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Agriculteurs vs. néo-ruraux: le vivre-ensemble, c’est pas gagné!


Agriculteurs vs. néo-ruraux: le vivre-ensemble, c’est pas gagné!
Comité de soutiens à Nicolas Bardy. Photo: Stéphanie Fourcat.
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Comité de soutiens à Nicolas Bardy. Photo: Stéphanie Fourcat.

Au début des années 2000, Nicolas Bardy s’installe dans la ferme de ses parents à Lacapelle-Viescamp (Cantal). Sa mère y élève quinze vaches et le jeune agriculteur développe en parallèle une activité de cuniculture, se spécialisant dans l’élevage des yeux noirs du Cantal, une espèce locale de lapins. A peu près au même moment, un couple de retraités s’installe dans la maison voisine. La femme en a hérité et l’homme, fils de paysans, retrouve avec bonheur le cadre rural de sa jeunesse.

Nuisances agricoles

Pendant un certain temps, tout va bien. Mais au bout de quelques années Nicolas Bardy comprend qu’économiquement parlant le compte n’y est pas. Ainsi, quand en 2006 sa mère stoppe son activité, le jeune agriculteur reprend l’exploitation et décide de l’élargir à l’élevage. Aux laitières s’ajoutent donc des allaitantes et leurs veaux, ce qui fait doubler le nombre de bêtes dans le cheptel. Cette évolution, qui a nécessité une activité accrue, va générer des tensions avec lesdits voisins. La situation commence lentement à s’envenimer.

Le pomme de discorde? Des nuisances, visuelles tout d’abord, pour le couple. Quand le dialogue direct entre voisins ne suffit plus à régler les différends, un médiateur intervient. Le jeune agriculteur se plie à toutes ses décisions. En 2009, après une conciliation, l’agriculteur consent à repousser ses tas de foin de cinquante mètres. Sauf qu’une fois le problème visuel résolu, un autre surgit : les mauvaises odeurs émanant de l’exploitation. Cette fois-ci la conciliation ne marche pas et les voisins portent plainte pour nuisance olfactive: l’odeur des bêtes leur est insupportable.

L’agriculteur manque de se retrouver sur la paille

Cette nouvelle phase du conflit commence plutôt bien pour Nicolas Bardy. Lors de la première instance, le tribunal d’Aurillac déboute les plaignants. Les voisins interjettent appel au bout de dix-huit mois. Revirement de situation. En cherchant bien, leur avocat découvre que l’entrepôt où Bardy héberge son troupeau pendant l’hiver était initialement destiné au stockage. Il a depuis été réaménagé mais sans autorisation, pour accueillir les bêtes. Bardy reconnaît son tort et se justifie: « Effectivement, nous n’avions pas demandé d’autorisation pour cet aménagement. Mais sans jamais le cacher non plus, et tout simplement parce que nous ne sommes pas des procéduriers. » Mais la cour d’appel de Riom accepte l’argument légal et exige que la ferme soit déplacée de quinze mètres. A partir de janvier 2018, l’éleveur sera dans l’impossibilité de rentrer ses vaches dans le bâtiment où elles passent d’habitude l’hiver.

Qui a tort, qui a raison? Difficile à dire tant les deux parties de cet inextricable conflit de voisinage ont des arguments à faire entendre. Même si on a de la sympathie pour le jeune éleveur qui essaie de faire vivre une petite exploitation, il est difficile de voir dans le couple de retraités des simples néo-ruraux cherchant la petite bête. En effet, le médiateur et la cour d’appel ont trouvé leurs doléances raisonnables. Les autres voisins, remontés contre les plaignants, ont créé  un comité pour soutenir l’agriculteur. Stéphanie Fourcat, très active au sein de l’association de défense s’étonne: « Il n’y a pas eu d’enquête de voisinage alors que nous sommes tous à des distances sensiblement similaires de l’exploitation, pourtant nous ne sommes pas importunés. On considère que l’on a une chance inouïe d’avoir à proximité une exploitation si propre. En plus la famille Bardy est très serviable et même le voisin, aujourd’hui belliqueux, pouvait le constater… » Cependant, la maire de la commune reconnaît que les plaignants sont particulièrement mal placés et très exposés aux nuisances causées par l’exploitation. Impossible de trancher…

Une aversion pour le paysan?

Cette affaire soulève un malaise plus profond. Aujourd’hui, les néo-ruraux ou les ruraux non-paysans ont parfois du mal à se plier aux contraintes du monde agricole. Certes, le plaignant se targue régulièrement d’être fils de paysan. Mais il semblerait qu’il connaisse mieux les procédures judiciaires que la nature. Le secrétaire général de la Fédération départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA) du Cantal, Joël Piganiol, déplore que là où autrefois prévalait le dialogue, la plainte a pris le dessus. Les querelleurs, trop souvent, oublient que le temps juridique ne correspond pas au temps normal. Dans le cas présent, Nicolas Bardy, qui s’est pourvu en cassation, est bien obligé de trouver une solution à court terme. Même si l’arrêt peut être cassé, ce ne sera pas avant plusieurs années. S’il rentre ses vaches dans le bâtiment, il risque une amende de mille euros à chaque fois qu’un huissier se déplacera pour constater le fait.

Le monde paysan se trouve à la croisée des chemins. La crainte qu’une telle décision fasse jurisprudence est réelle. Des décisions passées étayent cette peur. Le syndicaliste rappelle qu’un agriculteur qui avait été condamné à enlever les clochettes à ses bêtes à cause… du bruit. Une autre fois, un autre condamné à payer 15 000€ pour avoir construit (en toute légalité) un bâtiment près de la parcelle constructible d’un voisin, ce qui lui aurait fait perdre de la valeur. Et Joël Piganiol de conclure : « ce sont des cas exceptionnels mais peut-être appelés à se banaliser et c’est là notre inquiétude. Nous, agriculteurs, pouvons avoir l’impression d’être mis à l’index par la société… Les médiations ne sont plus vraiment privilégiées. Désormais les recours à la justice sont de plus en plus fréquents. Nous pouvons être inquiets. » Le vivre-ensemble, victime d’un combat de coqs?



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