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Poussée de fièvre à Jérusalem : tous perdants!


Poussée de fièvre à Jérusalem : tous perdants!
Parade militaire du Hamas à Gaza. Sipa. Numéro de reportage : 00816347_000012.

Jeudi 27 juillet, les manifestants arabes palestiniens défilaient dans la vieille ville de Jérusalem en brandissant des confiseries en signe de victoire. Ils avaient fait plier le gouvernement de Benyamin Netanyahou, en le contraignant à retirer les portiques de sécurité, puis les caméras de surveillance installées à l’entrée de l’esplanade des Mosquées (Mont du Temple pour les Juifs) à la suite du grave incident du 14 juillet.

Des manifestations dégénèrent

Deux policiers israéliens avaient été tués par arme à feu par trois agresseurs arabes israéliens, immédiatement abattus par les autres policiers. Le lendemain, un terroriste palestinien âgé de 19 ans s’introduisait dans l’implantation juive de Halamish, près de Ramallah, et tuait à l’arme blanche trois membres d’une même famille réunie pour un repas de shabbat, blessant grièvement une quatrième personne avant d’être abattu par un voisin, militaire israélien en permission dans sa famille. Ces graves incidents provoquent alors une poussée de fièvre à Jérusalem-Est, où des manifestations dégénèrent : les forces de l’ordre sont attaquées à coup de pierres et de cocktails Molotov, ripostent, provoquant le décès de trois manifestants (dont l’un est tué par l’explosion de la bouteille enflammée qu’il s’apprêtait à jeter sur les policiers).

Et le mufti décréta le boycott

Le grand mufti de Jérusalem, soutenu par l’Autorité palestinienne et la plupart des dirigeants arabes et musulmans de la région, décrète le boycott de l’Esplanade des mosquées jusqu’au retour à la situation antérieure, liberté d’accès pour tous les musulmans venant prier, et restrictions d’accès pour les non-musulmans, admis au compte-gouttes sur le site et interdits d’activité religieuse sur les lieux. Les fidèles musulmans se réunissent alors pour prier dans les rues de la vieille ville, prières suivies de manifestations hostiles à l’Etat juif. La crise atteint son paroxysme le dimanche 23 juillet, lorsque qu’un membre des services de sécurité de l’ambassade d’Israël en Jordanie, agressé par un menuisier convoqué dans son appartement pour y effectuer des travaux, riposte avec son arme à feu, tuant son agresseur et, par accident, le propriétaire des lieux, un médecin jordanien présent pour discuter des travaux avec le faux artisan, vrai terroriste…

Crise entre Israël et la Jordanie

A la crise de Jérusalem vient alors s’ajouter une crise diplomatique entre Israël et la Jordanie. Le roi Abdallah est en première ligne  dans l’affaire de l’Esplanade des mosquées, car depuis 1967 c’est le Waqf, une fondation religieuse liée à la monarchie hachémite, qui assure le gardiennage des lieux saints musulmans de Jérusalem, à la suite d’un accord avec Israël conclu après la guerre des Six-jours, et actualisé en 1994, à l’occasion du traité de paix signé entre Israël et le royaume de Jordanie. Pressé par une opinion publique jordanienne chauffée à blanc, le roi Abdallah exige que l’agent de sécurité israélien soit interrogé par la police jordanienne, alors que Netanyahou souhaite qu’il soit rapatrié en Israël en raison de son immunité diplomatique.

Un deal conclu par Washington

C’est alors que s’établit un « deal », conçu en coulisses par l’émissaire de Donald Trump dans la région, permettant à chacune des parties de sortir par le haut, et sans trop de dommages de cette situation explosive : Israël consent à démonter les portiques de sécurité installés sur le mont du Temple, et la Jordanie laisse partir le policier ayant pratiqué l’autodéfense… Les manifestants de Jérusalem ne l’entendent pas de cette oreille : ils exigent également le démontage des caméras de surveillance sophistiquées, dotés de logiciels de reconnaissance faciale de potentiels terroristes en menaçant d’embraser tous les Territoires palestiniens, y compris Gaza dans un « jour de colère » lors de la prière du vendredi 28 juillet.

