Pour sa première rentrée, nous avons voulu confronter Jean-Michel Blanquer à l’une des observatrices les plus pertinentes de l’école et du monde enseignant. Apprentissage de la lecture, autonomie des établissements, restauration de l’autorité des profs, le ministre et la journaliste sont loin d’être d’accord sur tout, mais partagent un même constat: l’école est délabrée, et ce n’est pas en perpétuant les errements égalitaristes du passé qu’on la reconstruira.
Retrouvez la première partie du débat Jean-Michel Blanquer – Natacha Polony
Si on en juge au bruit médiatique, c’est au collège que se manifestent les plus grandes difficultés. Ne faudrait-il pas revenir sur le collège unique ?
Natacha Polony: Non, ce n’est pas le plus urgent ! Le vrai maillon faible, c’est le primaire, parce que quand on a 25 % des élèves qui entrent en sixième en grande difficulté, le collège n’est qu’une conséquence. Le collège unique n’est pas la cause de nos problèmes, car la massification du primaire a précédé son instauration, en 1975. Le problème, c’est que l’effondrement des méthodes d’apprentissage au primaire, au moment même où on organisait la massification, a fait s’effondrer le niveau de tous les élèves.
Jean-Michel Blanquer : Évidemment, ce sont les premières années qui sont absolument décisives, y compris, d’ailleurs, les années qui précèdent l’école. On le sait grâce aux sciences cognitives, l’école maternelle, le CP et le CE1 sont très importants. Si vous n’avez pas appris vos tables de multiplication à l’école élémentaire, vous ne posséderez jamais réellement les automatismes qui vous permettraient d’avancer sur d’autres questions mathématiques.
Il y a un terme qui résume peut-être le virage pédagogique que vous appelez l’un et l’autre de vos vœux – même si vous n’en avez pas strictement la même conception –, c’est « autorité ». Or, c’est d’abord la restauration de celle-ci que demandent de nombreux parents. Curieusement vous n’avez pas prononcé ce mot.
J.-M. B. : Je l’ai fait, et longuement, ce matin même, devant les recteurs ! La notion d’autorité est fondamentale. D’un point de vue pédagogique, l’autorité du professeur est liée à son savoir. Elle n’est en rien synonyme d’un bâton pour taper, mais est, au contraire, le signal d’une volonté d’élever les enfants vers l’âge adulte. L’autorité doit donc d’abord être la conséquence naturelle d’une passion du savoir, des personnes comme des institutions. Par ailleurs, il faut aussi rétablir l’autorité au regard du comportement des élèves. Cela ne se fera pas en un jour, mais des grands principes sont déjà affirmés. J’ai évoqué cette question devant des chefs d’établissement de l’académie d’Orléans-Tours en leur disant : « Dans certains établissements, on ne fait pas de conseils de discipline parce qu’on pense qu’un faible nombre de conseils de discipline sera un indicateur de bonne santé de l’établissement. Mais nous savons très bien que c’est faux ! Il ne faut pas agir sur le thermomètre, mais sur la réalité. Vous ne serez pas jugés positivement ou négativement par le nombre de conseils de discipline. Il faut aller en conseil de discipline chaque fois qu’un fait le mérite. » Ma philosophie est claire sur ce point : la force doit toujours être du côté du droit, le monde des adultes doit être soudé vis-à-vis des enfants et des adolescents. Il est vrai que nous avons à reprendre la pelote assez loin, mais cela a commencé de façon parfaitement claire.
N. P. : Je souscris totalement à votre propos liminaire, à savoir que l’autorité du professeur découle de son savoir. Ce qui nécessite de porter une attention
