Accueil Monde L’Union européenne ne veut pas arrêter les flux de migrants

L’Union européenne ne veut pas arrêter les flux de migrants


L’Union européenne ne veut pas arrêter les flux de migrants
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, octobre 2017. SIPA. AP22119513_000001

Beaucoup voient dans le retour à la paix en Libye le préalable au contrôle des flux de migrants qui traversent chaque jour la Méditerranée en direction de l’Europe. Macron a d’ailleurs enté une médiation dans ce sens en juillet dernier, sans succès à ce jour.

Il est vrai que le renversement du colonel Kadhafi en 2011 a fait sauter le verrou qui bloquait le passage des populations de l’Afrique subsaharienne. Le flux n’a certes commencé en grand qu’en 2014, le temps que les réseaux s’organisent. Mais depuis, il ne tarit pas : 360 000 migrants ont pris le chemin de l’Europe en 2016 dont 5000 se sont noyés. Pour les sept premiers mois de 2017, le chiffre est de 86 000 dont 2000 noyés.

La faiblesse de la Libye est un atout

On aurait tort cependant de penser que la clef du problème se trouve exclusivement à Tripoli. Le rétablissement de la paix civile et d’un Etat digne de ce nom en Libye pourrait certes faciliter le contrôle des flux de réfugiés, pour peu que ce gouvernement le veuille. Mais le contrôle des réfugiés serait déjà possible à condition que les Européens prennent le contrôle policier, pas nécessairement militaire, des ports de départ pour y faire la chasse aux passeurs et autres trafiquants de chair humaine, pour y détruire les bateaux et pour filtrer en amont les vrais réfugiés, comme le propose Macron. Les vrais réfugiés sont en tout état de cause peu nombreux au départ de la Libye, moins qu’ils ne l’étaient au départ de la Turquie, une filière que les espoirs de paix en Irak et en Syrie ont commencé à tarir. Il s’agit principalement  de migrants économiques.

Le fondement d’une intervention européenne (policière plutôt que militaire) dans les ports libyens pourrait être tout simplement un accord bilatéral entre le gouvernement de Tripoli et tel ou tel Etat européen (de préférence des Etats méditerranéens comme la France ou l’Italie). On objecte au Quai d’Orsay que ce gouvernement ne contrôle rien. Étonnante ignorance du droit international : on ne lui demande pas de contrôler son territoire mais de donner à d’autres le droit de le faire. Pour cela il suffit que ce gouvernement soit légitime, ce qui est le cas. Loin d’être un obstacle, sa faiblesse actuelle pourrait être un atout. Ne subsistant que sous perfusion de l’OTAN, il n’est pas en mesure de refuser un tel accord.

L’immigration, un projet européen

Cela ne s’est pas fait à ce jour car l’Union européenne exige au préalable une résolution du Conseil de sécurité, autrement dit elle conditionne une opération qu’elle pourrait faire elle-même à l‘accord de Russie et de la Chine – peu chauds, au vu des précédents, pour donner à nouveau un feu vert aux Occidentaux dans cette zone. Disons-le tout net : cette exigence parfaitement inutile signifie une chose : que l’Union européenne ne veut pas que le flux soit arrêté.

Pourquoi ? Différents documents émanant soit de l’ONU, soit de l’Union européenne ressassent depuis bientôt trente ans que l’Europe, compte tenu de son déficit démographique – qui est aujourd’hui d’un tiers à chaque génération, y compris en France pour la partie autochtone – a besoin, pour fournir de la main d’œuvre à son industrie et pour équilibrer ses régimes de retraite d’un afflux de 40 ou 50 millions d’immigrés.

On voit bien ce que ce raisonnement technocratique, seulement basé sur les chiffres, a de borné : il suppose que les hommes sont fongibles, hors de toute considération culturelle, ethnique ou religieuse. Les prospectivistes des institutions citées n’ont aucun souci de la cohésion des nations européennes. Ils préconisent même ouvertement ce qu’ils appellent le « replacement ». A Davos, l’effet économique positif de l’arrivée des migrants a été applaudi. Par sa politique d’accueil des années 2015 et 2016, Angela Merkel n’a pas raisonné autrement.

Régner dans la diversité

Dans les mêmes cercles, certains vont plus loin : ils comptent que le brassage des populations affaiblira les Etats et facilitera tant la mondialisation que l’intégration supranationale. Alors que chacun sait que c’est le contraire qui nous attend : cet afflux exacerbera les conflits religieux ou ethniques et   mettra en cause un peu partout la paix civile.

Personne, dans ces sphères, n’envisage que l’effort de l’Europe pourrait porter sur le redressement démographique. Certes c’est difficile, mais pas plus que d’enrayer le réchauffement climatique ! Il n’en est pas question car cela semblerait remettre en cause la doxa féministe, comme si la maternité était un malheur.

La résistance compréhensible des peuples à cette perspective est tenue à Bruxelles, et dans les capitales sous son influence, pour un populisme rétrograde dont les leçons de morale et les poursuites judicaires devraient venir à bout. On n’imagine pas que ce puisse être  l’effet du réalisme historique ou d’un légitime souci de préservation.

L’Union européenne a les moyens, pas l’ambition

Il va de soi que si ces idées figurent dans de multiples rapports, on se garde bien de dire clairement : « Non, l’Union européenne n’a pas l’intention de contrôler les passages en Méditerranée car elle a besoin des migrants ». On se contente de laisser croire que ces flux ne sont pas maitrisables, qu’ils échappent à toute volonté politique, que le souci humanitaire prime sur toute autre considération. On renforce Frontex qui va au secours des migrants largués par les passeurs pour les emmener en Italie. Au moment où les migrants ont afflué de Turquie (2015-2016), il était facile, dès lors que l’Allemagne avait décidé de les accueillir, de leur envoyer des billets d’avion qui leur auraient épargné le racket des passeurs et les noyades en mer Egée. L’hypocrisie de l’Union européenne qui ne veut pas empêcher les migrants de venir mais fait semblant de n’y pouvoir rien, est la cause des milliers de noyades en Méditerranée.

Disons-le clairement : la paix en Libye est souhaitable, mais quelle que soit l’évolution de la situation sur le terrain, si l’Union européenne veut vraiment contrôler ses frontières maritimes, elle en a déjà les moyens.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent « Adopte une vie », l’arme fœtale des anti-IVG polonais
Article suivant Prix Goncourt: Eric Vuillard sacré
est essayiste.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération