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Viril(e) comme un garçon qui se cherche


Viril(e) comme un garçon qui se cherche
Tom Cruise dans Top Gun de Tony Scott, 1986
Tom Cruise dans Top Gun de Tony Scott, 1986

Se sentir bien dans sa peau et perdre cinq kilos avant l’été, prendre son pied au lit et fonder une famille, manger bio et cuisiner comme nos grand-mères… Les magazines féminins fourmillent de ces injonctions contradictoires, pointées du doigt régulièrement par les associations spécialistes. Ce que l’on montre moins, ce sont les injonctions contradictoires que les hommes subissent. À l’image du désormais célèbre « stage de virilité » mis à l’honneur par le journal télévisé de David Pujadas, ces messieurs partent parfois en quête d’un modèle, d’un idéal, d’un mode d’emploi pour devenir, être ou demeurer un « homme, un vrai ».

Romancier et essayiste suisse, Jérôme Meizoz explore depuis quelques années les méandres de l’identité masculine. Dans Faire le garçon, il mêle enquête et roman, souvenirs, auto-analyse, coupures de presse et récit. En exergue, une phrase tirée d’un magazine féminin : « Cette année marque le retour des hommes virils avec des poils, des rides et une odeur de mâle, tout simplement. » On jurerait que ce n’est pas si simple.

 « Le garçon se réveille avec la sensation d’un arbre qui pousse entre ses jambes. »

Il relève qu’être un homme, un homme selon les critères que lui enseigne son maître de stage de virilité à lui, c’est être galant mais pas vaniteux, c’est ne pas être trop pressé ni trop pressant, en amour, rester mystérieux, romantique, voire torturé, mais pas silencieux ni brutal. C’est se laver, mais pas trop, s’habiller selon son goût, mais pas de manière trop féminine. C’est ne pas parler à d’autres hommes aux urinoirs, et ne pas retenir ses larmes, même devant une comédie romantique. Bref, être un homme, un vrai, on dirait que ça ne s’apprend pas. Les jeunes hommes sont poussés par leur père, par les moniteurs de sport, par les chefs scouts, à ne pas être « des femmelettes ». Mais alors, que faut-il être ?

L’auteur déroule le fil de ses souvenirs, accompagné par les conseils de la vénérable Santé des familles (1935), et constate que si les femmes deviennent femmes, les hommes sont faits hommes. « Le garçon se réveille avec la sensation d’un arbre qui pousse entre ses jambes. » Tout part du pénis et aboutit au pénis, tout tourne autour du pénis, rien ne dépasse l’aire d’influence du pénis. Le reste, semble-t-il, n’est que littérature.

Les garçons n’ont pas de modèle à suivre

C’est à ce reste, en réalité un reste immense, tout un monde de sensualité, de sentiments, d’émotions, que Jérôme Meizoz consacre la partie romanesque de son ouvrage. Il accompagne « le garçon », un certain « J. » dans les débuts de la vie professionnelle qu’il s’est choisie, dans laquelle il s’épanouit, « s’appartient » : masseur « et plus » pour femmes. En découvrant des corps et des histoires de femmes, il accède à une éducation sentimentale qui n’entame en rien, comme s’il fallait en douter, sa puissance sexuelle et sa certitude d’être un homme, d’être bien dans son corps d’homme.

Les garçons, les hommes, ne disposent pas vraiment d’archétypes à qui tendre les bras. On ne leur désigne pas les modèles à suivre, quand les filles apprennent à distinguer la couturière, la poupée, la maman, la nonne et la salope. Un seul indice : ne pas passer pour une « tapette ». Débrouillez-vous donc avec ça.

Faire le garçon n’élucide pas le mystère. Jérôme Meizoz n’a heureusement pas écrit un manuel à l’usage des apprentis garçons. Il contribue seulement, et ce n’est pas peu dire, à étendre le champ sémantique du mot « garçon », à rendre plus malléable la figure auguste de l’homme.

Jérôme Meizoz, Faire le garçon – Éditions Zoé, 151 pages.

Faire le garçon

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étudie la sophistique de Protagoras à Heidegger. Elle a publié début 2015 un récit chez L'Editeur, Une Liaison dangereuse.

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