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Budget: les Jeux Olympiques oui, la Défense de la France non?


Budget: les Jeux Olympiques oui, la Défense de la France non?
Emmanuel Macron soutient la candidature de Paris 2024 à Lausanne en Suisse, juillet 2017. SIPA. 00814669_000005

« Si vis pacem para bellum ». Si tu veux la paix, prépare la guerre. Qui ne connaît la formule, généralement attribuée à Végèce, auteur romain (chrétien…) de la fin du IVème siècle, dans son Traité de l’art militaire ? Cette sentence, considérée par beaucoup, dont l’auteur de ces lignes, comme une vérité non pas révélée mais observée tout au long de l’histoire, est néanmoins contestée. Un courant de pensée pacifiste lui oppose qu’au contraire « si tu veux la paix… prépare la paix ». Cette opposition a le mérite d’une forme (apparente) de cohérence, et d’un bel idéalisme.

La Défense sur l’autel de l’Europe

On ne peut en dire autant, hélas, de la politique d’Emmanuel Macron sur le sujet. Le président de la République n’est pas un pacifiste qui refuserait de payer à la paix le prix des armes. Macron n’est pas idéaliste. Il est cynique, pragmatique (autre mot pour opportuniste) et irresponsable, comme l’étaient nos rois de droit divin. Macron considère qu’il n’a de comptes à rendre à personne, puisqu’il a été élu. Il est l’Elu, comprenez-vous. L’Elu n’a pas à se montrer cohérent, ni conséquent. L’Elu peut promettre d’augmenter le budget des armées jusqu’à arriver, « à l’horizon 2025 » (on sent que cet horizon, comme dans le désert, est appelé à se déplacer à mesure qu’on avancera vers lui…), à 2 % du PIB, et, quelques semaines plus tard, décider que ce même budget va commencer par être amputé de 850 millions d’euros. Comme ça. Parce qu’il a promis à Angela Merkel de montrer l’exemple en matière de respect de la règle européenne de maîtrise du déficit public à 3 % maximum du PIB. L’Elu veut être distingué par Maman Merkel comme le meilleur élève de la classe européenne. L’Elu pense que dans la vie il faut être le premier de sa classe. C’est beaucoup plus important que d’être responsable, cohérent et conséquent.

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En parlant de cohérence et de responsabilité, tiens. L’Elu a personnellement mouillé sa chemise pour que Paris décroche les Jeux Olympiques de 2024. Coûts estimés de ces jeux (sous-estimés, selon la plupart des spécialistes) : 6,6 milliards d’euros. Au moins. Il faut donc que tous les ministères, sans considération de leur devoirs et engagements inégaux face au chaos du monde, passent au rabot, fassent des économies, dont 850 millions d’euros pour les armées, mais on est prêt à participer aux 6,6 milliards d’euros nécessaires pour organiser les Jeux. Pourquoi ? Ah oui, le rayonnement de la France, la gloire. L’Elu aime la gloire, la lumière et des décorums impériaux. Pourtant il ne se sent pas responsable devant l’histoire pour autant. Être celui qui aura préféré les Jeux aux moyens des légions quand les dangers grossissent et que la paix que l’on croyait acquise révèle sa fragilité, cela ne l’empêche pas de dormir. Du moment que Paris Match continue à le trouver beau…

Si au moins Monsieur Macron avait entrepris de se battre pour que le budget des armées soit exclu de la règle européenne des 3 % du déficit public, la facture des probables Jeux Olympiques serait moins amère. Mais il n’a pas cette audace, ou ce simple sens du devoir, dont a fait preuve le général de Villiers, en s’exprimant en vérité devant une commission parlementaire. Et ce faisant, rappelons-le, le général De Villiers n’a commis aucune faute. Il en aurait commis une en se montrant insincère devant les élus de la nation, insincère comme l’est depuis des années le budget de la Défense, dont on sous-évalue volontairement le coût des opérations extérieures (opex), comme si le chaos du monde devait obéir à Bercy.

Notre matériel militaire est à bout de souffle

Le général De Villiers, d’ailleurs, aurait pu dire tellement plus. Il aurait pu dire en termes très simples qu’en vérité, le budget des armées devrait être porté, et ce dès aujourd’hui, non pas à 2 %, mais à 4 % du PIB. Des années, quand ce n’est pas des décennies, de non-investissement, de reports, d’indécision, ont amené nos forces à ce point où tout est à faire, c’est à dire à payer, et maintenant. Parmi le plus urgent : lancer la construction d’un deuxième porte-avion et de son groupe aéronaval, afin de pouvoir en avoir un en permanence à la mer. Le plus simple serait un « sister ship » optimisé du Charles de Gaulle, comme nous avions auparavant les porte-avions « sister ships » Foch et Clémenceau. Ensuite, remplacer la flotte vénérable de ravitailleurs en vol C 135, car il ne sert à rien d’avoir des Mirage 2000 et des Rafale si l’on ne peut pas les ravitailler en vol, sauf à renoncer à voler ailleurs qu’au-dessus de l’Hexagone. Remplacer également les patrouilleurs maritimes Atlantique 2, à bout de souffle.

