Dans l’ex-bastion des fourreurs juifs et des prolos kurdes, la déferlante numérique ne s’est pas cantonnée aux open spaces. Geeks et hipsters ont aussi implémenté dans le faubourg Poissonnière leurs néo-goûts alimentaires. Reportage.
« Bonjour, monsieur, voulez-vous déguster nos Ham-bur-jais ? » me demande un gnome coiffé d’une toque Big Fernand. « J’ai horreur du racolage », fais-je d’un air renfrogné. « Ce n’est pas du racolage mais de l’information client… » précise l’importun en chassant le client sur son bout de trottoir privatisé devant le 55, rue du Faubourg-Poissonnière. « Elles disent toutes ça ! » conclus-je avec sarcasme sans parvenir à dérider mon clown triste.
C’était il y a quelques années. Avec ses hamburgers made in France, Big Fernand faisait figure de pionnier dans la rue que j’emprunte quotidiennement. Le ham-bur-jais ? Un mets certes haut de gamme (comptez une bonne douzaine d’euros !) mais à la longue lassant pour qui ne se sent pas un palais de cow-boy charolais. Depuis, en mauvais sujet repenti, j’ai élargi mes pérégrinations aux autres commerces de bouche qui se sont multipliés comme des petits pains dans cette artère de plus en plus embouteillée. « Le premier qui s’est installé au Faubourg-Poissonnière, c’est Big Fernand début 2011 », me confirme Dorone Seror, la trentaine, traiteur dans cette rue qui l’a vu naître et grandir. « Avec une enveloppe de 500 000 euros, ils se sont lancés dans une communication infernale et brillante. Grâce aux relais dans la presse, avant même d’ouvrir, Big Fernand était considéré comme le meilleur burger de Paris alors que personne n’en avait jamais mangé ! », ironise l’enfant du quartier. Le jour de l’ouverture, 300 personnes s’étaient massées devant l’échoppe franchouillarde et des mois durant, il fallait trois quarts d’heure d’attente pour déguster le précieux (pain au) sésame.
Les cuisiniers cathodiques Christophe Michalak et Jean Imbert sont dans la place
« À l’époque, il y avait vraiment un fossé entre l’offre et la demande », décrypte Thomas, à la tête du bistrot néo-tradi Pedzouille, au 66 de la rue. On avait peine à imaginer que les cuisiniers cathodiques, de Christophe Michalak à Jean Imbert, se bousculeraient pour prendre pied dans la rue. Car l’actuelle Mecque de la street food parisienne s’est longtemps complu dans un ronron bistrotier. Il y a encore dix ans, d’innombrables fourreurs et pelletiers, quelques bistrots vieillissants et le McDo du boulevard régnaient sans partage sur cette voie centrale des IXe et Xe arrondissements. Dans cet îlot situé entre les Grands Boulevards et Barbès, « avant l’arrivée des start-up, c’était un peu Belleville, avec une population beaucoup plus populaire et cosmopolite », se souvient Dorone.
Et voilà que bien avant l’élection d’Emmanuel Macron, le macronisme – d’abord entrepreneurial, puis gastronomique – s’est installé. Les agences
