On disait de la France qu’elle avait exorcisé le spectre de la violence politique comme on chasse un vieux démon. Sans être encore sanglant, ce dimanche a vu l’agression d’un député marcheur démarchant en plein marché en même temps qu’un attentat visant le mouvement royaliste Action française à Marseille. Si les hommages présidentiels ont salué la première, l’attaque touchant les seconds n’a pas fait grand bruit, dans une ville où pourtant bien des activistes fantasment un retour aux années de plomb.
Une bombe artisanale devant le local de l’AF
Marseille sent le pastis et la poudre. Depuis quelques mois, la ville ajoute à ses folkloriques règlements de compte mafieux le doux souvenir du terrorisme politique méditerranéen. Noirs et rouges y rendent coup pour coup. Signe des temps ou euphorie estivale, un engin fait maison a explosé dimanche près du local de l’Action française Provence. Si aucune victime ne viendra garnir son panthéon de martyrs, le mouvement assure que l’attaque laissera des traces.
Réagissant par des moyens même légaux, les militants ont reçu quelques égards de l’Assemblée nationale où le député dissident du FN Jacques Bompard a salué un mouvement « dont la vocation centenaire est de transmettre la pensée royaliste héritée de nos pères » tout en demandant une ferme condamnation officielle de l’attaque.
Le maire FN de secteur Stéphane Ravier, réputé proche de l’Action française, a regretté dans le même temps une « omerta politique ». En attendant les conclusions de l’enquête, l’AF a dénoncé la main de ses meilleurs ennemis antifas.
Un coup des antifas?
L’été dernier, le même local avait été saccagé par de nébuleux adversaires au terme d’une journée d’inimitiés viriles. Audace de la dialectique marxiste, certains damnés de la terre ont délaissé la lutte des classes pour le privilège d’une lutte « antifasciste ».
Tout près de Martigues où repose le cœur de son vieux maître Charles Maurras, l’Action française bénéficie d’un certain succès d’estime. Délaissant les mondanités royalistes et le folklore contre-révolutionnaire, sa section marseillaise se dit avant tout « nationaliste » et défie le monopole du mouvement identitaire sur l’agitprop. Installé dans un quartier populaire du centre de Marseille, les militants se montrent affables avec le voisinage. Mais pour la droite radicale, la région est une terre fertile : Front national, identitaires, monarchistes se disputent un marché militant saturé. Aussi, recruter de nouvelles troupes, oblige à toutes les audaces.
Jumelage avec la Casa Pound Parme
Remontant la Canebière avec une trique à la main et un organe militant dans la poche, ses militants s’invitent aux conférences de Sciences Po Aix ou perturbent celles du petit personnel politique local. On retrouve leur propagande sur les murs de ville ou devant la façade dégradée d’un local communiste. Il y a près d’un an, le copinage de l’AF marseillaise avec les néo-mussoliniens de la Casapound Parme a donné lieu à une parade conjointe au nez et à la barbe des antifas phocéens.
Si le Marseille des années 2010 n’est pas encore la baie de Naples des années 1970, corruption politique, paupérisation et insécurité culturelle nourrissent chez beaucoup l’envie d’en découdre. Et malgré la dédaigneuse ignorance des politiques et d’une partie de la presse, l’histoire retiendra peut-être que le premier coup est venu des rouges.
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