En terrain miné, le duel épistolaire que viennent de publier Elisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut est profond, brillant et souvent émouvant. Mais leur commune impasse sur la transcendance autant religieuse que laïque ne porte guère à l’espérance, donc à l’action.
Au classique dialogue enregistré, Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut ont préféré une manière plus calme de débattre : l’échange de lettres où l’argumentation peut se déployer, qui permet donc les nuances nécessaires En terrain miné, quand il faut contrôler son langage.
L’objet de cet échange est Alain Finkielkraut, son œuvre et sa position politico-intellectuelle. Le projet voulait répondre à deux inquiétudes, donc à une double-attente. Celui qui est au centre attendait de son interlocutrice qu’elle présente et représente les critiques dont il est l’objet, d’une manière dédramatisée, rationnelle, en élaguant les malveillances adventices ; mais il espérait aussi, en montrant qu’il peut désarmer les méfiances d’une amie, ébranler, désarmer un peu ses nombreux adversaires, les toucher mieux qu’on ne peut le faire dans le feu des polémiques.
Plus qu’un échange, un duel
De son côté, Élisabeth de Fontenay ne voulait pas être seulement un sparring-partner, la porte-parole d’une accusation dont elle devrait émousser la virulence ; elle avait avec son co-auteur des divergences particulières qu’elle entendait exprimer, dans l’espoir de le « faire bouger ».
C’est un corps à corps intellectuel, un duel à l’épée des arguments entre deux amis qui s’aiment et s’estiment autant qu’ils se tapent sur les nerfs – et vice versa. Pendant une année, Alain Finkielkraut a échangé de longues lettres électroniques avec Élisabeth de Fontenay, l’une de ses plus chères amies dans l’espoir, sinon de vider leurs querelles, de s’appuyer sur elles pour comprendre ce qui se passe. Le résultat redonne toute sa noblesse au beau mot de polémique. Élisabeth de Fontenay, cherchant à comprendre ce qui fonde cette « amitié conflictuelle », évoque une « commune provenance à la fois ashkénaze, française, républicaine, lettrée » et un goût partagé pour le second degré réparateur. Non seulement cette proximité n’interdit pas, mais elle autorise de franches engueulades où la fidélité farouche à la gauche de l’une reproche à l’autre ses positions droitières. Leurs divergences, trempées dans l’amour que l’une a pour Rousseau et la méfiance que l’autre a pour sa descendance, permettent en tout cas d’explorer, peut-être au moment