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Ce n’est pas fini : devant les retards et les problèmes du programme d’avion gros porteur Airbus A 400 M, toujours pas en mesure par exemple de larguer des parachutistes, il faudrait acheter sur étagère suffisamment d’Hercules C 130 J américains, afin de remplacer les antiques Transalls et nos quelques Hercules déjà vieillissant et sur-employés. On continue : les VAB (véhicules de transport de troupes blindés) ont tous plus de 30 ans et sont usés jusqu’à la corde par les opex (Balkans, Afghanistan, Mali, Barkhane, etc.). Il faut les remplacer rapidement, ainsi que d’autres types de véhicules, notamment ceux des forces spéciales. Si l’on parle d’usure, c’est également le cas des hélicoptères, très vieux pour certains (Pumas) et sur-utilisés dans tous les cas ; leur taux de disponibilité est en chute libre, faute de crédits suffisants pour la maintenance opérationnelle. Et l’on ne s’étendra pas sur le nombre d’avions Rafale (air ou marine) insuffisants pour répondre à la fois aux engagements intensifs et prolongés en opex, à la défense aérienne du territoire (exercice qui devient de moins en moins abstrait avec « l’audacieuse curiosité » grandissante des avions russes aux marches de notre espace aérien et de celui, plus généralement de l’OTAN) et à la formation des pilotes.

Un ministre de la Défense incompétent… en matière de Défense

Pour finir, le remplacement du fusil d’assaut FAMAS, qui a plus que fait son temps, par le HK 416, devrait être accéléré ; or on parle de le ralentir, afin d’en étaler le coût sur les années… Bercy ne sait pas que la fiabilité de l’équipement d’un soldat, à commencer par son arme, c’est sa vie, et Bercy s’en fout, d’ailleurs, comme l’Elu, pour qui les équipements militaires ne sont que des objets de communication. Et ce n’est pas la ministre des armées qui risque de le faire changer d’avis. Florence Parly, quelle que soit par ailleurs sa valeur, est, disons-le, incompétente, c’est-à dire dénuée à la fois d’expérience et d’expertise, sur la question des armées. Il est d’ailleurs probable que c’est pour cela qu’elle a été nommée. Elle ne risque pas de contrarier l’Elu. Humilier publiquement les militaires, ces personnes à part dont la fonction, parfois, est de mourir pour nous, à-travers leur chef d’état-major, et leur offrir une ministre incompétente ; ces deux seuls faits suffisent à comprendre le peu de considération qu’éprouve l’Elu envers ceux-ci.

Si tu veux la paix, respecte tes promesses

Un ministre des armées compétent aurait pu expliquer à l’Elu qu’il faudrait au moins arrêter de faire de la com’ avec les soldats et mettre un terme à l’opération Sentinelle, qui sollicite inutilement les militaires, qui ont besoin de se reposer entre deux opex, et de s’entraîner. Cela économiserait de l’argent et des hommes qui ne servent à rien, sauf à offrir des cibles aux terroristes (le soir du Bataclan, rappelons-le, une patrouille Sentinelle, équipées de fusils d’assaut, n’a pas eu le droit de prêter main forte aux policiers, car elle ne se trouvait pas directement en état de légitime défense…). Le travail que l’on fait faire aux légionnaires, parachutistes, chasseurs alpins ou marsouins engagés sur l’opération Sentinelle est un travail de CRS et de gendarmes mobiles ; si nous voulons être conséquents, recrutons et formons plus de ceux-ci, au lieu d’épuiser la ressource essentielle des armées, la ressource humaine. Mais qui souhaite être conséquent ?

Si tu veux la paix, respecte tes promesses, surtout celles faites aux soldats, car ils sont les ultimes garants de nos valeurs, de notre mode de vie, de nos vies tout court. Et l’argent des armées, c’est en grande partie ce qui permet, ou non, de sauver la peau des soldats. Sinon, ces soldats dont nous aurons peut-être bientôt besoin pour défendre notre liberté vont manquer à l’appel…  L’Elu aura beau assener d’une voix martiale en fronçant les sourcils « je suis votre chef », il sera trop tard. Mais quand la suffisance et l’insuffisance s’unissent au somment de l’Etat, les grands désastres ne sont pas loin.

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