« La pensée du président est trop complexe pour les journalistes. » Cette pique élyséenne, qui a notablement agacé les confrères, était assez méritée s’agissant d’une profession qui sert volontiers au public un récit à la fois benêt et binaire du monde, dans lequel des gentils ouverts à l’autre affrontent des méchants à l’esprit étriqué. Que le président malmène un peu les médias enchante sans doute la sympathie de nombreux Français, excédés par le prêchi-prêcha de l’information. Mais pour la complexité, sauf le respect qu’on doit à la fonction, on repassera. La dialectique, qui permet, justement, de prendre en compte la complexité, n’a rien à voir avec la juxtaposition de propositions contradictoires qui est la marque du verbe macronien.
Ainsi, dans son discours au Congrès, le 3 juillet, le président a-t-il, comme toujours, équitablement distribué les gracieusetés : une cuillère pour les réacs une cuillère pour les progressistes, une cuillère pour les souverainistes une cuillère pour les fédéralistes, une cuillère pour les colbertistes une cuillère pour les libre-échangistes. Si on ajoute les lieux communs, du genre « je suis pour la paix et pour la fraternité », après une heure de cet agréable ronronnement servi par la voix chaude de notre jeune roi, n’importe qui pouvait se sentir globalement d’accord avec lui. Il faut être un sacré mauvais coucheur pour résister à la promesse de « l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent » ou refuser « un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place ». D’accord, ça ne veut rien dire. Mais ça sonne bien.
Au Château, on se targue de raréfier la parole présidentielle, afin de lui donner de la hauteur. En réalité, si le chef de l’État se soustrait autant qu’il le peut à tout ce qui pourrait ressembler à un débat, ses interventions sont abondamment saucissonnées et relayées sur