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Israël-Iran: la guerre promise peut avoir lieu

Les tensions n'ont jamais été aussi fortes entre les deux Etats


Israël-Iran: la guerre promise peut avoir lieu
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a brandi ce qu'il présente comme un morceau d'un drone iranien abattu en Israël. Photo: LENNART PREISS / MSC MUNICH SECURITY CONFERENCE / AFP

Entre Israël et l’Iran, les tensions n’ont jamais été aussi vives. Hier, 18 février, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a notamment profité de la Conférence sur la sécurité de Munich pour interpeller le ministre iranien des Affaires étrangères. Si les Etats-Unis semblent prendre la mesure de la situation, l’Union européenne est davantage préoccupée par la sauvegarde de l’accord nucléaire.


Après des années de tensions, jamais Israël et l’Iran n’ont été si proches d’une confrontation directe. Le régime iranien constitue désormais la principale menace pour Israël, avec lequel il n’a pourtant pas de frontières, mais dont il a juré la destruction. Outre la perspective que les ayatollahs se dotent un jour de l’arme nucléaire, des missiles balistiques classiques peuvent peut-être déjà atteindre l’Etat hébreu. La quasi-victoire de Bachar el-Assad donne la possibilité à ses alliés du Hezbollah et aux milices chiites, sous tutelle iranienne, de se concentrer sur l’ennemi de toujours, le « serpent » israélien. Sur le versant syrien du Golan, une confrontation directe n’est pas exclue. Pour la première fois dans l’histoire tumultueuse d’Israël, un pays hostile a non seulement l’intention affichée de le détruire, mais est en train d’en acquérir la capacité.

L’hiver vient ?

Récemment, j’étais dans le nord d’Israël à la frontière libanaise. Sur place, la géographie permet de mieux comprendre les craintes de l’Etat juif. Sur la route qui longe en partie la frontière, on peut encore voir les fortins de la ligne Sykes Picot qui détermine toujours aujourd’hui la limite entre Israël et le Liban. Le contraste est grand entre les deux pays. Côté israélien, l’habitat est clairsemé, la région a été boisée et une agriculture intensive est pratiquée par endroits. Le côté libanais est beaucoup plus peuplé et dépourvu de végétation. Ce sont des maisons et de petits immeubles qui s’étendent à perte de vue, un peu partout, sans aucun plan d’aménagement. Nombre de ces édifices, dont certains sont tout proches de la zone de séparation, semblent inhabités ou en construction. Selon l’armée israélienne, beaucoup abriteraient des armes, des lance-roquettes et des missiles. Du petit kibboutz de Misgav Am situé en hauteur, on voit flotter en face au moins trois drapeaux du Hezbollah, le parti d’Allah. Des soldats observent à la jumelle et au téléobjectif le côté libanais. Un grand camp des Nations-unies, les « UN, United Nothing » comme les appelle notre guide, est aussi tout proche. Cette frontière est calme depuis 2006, mais tous nos interlocuteurs craignent un conflit cette année auquel ils se préparent.

De ce kibboutz, on voit très bien en contrebas à l’est la plaine fertile de Hula, irriguée par le Jourdain et, juste au-dessus, la dominant, les montagnes du Golan. La frontière de 1967 se situe au pied du massif montagneux. On comprend mieux pourquoi Israël a voulu occuper, puis annexer une partie du Golan. Occupée par un ennemi, ces montagnes constitueraient une menace mortelle pour les habitants de la plaine, impossible à défendre face à un Etat belliqueux. Et Israël ne saurait tolérer la présence de milices chiites armées par l’Iran sur le plateau du Golan côté syrien.

Situé à six kilomètres de la frontière, l’hôpital de Galilée se prépare aussi à la guerre. Un étage souterrain a été construit capable d’accueillir plusieurs centaines de patients. D’énormes filtres à air, censés pouvoir résister à une attaque chimique ou bactériologique y ont été installés. Des blessés syriens du conflit, de jeunes hommes barbus au style islamiste, qui se présentent comme des civils, sont soignés gratuitement par Israël à la fois pour des raisons humanitaires, d’image et d’entraînement : ces blessés permettent aux chirurgiens israéliens de garder la main. En 2006, lors de la guerre du Liban, cet hôpital a soigné des milliers de civils et de militaires.

L’Union européenne est dépassée

Contrairement aux Etats-Unis et à l’Arabie saoudite, l’Union européenne, obnubilée par la survie de l’accord sur le nucléaire, ne semble pas prendre la mesure de l’expansionnisme iranien qui se manifeste au nord par la reconstitution d’un croissant chiite continu de l’Iran au Liban et, au sud, par la déstabilisation du Bahreïn, du Yémen et le financement du Hamas. Dans le contexte régional, Israël et l’Arabie saoudite sont devenus de fait des alliés inavouables partageant quasiment les mêmes intérêts stratégiques en Syrie, au Liban, et en Egypte. Après des années consacrées à la guerre civile, la victoire de Bachar el-Assad et de ses alliés iraniens leur permette à nouveau de tourner leur attention vers le petit Satan israélien, l’ennemi héréditaire. Vladimir Poutine, allié à l’Iran contre les rebelles syriens, auquel Assad doit sa victoire, mais qui entretient de bonnes relations avec Benjamin Netanyahu pourrait jouer les médiateurs et marquer de nouveaux points sur la scène internationale.

A lire aussi: Trois objectifs que Macron doit proposer à l’Union européenne

Les conflits impliquant Israël durent depuis tellement longtemps que l’Union européenne a tendance à penser que la sécurité du pays, qui bénéficie toujours d’une écrasante supériorité militaire, est garantie. Il n’en est rien. De Gaza et du Liban, le Hamas et le Hezbollah peuvent d’une heure à l’autre déclencher une pluie de missiles sur Israël, obligeant ce dernier à une forte riposte, des centaines de milliers de civils à se terrer dans des caves et déclenchant une grave crise internationale. Dans ces conditions, Israël ne peut tolérer que l’Iran, qui livre déjà des milliers de missiles au Hezbollah, construise une usine pour les fabriquer au Liban ou en Syrie, comme l’affirment les services de renseignements israéliens et, surtout, que l’ex-Perse soit capable d’ouvrir un troisième front à partir de la Syrie.

L’Europe doit cesser d’aborder l’Iran sous le seul prisme du maintien de l’accord nucléaire, que Trump menace d’ailleurs de ne plus respecter. Israël n’a jamais caché son hostilité à cet accord qui ne prévoit pas de moratoire sur les essais de missiles balistiques. D’un point de vue économique, l’Iran n’en a pas non plus reçu les bénéfices escomptés, les grandes firmes européennes restant soumises au risque de représailles américaines, les Etats-Unis maintenant des sanctions unilatérales. C’est particulièrement vrai dans le domaine bancaire. Il y a donc une marge de négociations pour un nouvel accord qui prendrait bien davantage en compte la sécurité d’Israël.

L’Iran, un acteur normal des relations internationales ?

« Modérés » ou « conservateurs », seule la rhétorique change dans la politique iranienne vis-à-vis de Jérusalem. Damas, Sanaa et Beyrouth sont déjà sous la coupe de Téhéran. L’expansionnisme perse est une réalité que le président Macron et l’Union européenne doivent reconnaître. Depuis quand un Etat qui appelle ouvertement à la disparition d’un autre et qui s’y prépare est-il traité comme un acteur normal des relations internationales ? Depuis les printemps arabes et la création de l’Etat islamique, pas un pays n’a été épargné par des changements majeurs. Une nouvelle recomposition politique est en cours dans la région. Et l’Orient n’a jamais été aussi compliqué.

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