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Vers le quotient familial gay ?


La séquence politique que notre grand et beau pays est en train de vivre a de quoi inquiéter. Alors que l’euro s’enfonce dans la crise, que jamais les bruits de bottes au Moyen Orient n’ont été si sonores, que les grandes institutions comme l’école vacillent sur leurs bases, les deux principaux candidats à la présidence de la République lancent dans l’arène le quotient familial (François Hollande) et le mariage homosexuel (Nicolas Sarkozy).
Pendant ce temps-là, Marine Le Pen présente aux Français un programme économique décoiffant, qui prône la sortie de l’euro, le retour au protectionnisme et fracasse tous les adeptes du TINA (There Is No Alternative), de gauche, de droite et du centre. On pourra dire et écrire tout le mal que l’on pense de ce programme et même brosser le tableau de l’apocalypse qu’il provoquerait, il reste qu’elle s’est placée au centre du vrai débat politique, alors que ses concurrents batifolent sur les marges.

Nous ne reviendrons pas en détail sur la querelle du quotient familial dont nous vous avons entretenu ici, mais il nous faut bien constater que les efforts de François Hollande pour faire rentrer ce mauvais génie dans la lampe à huile ont lamentablement échoué. Au contraire, des amis bien intentionnés, comme Olivier Ferrand, le patron du think tank socialiste Terra Nova, et le démographe Hervé Le Bras enfoncent le clou : cette question du quotient familial est, pour eux le shibboleth[1. Le shibboleth apparaît dans la Bible (Livre des Juges 12:4-6). D’après cet épisode, les Giléadites utilisèrent ce terme, signifiant « blé » en hébreu pour distinguer leurs ennemis Éphraïmites parmi les fuyards après une bataille. Les Éphraïmites se trompant sur la façon de prononcer la lettre « sh », ils écorchaient là le dernier mot de leur vie.] qui servira de mot de passe pour reconnaître qui est de gauche et qui ne l’est pas. Ceux qui douteraient du bien-fondé de son abolition sont même renvoyés dans la catégorie infamante des « eugénistes », qui voudraient empêcher ces salauds de pauvres de faire des enfants. Le comble de la bouffonnerie est atteint par Hervé Le Bras, lorsqu’il écrit, chez nos amis de Rue89, que : « L’enfant est aussi une consommation par l’affection qu’il procure et permet d’exercer par les contacts sociaux qu’il initie. Il est en même temps un investissement. A long terme, il sera une ressource pour ses parents âgés comme eux l’ont été pour lui quand il était jeune… ». Ainsi, la seule différence entre un gosse et un teckel à poil dur serait que ce dernier ne viendra pas combler votre découvert à la banque quand vous aurez flambé votre retraite au betclick ! Ce Le Bras est peut-être un brillant démographe, mais il lui a échappé que les transferts de revenus intrafamiliaux se font aujourd’hui plutôt dans l’autre sens, comme l’a démontré le sociologue Louis Chauvel.

La querelle du quotient familial évoque irrésistiblement celle des 35 heures : il s’agit d’une mesure présentée comme un « marqueur » de la gauche, proposée au peuple par des esprits éclairés qui savent mieux que ce même peuple ce qui est bon et juste pour lui. On a pu constater que les effets politiques de l’instauration des 35 heures n’ont pas été à la hauteur des espérances de la gauche. Cette diminution du temps de travail imposée d’en haut n’a pas pu empêcher le 21 avril 2002, certains allant même jusqu’à penser qu’elle a contribué à installer le FN comme premier parti chez les ouvriers…Dans cette affaire, la gauche politique avait une excuse : les 35 heures, depuis le milieu des années quatre-vingt, arrivaient en tête des revendications syndicales. Qui, avant la semaine dernière, avait entendu du côté de la CGT, de la CFDT ou même de SUD des voix demandant la suppression du quotient familial ? J’ai eu beau scruter toutes les banderoles des défilés des derniers 1er Mai sur Youtube, je n’ai jamais vu de slogans exigeant son abrogation. Les mêmes causes ayant généralement les mêmes effets, il n’est pas interdit de penser que ce gimmick programmatique est de nature à plomber sérieusement la campagne du candidat Hollande, comme les 35 heures avaient contribué à couler le candidat Jospin.

A droite, ce n’est pas mieux. Libération nous apprend que le non encore candidat Nicolas Sarkozy envisagerait d’inscrire à son programme l’instauration du mariage homosexuel. L’éditorialiste de ce quotidien nous explique doctement qu’il s’agit là d’un : « Nouvel avatar de la fameuse « triangulation », une stratégie politique dont Nicolas Sarkozy s’est fait l’expert : reprendre à son compte une proposition de l’adversaire pour tenter de capter une clientèle électorale ». Une reprise, donc, des astuces de la campagne de 2007, lorsque le candidat Sarkozy évoquait les mânes de Jean Jaurès et de Guy Môquet.

Etant moins bon géomètre que le commentateur de la rue Béranger, j’aurais plutôt tendance à penser que les stratèges de Hollande, comme ceux de Sarkozy, qui savent lire les sondages et interpréter les « qualis »[2. Les « qualis » sont, dans le jargon des instituts de sondages, des études d’opinion qualitatives, s’appuyant sur des entretiens approfondis avec un échantillon réduit d’électeurs.] sont en train de mener une bataille pour que leur champion se retrouve, au soir du 22 avril 2012, seul face à Marine Le Pen, ce qui contraindrait le « quatrième homme », François Bayrou, à passer sous les fourches caudines du candidat « républicain » qualifié. Rendez-vous, le 23 avril, au Café du Commerce, j’y serai.



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