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Un vrai café, s’il vous plaît!


Un vrai café, s’il vous plaît!
Au Ten Belles, près du canal Saint-Martin, on sert les excellents cafés torréfiés par la brûlerie de Belleville. Ici, préparation d'un cappuccino au lait entier. Photo: Hannah Assouline
Au Ten Belles, près du canal Saint-Martin, on sert les excellents cafés torréfiés par la brûlerie de Belleville. Ici, préparation d’un cappuccino au lait entier. Photo: Hannah Assouline

« Je finis mon café et j’y vais. » Lino Ventura dans L’Emmerdeur (film d’Édouard Molinaro, 1973).

« Marcel Proust était très délicat sur la qualité du café. Une fois que l’on savait faire exactement l’essence qu’il voulait, ce n’était pas un problème. Cela ne l’empêchait pas de soupirer parfois : Céleste, comment avez-vous fait ? Ce café est proprement infect. Est-ce qu’il n’est pas trop vieux ? » Céleste Albaret, Monsieur Proust.

Quand le café arriva à La Mecque au xve siècle, les Barbus de l’époque l’interdirent au motif qu’il était « la boisson du diable ». À avaler l’ignoble mixture âcre au goût de cigarette froide servie sur nos zincs, qui vous jaunit les dents, vous ronge l’estomac et vous laisse une haleine de chacal, on se demande si ces heureux hommes n’avaient pas raison !

Comment a-t-on pu en arriver là?

Servi chaque jour dans plus d’un milliard de tasses et de gobelets en plastique, le café est la deuxième boisson du monde après le thé. Comment donc imaginer qu’à l’origine ce banal breuvage ait pu être considéré comme sacré ? Alors que le thé était connu des Chinois depuis déjà plus de 4000 ans, le café ne fut découvert que très récemment, au XIIIe siècle, en Éthiopie, dans les brumes des hauts plateaux volcaniques de Sidamo, où cet arbuste de la famille des rubiacées (gardénias, quinquinas, etc.), proche du jasmin, poussait depuis près de 400.000 ans, à l’ombre des sous-bois humides (le café déteste les excès du soleil !). Selon la légende, un berger musulman de la région du Kaffa aurait un jour constaté que ses chèvres étaient anormalement excitées après avoir mangé de drôles de baies rouges. Ayant lui-même goûté ces fruits (appelés « cerises »), il aurait alors confié à des soufis (mystiques musulmans) le moyen de rester éveillé toute la nuit pour prier Dieu. Notez que la torréfaction des grains n’avait pas encore été inventée. Le « kaouha » était infusé et servi dans un bol en céramique que les soufis faisaient circuler pendant la nuit en invoquant le nom du Très-Haut. La torréfaction, c’est-à-dire le fait de griller les grains de café, débarrassés de leur pulpe, préalablement lavés, fermentés et séchés au soleil, fut une invention plus tardive due à des moines yéménites. C’est ce procédé qui fit vraiment le succès planétaire du café, car, en caramélisant, ses grains libèrent quantité d’arômes merveilleux de vanille, de beurre, de miel, de rose et de chocolat… Aujourd’hui encore, très rares sont les cafés grands crus à pouvoir offrir un goût en bouche aussi sublime que leur parfum issu de la torréfaction ! Un vrai savoir-faire est requis pour cela, que peu de nos barmans, aussi brutaux que des déménageurs, possèdent en réalité.

Les professionnels du café, toujours en quête de grands crus rarissimes (comme celui de Yirgacheffe, dans la vallée du Rift, à la frontière du Kenya), vouent un culte à l’Éthiopie, berceau mondial du café, où les tribus nomades continueraient à préparer leur breuvage comme leurs ancêtres, avec une bouilloire en terre vissée sur un tas de braises, devant leur hutte. Le café y fait toujours l’objet d’un cérémonial, les femmes tapissant l’endroit où l’on va le boire de feuilles de palmier fraîchement cueillies. Offrir un café y est un rituel d’hospitalité, comme le thé vert au Japon ou le thé à la menthe au Maroc.

Quand on connaît dans ses grandes lignes l’histoire du café, qui fut, via Constantinople, un trait d’union entre l’Orient et l’Occident, et qui donna naissance chez nous à un art de vivre extraordinairement raffiné (le premier café européen


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Mai 2017 - #46

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste spécialisé dans le vin, la gastronomie, l'art de vivre, bref tout ce qui permet de mieux supporter notre passage ici-bas

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