Daoud Boughezala. Quatre candidats de droite se présentent aux législatives dans la deuxième circonscription de Paris, dont Nathalie Kosciusko-Morizet, Henri Guaino et vous. Entre la libérale NKM et le gaulliste Guaino, quel créneau occupez-vous ?
Jean-Pierre Lecoq[1. Jean-Pierre Lecoq est maire LR du VIe arrondissement de Paris.]. Je suis le local de l’étape, celui qui s’intéresse véritablement aux électeurs de cette deuxième circonscription. Je suis maire du VIe arrondissement depuis vingt-deux ans, j’ai été député suppléant de Martine Aurillac dans le VIIe arrondissement jusqu’en 2012 et je ne suis pas un pigeon voyageur. Je ne suis pas un nomade électoral, contrairement à Nathalie Kosciusko-Morizet, députée sortante de l’Essonne et conseillère de Paris du XIVe arrondissement depuis 2014. Quant à Henri Guaino, il est député sortant des Yvelines. Même s’il n’y avait pas l’investiture LR, il aurait dû s’y représenter en dissident: là-bas, il aurait eu plus de chances d’être réélu. Ici, il n’a aucune chance, sinon de faire perdre, ce qui est d’ailleurs la devise des séguinistes, perdre et faire perdre !
J’entends bien vos arguments localistes mais compte tenu de la loi sur le non-cumul des mandats, 200 députés renoncent à leur mandat parlementaire, souvent pour se consacrer à leur ville. La prochaine Assemblée risque d’être hors-sol, ce qui relativise la notion de parachutage…
C’est l’inverse ! Vous aurez raison si l’élection à la proportionnelle est un jour instaurée. Dans ce cas-là, le lien entre le terrain et le député sera coupé. Mais nous restons dans un système d’élection uninominal où les gens souhaitent pour l’essentiel avoir des candidats issus de leur circonscription. Or, née avec une cuiller d’argent dans la bouche, NKM a été poussée en politique par Jacques Chirac qui avait de l’amitié pour son grand-père et son père. En 2002, l’Elysée a fait nommer son prédécesseur Pierre-André Wilzer ambassadeur itinérant pour permettre à NKM de récupérer sa circonscription. Elle se présente comme un parangon de modernité mais utilise des méthodes dignes de la IIIe République !
La semaine dernière, la rumeur de votre suspension des Républicains a couru alors que NKM a signé une tribune de partenariat avec En marche ! sans être inquiétée par les instances de votre parti. Qu’en est-il exactement ?
Même si j’ai une antériorité et que beaucoup de membres du bureau politique me connaissent, d’Accoyer à Jacob et de Copé à Sarkozy, et alors que j’ai soutenu activement les candidatures de Françoise de Panafieu et de… Nathalie Kosciusko-Morizet à la mairie de Paris en 2008 et 2014, je n’ai pas les relais de NKM. Celle-ci passe une grande partie de son temps à demander mon exclusion. Au plus haut niveau du parti, on m’a pourtant souhaité bonne chance en m’assurant qu’aucune sanction ne serait prise contre moi. NKM a signé l’appel des élus LR en faveur de Macron, a incité les membres de son courant à le faire et cela en a éloigné un certain nombre de personnes. Juridiquement, elle garde l’investiture LR mais l’a perdue moralement.
Vu la dispersion de la droite façon puzzle, la gauche a-t-elle une chance historique de remporter la deuxième circonscription de Paris ?
La gauche n’a aucune chance de l’emporter, sauf à penser qu’En marche! est à gauche. Le candidat En marche ! est inconnu, mais c’est un garçon issu de la société civile, qu’il ne faut pas mépriser. Il n’a aucune sympathie pour Nathalie Kosciusko-Morizet puisqu’elle essaie – pour le moment – sans succès de le faire débrancher par l’état-major de La République en marche. Ce candidat a un certain potentiel de voix, mais beaucoup d’électeurs de droite et du centre, notamment dans le VIe et dans le VIIe, ont voté Macron au premier tour de la présidentielle parce qu’ils ne voulaient pas soutenir Fillon à cause des affaires et de son programme trop à droite sur le plan économique et social.
Au-delà des ralliements individuels, toute une frange des Républicains est tentée de rejoindre les ministres Le Maire, Darmanin et le premier d’entre eux Edouard Philippe. Faut-il les exclure ?
Plus personne, y compris François Baroin ne dit qu’il fera de l’obstruction systématique. C’est une donne nouvelle puisque, depuis des années, à l’Assemblée nationale ou au conseil de Paris, il faut un miracle pour faire passer un texte lorsqu’on est dans l’opposition. Beaucoup de parlementaires, à droite comme à gauche, se sont rendu compte que les Français en avaient marre : à partir d’un moment où un texte satisfera la droite, le centre et la gauche, il sera voté par l’ensemble des députés. Moi-même, je me situe aussi dans cette optique-là.
Mais cela n’a rien à avoir les gens comme Edouard Philippe ou NKM, qui s’est roulée par terre pendant deux jours pour être nommée ministre sans obtenir la confiance du président Macron. Ceux-là sont prêts à franchir le pas sans contrat de législature clair. Certes, il y a le programme présidentiel de Macron, qui comporte d’ailleurs certaines mesures de droite, d’autres du centre et d’autres acceptables par le Parti socialiste, ce qui lui a permis d’arriver en tête du premier tour. Mais on ne sait pas quel sera le poids dominant dans sa future majorité : la droite, la gauche, la droite plus le centre, la gauche plus le centre ? De cet équilibre dépendra une bonne partie des réformes qui seront mises en œuvre.
A terme, entre les pro-Macron et les élus plus conservateurs ou souverainistes, l’implosion des Républicains est-elle inévitable ?
Cette question sera tranchée une fois les élections législatives passées, probablement au cours d’un congrès au mois de novembre. Il faut absolument redéfinir la ligne LR avec peut-être la recréation, conflictuelle ou consentie, de deux blocs héritiers du RPR et de l’UDF. Un courant à la jonction du Front national permettra aux déçus du FN de passer dans l’opposition républicaine, un autre se situera entre la majorité En marche ! et ce bloc de droite, avec éventuellement des passerelles entre les deux. On voit bien qu’il y a un gouffre entre le discours de Laurent Wauquiez et celui de NKM !
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