Israël se rapproche des puissances sunnites

Exit donc les caméras, le gouvernement israélien ayant décidé de calmer le jeu, en raison de ses options diplomatiques et stratégiques privilégiant le rapprochement avec les monarchies du Golfe (à l’exception du Qatar), et l’Egypte pour faire face à la menace la plus sérieuse pour la sécurité d’Israël : l’Iran ainsi que ses alliés syriens et libanais du Hezbollah. Une  escalade de la violence à Jérusalem est en effet de nature à mettre en difficulté les potentats au pouvoir à Amman, à Ryad et au Caire face à des populations élevées depuis le berceau dans la haine du « yahoud » qui leur reprochent leur connivence avec le diable sioniste…

Jérusalem : pas une Intifada comme les autres

Dans les commentaires convenus  lus et entendus ici ou là dans les médias français, jamais en peine de rabâchage de vieux clichés et de formules toutes faites, on considère la situation comme la répétition des diverses révoltes (alias Intifadas) survenues au cours des trois dernières décennies dans l’éternel conflit israélo-arabe. Ces troubles seraient la conséquence de l’intransigeance israélienne, la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et autres balivernes ânonnées à la tribune des Nations-Unies par le pourtant excellent représentant de la France, François Delattre (on n’ose imaginer qu’il ait pu être bouté hors de son fauteuil par une Laurence Haïm !).

Opération planifiée… en Israël

Cette crise est singulière, et révèle plutôt la faiblesse de ceux qui l’ont déclenchée, que la montée en puissance d’une protestation palestinienne unifiée derrière une direction menant la confrontation avec Israël avec des objectifs clairs et une stratégie élaborée. L’incident du 14 juillet est éclairant à cet égard : c’est la première fois depuis longtemps qu’il s’agit d’une opération planifiée (introduction d’armes dans la mosquée, puis retour des terroristes pour accomplir leur mission), alors que les actes de violence depuis 2014 étaient de l’espèce low cost, voitures tueuses et agressions au couteau, à l’image des crimes que la tactique de Daech produit en Europe. Cette opération, de plus, n’a pas été planifiée en Cisjordanie ou à Gaza, mais dans une localité arabe israélienne Umm Al Fahm, où Raed Salah, un prédicateur radical proche de l’Etat islamique, tient le haut du pavé.

Des cibles bien précises

Les cibles choisies ne doivent rien au hasard : les victimes sont deux membres druzes de la police des frontières, dont le fils d’un ancien député à la Knesset proche d’Ehoud Barak, un avertissement à ces arabes israéliens religieusement hérétiques aux yeux des djihadistes, et qui ont choisi de combattre dans les rangs de l’armée et de la police d’Israël.

La décomposition politique et militaire du mouvement national palestinien, la défiance des populations contre des pouvoirs corrompus et incompétents (Fatah à Ramallah et Hamas à Gaza), laisse libre cours à des aventuriers comme Raed Salah de mener des actions obligeant les notables palestiniens à les soutenir, avec des réserves mentales et une fureur rentrée de dimension XXL.

Le Hamas se tient tranquille

Le Hamas n’a pas lancé une seule roquette, même symbolique sur le sud d’Israël pendant la crise, se contentant d’un martial défilé de ses troupes de choc en treillis et cagoulés, dont le cabinet de sécurité israélien tremble encore ! Mahmoud Abbas menace de rompre tout contact avec l’administration israélienne, paroles verbales non suivies d’effet, car il sait bien que sans la coopération étroite de ses services de sécurité avec leurs homologues israéliens, son pouvoir serait balayé, et sa vie menacée. On fait donc donner la rue arabe de Jérusalem, dont le sort est enviable aux yeux de leurs frères de Cisjordanie ou de Gaza : liberté de circulation et de travail dans l’ensemble d’Israël, sécurité sociale et services de santé d’un Etat providence, cela laisse du temps et de l’énergie pour « défendre Al-Aqsa », où le statu quo, d’ailleurs n’a jamais été sérieusement mis en cause par aucun gouvernement d’Israël, y compris ceux dirigés par Netanyahou, en dépit des pressions d’une extrême droite nationaliste et religieuse incarnée par un Naftali Bennet, qui est en lice pour la succession de l’actuel Premier ministre.

Netanyahou laisse des plumes

Ce dernier a tout de même laissé des plumes dans cette crise, qui a révélé quelques failles de sécurité dans le dispositif israélien, des dissensions entre la police des frontières, favorable aux portiques de sécurité et le Shin Beth (service de sécurité intérieure) qui y était opposé. Résultat : les sondages jugent sa gestion de la crise calamiteuse à plus de 60% réunissant les opposants de gauche et de droite à Bibi Netanyahou. Ce n’est pas l’expulsion annoncée du bureau d’Al-Jazeera à Jérusalem qui pourra faire remonter sa cote, même si cela constitue un geste apprécié par Ryad, Amman et Le Caire. Tous perdants, donc, jusqu’à la prochaine fois.



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