai jamais vu de campagne aussi sale et mensongère », Orbán taxant le chef du Jobbik d’homosexuel, d’autres accusant Orbán de frapper sa femme, etc.
« Ma ferme étant à quelques mètres de la Serbie, en 2012, j’ai été le premier Hongrois confronté aux envahisseurs », raconte Toroczkai sans une once d’autocensure. L’irruption subite de migrants africains le convainc alors de briguer la succession du maire Fidesz de l’époque, impuissant face au phénomène migratoire qui allait s’amplifiant. Élu à la tête d’Ásotthalom en décembre 2013, il a des mois durant fait pression sur Budapest pour stopper l’hémorragie. Africains, Kosovars, Pakistanais, Afghans et Syriens présumés (« dont beaucoup parlaient des dialectes maghrébins ou égyptien selon les interprètes de la police ») déchiraient leurs papiers d’identité, pénétraient dans les maisons vides, laissaient derrière eux des tonnes de déchets et affolaient la population. « Le gouvernement Orbán ne faisait rien », dit-il, malgré ses appels répétés à édifier un mur de séparation avec la Serbie pour protéger la frontière orientale de Schengen. On lui répétait que Bruxelles n’accepterait jamais. Jusqu’en juin 2015.
L’annonce de la construction du mur fut « le plus beau jour de [sa] vie ». Sur les 500 000 « envahisseurs musulmans » ayant traversé sa commune, le tristement célèbre terroriste du Bataclan Salah Abdeslam reste dans toutes les mémoires. À l’époque de son passage, le nombre de migrants empêchait tout réel contrôle d’identité. Mais en ethnodifférentialisme revendiqué, László Toroczkai ne recourt pas aux amalgames. « La culture hongroise est incompatible avec l’islam. Je respecte cette culture mais je ne souhaite pas l’importer en Europe. Si je vais en France, c’est pour goûter des escargots, pas des kebabs ! », assène-t-il en guise de réquisitoire contre la colo(g)nisation de l’Europe.
Le maire d’Ásotthalom me flanque d’un garde champêtre armé et motorisé aux faux airs d’Attila. À ses côtés, j’observe de près la barrière frontalière. Haut de quatre mètres, un double grillage de barbelés électrifiés sépare la Hongrie de la Serbie. Entre les deux rangées de fils surveillés par des caméras, une route large de quelques mètres permet à l’armée et à la police hongroise de patrouiller. Depuis l’érection du mur, seule une poignée de migrants se risque à traverser la frontière au moyen d’échelles. Les clandestins pris sur le fait sont immédiatement expulsés par les forces de sécurité magyares vers la Serbie. Quant aux demandeurs d’asile, ils attendent l’examen de leur dossier dans un centre dont les autorités hongroises interdisent l’accès aux journalistes.
À mon tour de franchir la frontière, dans le sens inverse des migrants. Côté serbe, s’étend la Voïvodine, vaste région majoritairement peuplée… de Hongrois ! Le premier village qui jouxte la grande ville de Subotica se nomme Bački Vinogradi. Son maire magyar Robert s’entend comme larron en foire avec son homologue László qu’il retrouve régulièrement au cours de festivités transfrontalières. Autour d’un verre de pálinka, Robert adresse un satisfecit à son pays d’origine. « Le bilan du mur est extrêmement positif. Il a réduit de 99 % le nombre de passages dans la commune » en provenance du centre de Subotica et d’autres coins de la Serbie. Je ne croise d’ailleurs aucun étranger autour de la frontière. L’annus horribilis 2015 a laissé de sombres souvenirs chez ses administrés. Du cimetière squatté jour et nuit par des migrants en quête d’eau et d’électricité aux champs de pommiers ruinés par les campings sauvages, les migrants suscitent un sentiment d’insécurité diffus chez les Vinogradiens. Parmi ses pires souvenirs, Robert se souvient d’une rixe au couteau entre un Afghan et un Pakistanais qui a viré au meurtre. Si Belgrade a jugé et emprisonné le coupable, la Serbie conserve l’image tenace d’un pays soumis aux injonctions de l’Union européenne, qu’elle aspire à rejoindre. « Quand j’appelle la police serbe pour faire partir des migrants, une brigade arrive mais ne relève jamais leur identité. Ils sont relâchés dans la nature et reviennent une heure plus tard », se plaint Robert. En échange d’aides européennes et internationales, Belgrade se résignerait à son sort de passoire.
Est-ce ainsi que les hommes de l’Est survivent ? Bruxelles a beau arroser de subventions Varsovie et Budapest, le primat accordé à l’économie n’a pas fait disparaître les aspirations identitaires. Faute d’accord avec ses pairs sur le contenu du projet européen, Viktor Orbán développe une stratégie d’entrisme économique au sein des cercles dirigeants du vieux continent. « Il cherche à se constituer un réseau méta-oligarchique, notamment en France, en Allemagne et à Bruxelles », décrypte Paul Gradvohl. À la fois renforcé et concurrencé par le jeune conservateur autrichien Sebastian Kurz, Orbán poursuit son numéro d’équilibriste entre Berlin, Bruxelles et Moscou. Certes, le Premier ministre multiplie les effets de manche contre ses partenaires d’Europe de l’Ouest « qui ont fait de leurs pays des pays d’immigration, et qui ont amené par-là le déclin de la chrétienté et la diffusion de l’islam ». Mais, une fois réélu, Viktor Orbán n’aura aucun intérêt à se replier vers l’Est, fût-ce avec ses voisins du groupe de Visegrád (Pologne, Slovaquie, République tchèque). La valse hongroise se joue à plusieurs temps.
Magyars : l’empire éclaté
Depuis l’explosion de l’Autriche-Hongrie scellée par le traité de Trianon (1920), le territoire hongrois n’est plus ce qu’il était. Si bien que 1,2 million de Hongrois « ethniques » vivent en Roumanie (Transylvanie), 450 000 en Slovaquie, 250 000 en Serbie (Voïvodine) et 150 000 en Ukraine. La constitution de 2011 accorde la nationalité à tous les Magyars de la région, mais la solidarité transfrontalière ne va pas toujours de soi. En 2002, Orbán a sans doute dû sa courte défaite à la signature d’un accord bilatéral permettant aux citoyens roumains de se soigner à moindre coût dans les hôpitaux hongrois. Si l’objectif affiché était de rapprocher les Magyars citoyens des deux pays, Orbán a alors subi une intense campagne de dénigrement nationaliste… de la part du Parti socialiste !
Depuis, le Premier ministre a troqué son chauvinisme magyar contre un nationalisme impérial en nouant des accords économiques par-delà les frontières. Son oligarque favori Lőrinc Mészáros a ainsi investi dans une myriade de clubs de football magyarophones dans cinq pays différents, cependant qu’une bière magyare fait fureur en Transylvanie. Mais les dernières nouvelles inquiètent Budapest : Kiev prévoit l’ukrainisation prochaine de tous ses collèges et lycées tandis que la minorité sicule de Roumanie, assimilée à l’ethnie magyare, voit toujours ses droits culturels bafoués. En signe de rétorsion, le Parlement hongrois a hissé la bannière sicule en lieu et place du drapeau européen. Ambiance…
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