
Quand elle apparaît dans le salon de son hôtel parisien, chaussée d’une paire de bottes cavalières, en gros blouson de cuir et une épaisse natte couleur épi de blé sur les épaules, on a l’impression de se retrouver face à Fifi Brindacier. Malgré ses 59 ans, Lionel Shriver a l’air d’une enfant espiègle, qui ne prend pas très au sérieux le statut d’auteur de best-sellers dont elle jouit depuis la parution de Big Brother et Il faut qu’on parle de Kevin. Filiforme et sportive, diablement drôle, souvent abrasive dans ses propos, elle serait en outre le prototype vivant de Nollie, personnage de son dernier roman Les Mandible. Une famille 2029-2047, à qui on doit la sentence revigorante : « Transgresser une règle par jour éloigne le médecin plus sûrement qu’une putain de pomme. » C’est à prendre au pied de la lettre, vu que Nollie meurt à 103 ans, aux alentours de 2057, dans l’état séparatiste du Nevada où sa tribu s’exile pour échapper au totalitarisme fiscal du reste des États-Unis.
En effet, Les Mandible est une dystopie d’un genre nouveau, qu’on n’oserait qualifier de roman d’anticipation économique par peur que la fiction ne devienne réalité. Située dans un futur éloigné d’à peine treize ans de notre époque, il serait pourtant difficile de refuser à cette saga un lien avec la crise de 2008. « Nous n’avons pas défini ce qui s’est alors réellement passé, parce que probablement ce n’est pas vraiment fini »
