Malgré les menaces de certains syndicats, la lecture de La Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes de Charb à l’université Paris Diderot (Paris-7) n’a pas été annulée. Mais la tactique d’intimidation des censeurs a tout de même fonctionné…
Deux types rôdent, passent et repassent, mains dans les poches, le pas décidé. Deux étudiants visiblement, les cheveux mi-longs, ébouriffés, qui à chaque passage devant l’affiche balancent un sourire narquois. On croit que ça vient, que ça va péter, qu’ils vont prévenir leur grande armée. Mais en fait, rien. Hier soir, la guerre contre Charb n’a pas eu lieu.
Et ils sont où les Charbophobes ?
Le syndicat SUD-Solidaires de l’université de Paris-7 avait pourtant prévenu : « Nous demandons (et obtiendrons) l’annulation » de la lecture-débat de la Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, écrite par Charb deux jours avant de se faire flinguer. Apparemment c’était raciste, ça « particip[ait] à ce mouvement de construction raciste d’un « ennemi intérieur » ». Comprenez « les musulmans ».
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On apprendra finalement qu’ « une vingtaine de personnes » a protesté cartons en main et foulard sur le nez, le tout entre trois flics et un drapeau antifa’ bravement tagué sur un mur. Les autres avaient sans doute trop froid, le cuir trop mouillé ou des exams à réviser. A moins que les autres… n’existent pas. Mais pour le savoir, il fallait ne pas être entré. Car le spectacle (c’est aussi une forme d’art qu’on a voulu censurer), lui, a bien eu lieu.
Dans l’amphi Buffon de Paris Diderot, un acteur aux faux airs de Mathieu Madénian s’exclame : « Si tu penses que la critique des religions est l’expression d’un racisme […], eh bien bonne lecture car ce texte est pour toi ! » Mince, s’ils auraient su, z’auraient p’t’être venus…
« Ils prennent les musulmans pour des cons »
Pendant près d’une heure, tout le monde en prend pour son grade : Sarko qui a « libéré la parole raciste », les cathos intégristes jaloux des islamistes, les juifs, les medias et le « mal choisi » terme « islamophobie ». Mal choisi parce qu’il remplace « racisme » dans la bouche de ceux qui l’emploient et qu’il fait passer l’insulte supposée à l’islam au-dessus de la personne réellement victime de racisme : « que les musulmans ne soient vus que comme des musulmans, c’est au fond ce qu’ils veulent tous ». Les prêcheurs d’islamophobie confondent volontairement un terroriste caricaturé avec tous les musulmans, ce faisant « ils prennent les musulmans pour des cons ». Et ça, Charb n’aime pas.
Fin de la représentation, les caricatures à l’écran laissent place à des remerciements et à un « special fuck : ils se reconnaîtront… » Cette fois, l’acteur Gérald Dumont a pu aller au bout de son texte, pas comme à Lille, pas comme ailleurs où il n’a pas même pu le débuter. Marika Bret, DRH de Charlie Hebdo, commence le débat par un « ouf ! ». Mais la tactique des censeurs a marché. Dans l’amphi, la plupart des « étudiants » ne le sont plus depuis bien longtemps. La menace fantôme ou l’intimidation comme mode d’action.
C’est un étudiant qui prend pourtant la parole : « cette semaine, toutes les affiches annonçant l’évènement ont été taguées ». Une dame embraye : « pendant la représentation je n’ai cessé de me dire « là, je suis d’accord, là je ne suis pas d’accord… » mais on s’en fout, je suis venue au nom du pluralisme », assène-t-elle avant de reprendre un trémolo dans la voix : « j’ai été extrêmement choquée qu’on essaye d’interdire cette lecture dans une université française ».
Charlie, « c’est un humour de lâches »
La parole est vive, tous ont apprécié le spectacle. Une prof se lève : « j’aimerais vous inviter à l’université de Nanterre, mais je suis sûre que ça ne passera pas. On est la seule fac où on n’a pas pu afficher « Je suis Charlie ». Dès le lendemain de chaque attentat, on voit se multiplier les étudiantes voilées. Chez nous, ça ne pose plus de problème à certains de dire « Je suis Mohammed Merah » ».
Une vingtaine de personnes vont s’exprimer. Parmi elles, plusieurs sont nées à l’étranger. Une jeune Française de première génération ne peut cacher son trouble : elle croit revivre en France ce qu’elle a connu en Iran.
Après plus d’une heure de réactions, on se met à demander d’abréger. Et puis dans le fond, une voix plus rauque. « Dernière question. » Un homme d’une trentaine d’années, genre éternel étudiant, commence par dire qu’il est « musulman » mais qu’on se rassure, qu’il « se désolidarise de Daech ». Des sourcils se froncent, on comprend qu’il n’a pas compris, mais après tout, on le laisse parler. Les mots se mélangent : « Capitalisme », « oppression », « libéralisme ». Et puis se retrouvent : « Les 200 à 300 morts du djihadisme en France c’est terrible, mais quand même à côté des milliers de morts du chômage… », baragouine-t-il en substance. « J’aime bien Charlie mais c’est quand même un humour de lâches… » Bronca. «… ils ne s’en prennent qu’aux islamistes et aux cathos… » Re-bronca. Une dame lui offre Charlie Hebdo. Il dit merci mais n’en veut pas. On dirait le SUD. Preuve, s’il en faut, que la guerre contre Charb aura bien lieu…
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