Le microcosme médiatique parisien est très agité depuis quelques jours : en effet, la revue XXI, dont les actionnaires sont l’éditeur Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, annonçait de fracassantes révélations sur la supposée implication française dans le génocide rwandais de 1994. Le tout sous un titre racoleur, « réarmez-les ».
En réalité, l’article de quelques pages, richement orné d’artistiques dessins – auxquels on fait bien entendu dire ce que l’on veut -, ne ressemble en rien, contrairement aux appréciations admiratives de certains journalistes du Figaro, à une « longue enquête » et encore moins à une « enquête fouillée » !
Le Monde ne fait pas vraiment mieux ! Son journaliste écrit : « Intitulé « Réarmez-les », l’article de Patrick de Saint-Exupéry, cofondateur de la revue, s’appuie sur le témoignage d’un haut fonctionnaire qui a pu consulter les archives sur le conflit rwandais. Lorsque l’Elysée annonça en 2015 l’ouverture de ces archives, deux hauts fonctionnaires furent en effet chargés de vérifier leur contenu. L’ancien officier de l’armée de terre Guillaume Ancel est l’un d’eux. Il décrit dans l’article le document officiel donnant l’ordre de réarmer ceux qui viennent de commettre le génocide, pendant l’opération militaire « Turquoise », officiellement organisée par la France pour« mettre fin aux massacres ».
Une drôle de source
Lorsqu’on sait qui est Guillaume Ancel, auquel j’ai consacré quelques pages dans la très récente réédition de mon témoignage sur le Rwanda[1. « Les Larmes de l’Honneur, 60 jours dans la tourmente du Rwanda »], il y a presque de quoi mourir de rire ! Guillaume Ancel, jeune capitaine d’artillerie à l’époque de l’opération Turquoise en 1994, a servi sous mes ordres du 29 juin au 6 août 1994, date de son retour anticipé en France. Il a pris définitivement sa retraite au tout début de 2014, après avoir demandé, sans succès, sa réintégration dans l’armée de terre au terme d’une période de disponibilité de près de 10 ans dans le civil, à la SNCF. C’est alors que, récupéré par les réseaux qui attaquent sans relâche la France et l’armée française pour son rôle au Rwanda depuis l’été 1994, il se découvre une nouvelle carrière de communicant, après 20 ans d’un silence scrupuleusement respecté et qu’il se lance à son tour dans le sillage de son nouveau maître à penser, Patrick de Saint-Exupéry.
Il est par conséquent amusant et particulièrement intéressant de noter ce lapsus du Monde, très vite corrigé par la rédaction dès lors qu’elle se sera aperçue de sa bévue : il est tout de même drôle de penser qu’un média aussi professionnel puisse ainsi citer le nom de Guillaume Ancel et reconvertir ainsi un officier subalterne à l’époque des faits, aujourd’hui dans le privé, en un très hypothétique « haut fonctionnaire » chargé par l’Elysée, rien de moins, de vérifier les archives de l’Etat, et plus étonnant encore, de laisser entendre qu’il puisse ainsi être l’homme qui « décrit » ce fameux « document officiel donnant l’ordre de réarmer ceux qui viennent de commettre le génocide » sans toutefois pouvoir le produire !
Car, ce qu’il faut noter dans cet « insignifiant article de M. Patrick de Saint-Exupéry », ainsi que le qualifie avec pertinence le professeur Bernard Lugan, c’est qu’il ne donne évidemment aucun nom, et en tout cas pas celui du fameux « haut-fonctionnaire » qui se serait confié à Patrick de Saint-Exupéry ! Aucun fac-similé de cet « ordre », (dont aucun des officiers supérieurs de l’opération Turquoise n’a jamais vu la couleur !), aucun fait, aucune date, aucun élément précis à l’appui de ses dires.
Et pour cause : c’est là la manière habituelle de procéder de M. de Saint Exupéry, comme il nous l’a montré en 2004 lors de la parution de son pamphlet « l’inavouable », réédité en 2009 sous le titre de « complices de l’inavouable ». Ce qui lui vaudra d’ailleurs quelques ennuis avec la justice.
Ladite « responsabilité » de la France sert les intérêts de Kagame
Comme l’explique le professeur Lugan, Patrick de Saint-Exupéry accuse toujours, mais « sans la moindre preuve, sans la publication du moindre document nouveau, et uniquement sur la base de sous-entendus orientés ».
C’est donc un coup médiatique, et rien d’autre qu’un coup médiatique que cet article creux et insipide que M. de Saint Exupéry vient de produire dans sa revue XXI.
Il faut dire que la période s’y prête bien. En France, le président Macron et son Assemblée introuvable viennent d’être élus. Il faut donc bien qu’à Kigali le général-président Paul Kagame teste ce nouveau pouvoir dont la politique étrangère, et notamment africaine n’est pas encore connue. Pour ce faire, le sanglant dictateur a impérativement besoin de ses amis et relais d’influence en France.
Et puis à Kigali précisément, c’est ce même général-président, au pouvoir depuis 1994, mais officiellement élu depuis 2003 et candidat en août à un nouveau mandat de 7 ans, qui a besoin de desserrer l’étau qui se referme inexorablement sur lui. La relance récente par la justice française de la procédure relative aux circonstances de l’assassinat de son prédécesseur le 6 avril 1994 et de son rôle plus que présumé dans cet évènement déclencheur du génocide, est un souci constant pour lui et la vraie raison de son ire contre la France. Cette offensive médiatique organisée dans l’Hexagone autour de la revue XXI arrive à point nommé pour tenter d’étouffer une nouvelle fois l’enquête sur l’attentat contre le Falcon 50 du président Habyarimana qui déclencha le génocide.
Il est surprenant que cette campagne médiatique sans fondement ni éléments nouveaux, soit quasiment alignée sur celle qui se déroule à Kigali, au terme de cette période de l’« Icyunamo », deuil national de 3 mois chaque année, pendant laquelle est inlassablement rappelée la prétendue « responsabilité de la France dans le génocide rwandais ». « Responsabilité » essentielle car elle constitue la seule et dernière légitimité possible pour le régime totalitaire du général-président Kagame.
On comprend mieux les possibles motivations de Patrick de Saint-Exupéry et de ses fidèles : « il faut sauver le soldat Kagame » ! Il faut sauver coûte que coûte le régime totalitaire moribond de Kigali !
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