Accro à Twitter, le philosophe devenu journaliste par hasard fait fi des invectives, procès d’intention et autres attaques en meute pour tâcher d’y philosopher. Quand la dialectique casse des briques. Entretien avec Raphaël Enthoven, le gentleman twitter.
Causeur. Critique féroce de Twitter, vous utilisez quotidiennement ce réseau social. Comment justifiez-vous cette contradiction ?
Raphaël Enthoven. À raison de deux heures par jour, j’y passe un temps fou. Mais c’est du temps gagné. Twitter donne accès à l’ensemble des passions, des opinions, et surtout des préjugés en présence. L’anonymat libère l’insulte et offre à la loupe de l’éthologue des spécimens parfaits. L’enjeu de mon travail est de repérer la mauvaise foi et d’y remplacer l’invective par l’argumentation. Sur Twitter, je suis un poisson-pêcheur. J’en fais partie, tout en y prélevant ce qui m’intéresse. Et la chasse est toujours excellente. De ma fausse terrasse, j’observe, comme à l’opéra, des discours antagonistes produire des comportements identiques. C’est un régal pour les yeux et l’esprit. Twitter est un concentré d’agora.
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« Un concentré d’agora » ?! Vous énoncez là le malentendu consubstantiel aux réseaux sociaux : la confusion entre la foule et le peuple…
Cette confusion entre la plèbe et le peuple remonte au XIXe siècle, lorsque Marx disait du prolétariat qu’en raison de ses souffrances, il était fondé à incarner « l’humanité tout entière ». Or, Twitter se présente comme le médium de la plèbe, c’est-à-dire le porte-voix de ceux qui se vivent comme les exclus de la fête médiatique, les ignorés des « médias officiels ». En tweetant, je me suis confronté
