Monsieur le président de la République, Je n’ai pas été l’un de vos électeurs, mais comme vous, j’aime mon pays. Je vais donc énoncer quelques réalités d’expérience, mon seul but étant de vous aider dans la lourde tâche qui vous attend. Il s’agit d’expliquer pourquoi l’économie française stagne depuis fort longtemps. Pour ce faire, je vais comparer les évolutions des économies françaises et anglaises sur le long terme et je commence par une constatation. De 1955 à 1980, l’économie française a connu une croissance plus forte que celle de l’économie Britannique. L’inversé est vrai aujourd’hui et le déclin relatif de la France vis-à-vis de la Grande-Bretagne a commencé aux alentours des années 1980-1985 comme en fait foi le graphique ci-dessous.
Que s’est il donc passé au milieu des années 80? Le poids de l’Etat s’est envolé en France.
De 1960 à 1978, la part de l’Etat dans l’économie a été supérieure en Grande-Bretagne à ce qu’elle était en France. Depuis 1978, la dépense étatique s’est envolée en France et a été contrôlée en Grande-Bretagne. La France a décidé que l’Etat était la solution, et la Grande-Bretagne que l’Etat était le problème. Mitterrand contre Thatcher. A ce point du raisonnement, un esprit logique peut tout à fait penser qu’il s’agit là d’une coïncidence fortuite : comparaison n’est pas raison, comme chacun le sait. Pour essayer de prouver le lien de causalité entre les deux phénomènes, je vais diviser le poids de l’état de chaque pays l’un par l’autre et comparer ce ratio à la différence des taux de croissance moyens sur 7 ans de chacun des deux PIB. L’idée ici est simple : quand le poids de l’Etat dans l’économie augmente de façon structurelle, la croissance de cette économie ralentit de façon tout aussi structurelle, et c’est ce que montre le graphique suivant.
À ce point de l’analyse, je dois fournir une explication théorique cette relation inverse (poids de l’Etat, croissance économique), que je vais emprunter à Schumpeter. La croissance économique provient de ce qu’il a appelé la « destruction créatrice » qui est un processus parfaitement darwinien. Cette destruction créatrice ne peut pas avoir lieu dans le secteur public, puisqu’il ne peut pas y avoir de faillite. Et donc toute augmentation du secteur public réduit la part de l’économie où la croissance peut se passer, ce qui amène à une baisse du taux de croissance général. Si cette analyse est la bonne, plus la part de l’Etat dans l’économie augmente, plus la rentabilité des entreprises devrait baisser puisque ce sont elles qui en définitive financent l’Etat. Vérifions.
Et comme ce sont les sociétés qui créent l’emploi, quand leur rentabilité baisse, le chômage augmente, ce qui veut dire qu’embaucher des fonctionnaires crée du chômage.
Shakespeare dans l’une de ses pièces, explique que le Roi d’Angleterre n’a pas à récompenser les partisans du Prince de Galles, c’est à dire ceux qui l’ont soutenu lorsqu’il n’était pas encore Roi. Vous devriez vous inspirer de cet adage, c’est-à-dire ne pas chercher à favoriser ceux qui vous ont porté au pouvoir, ni écouter leurs conseils, puisque vous êtes roi. Le moment de trahir vos amis pour servir votre pays est arrivé. En d’autres termes, si vous ne faites pas baisser la dépense étatique dans les années qui viennent, c’est-à-dire si vous ne trahissez pas la classe technocratique dont vous êtes issu, vous échouerez comme tous vos prédécesseurs. Trahir vos amis ou réussir en tant que Président, tel est votre dilemme. Je vous souhaite de réussir.
Retrouvez Charles Gave sur le site de l’Institut des Libertés
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