Beaucoup plus fort que Romain Gary ! Le grand écrivain a obtenu pour la seconde fois le prix Goncourt en 1975 pour La vie devant soi en attribuant la paternité du livre à son neveu, pourvu du pseudonyme d’Emil Ajar. Le 6 novembre 2017, l’avocat américain Mike Godwin, inventeur de la loi du même nom, a décroché les deux plus prestigieux prix littéraires français, le prix Goncourt et le prix Renaudot. Pour le premier, il s’est affublé du nom et de la personne d’un littérateur peu connu, Eric Vuillard à qui il a fait endosser L’Ordre du Jour. Pour le second, c’est Olivier Guez qui aurait écrit La disparition de Josef Mengele. Le premier livre parle de la collusion d’Hitler avec le grand capitalisme allemand et le second de la fuite et de la vie heureuse en Amérique du sud du médecin en chef d’Auschwitz. Il reste à espérer que, quand la supercherie sera découverte, ces deux marionnettes ne tomberont pas dans la même dépression interminable que Paul Pavlowitch, le malheureux neveu manipulé par Gary.
La critique n’est pas de notre temps
Quel courage, tout de même, dénoncer la montée en puissance du nazisme et ses séquelles plus de 70 ans après la chute du IIIème Reich ! Un courage qui a été salué par les jurys, le bon Monsieur Pivot en tête, comme par les journalistes.
Cohérence des prix Goncourt et Renaudot. L’Ordre du jour, la montée du nazisme, La Disparition de Josef Menguele, son agonie planquée.
— bernard pivot (@bernardpivot1) 6 novembre 2017
Non, non, nous ne voulons pas de romanciers qui parlent des brûlants problèmes d’aujourd’hui. Quelle mouche a piqué Alain Finkielkraut d’intituler une de ses récentes émissions de Répliques, A la Recherche du temps présent ? Franchement, ce Patrice Jean qui parle dans L’Homme surnuméraire de l’angoisse des mâles d’aujourd’hui déclarés inutiles et nuisibles à la société, quel intérêt ? Et ce Benoît Duteurtre qui nous bassine avec la bétonnisation du monde, l’enlaidissement de Paris par Hidalgo et le tourisme de masse dans Pourquoi je préfère rester chez moi, en voilà un raconteur de futilités ! Ces pauvres garçons répètent à l’infini le modèle de Balzac, qui termine son œuvre par des livres dont l’action lui est quasiment contemporaine comme La cousine Bette, ou de Proust qui à la fin de La Recherche du Temps perdu décrit en direct la société de l’immédiate après-guerre de 14-18, juste avant sa propre mort.
Il est temps de dénoncer les guerres préhistoriques
Non, non, les jurés Goncourt et les jurés Renaudot ont totalement raison, nous voulons des romans qui évacuent les douloureux problèmes de la société française d’aujourd’hui, qui ne risquent pas de la cliver, de « dresser les Français les uns contre les autres ». Vous voyez le mauvais effet d’un romancier qui écrirait le monologue intérieur d’une mère de djihadiste parti en Syrie, et qui attendrait interminablement à sa fenêtre de banlieue le retour de l’enfant guerrier ou d’un de ses copains ? Et l’effet désastreux du journal d’un vieil homme de Villejuif qui verrait son entourage et sa ville s’africaniser peu à peu inexorablement ? On ne monte plus jamais Le Rhinocéros d’Ionesco et on a bien raison. De mauvais esprits pourraient croire que cette pièce nauséabonde, où tout l’entourage de Béranger se transforme irrésistiblement en rhinocéros sans que personne y trouve à redire, est une métaphore à peine voilée du « Grand Remplacement » qui galope à travers les villes et campagnes de France.
Bref, nous voulons des romans qui soient pour le Bien et contre le Mal. Nous exigeons de bons gros romans historiques qui dénoncent avec vigueur la croisade contre les Albigeois dits aussi Cathares, qui traînent dans la boue son ignoble chef Simon de Montfort, ou bien un ouvrage vigoureux qui s’en prendrait au génocide commis par Charlemagne contre les Saxons. Songez que les survivants prisonniers étaient conduits à Verdun, entièrement dépouillés de leur virilité et vendus aux harems d’Afrique du Nord. Voilà un scandale qui a trop été occulté. Et pour les grands prix littéraires de l’an prochain, je suggère qu’on se penche sur les guerres préhistoriques, longtemps niées et pourtant pleines de massacres sur lesquels pourra s’épancher le goût contemporain du pleurnichage à motifs antédiluviens. Certes Ao, le dernier Néandertal de Marc Klapcynski, remonte à 2010 et il est un peu tard pour le couronner du Goncourt ou du Renaudot. Mais d’autres thèmes, passionnants et matières à scandale, peuvent inspirer des romans dans l’année qui vient. Qui racontera le massacre d’homo florensis, ce pauvre hobbit qui mesurait un mètre et fut génocidé par Sapiens à son arrivée en Indonésie ? Ou bien l’extermination de ces gentils chameaux géants qui vivaient en Amérique jusqu’à l’arrivée de ce même Sapiens ? Décidément une brute très épaisse, et pourtant notre ancêtre.
La disparition de Josef Mengele - Prix Renaudot 2017
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