Premier couac sur la ligne politique dans la fraiche équipe gouvernementale. La secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes semble avoir une vision indigéniste du féminisme. En un mot : CCIF-compatible. Pas le féminisme d’Elisabeth Badinter, de Leila Slimani, de Caroline Fourest, de Malek Chebel, de Fatiha Boudjahlat, de Malek Boutih et j’en passe.
Une islamo-compatible au gouvernement?
L’Elysée a passé au crible les déclarations fiscales des futurs nommés mais a oublié les comptes Twitter ou Facebook, les pétitions et autres prises de position publiques qui en disent long sur le pédigrée idéologique de certains membres du gouvernement ou candidats à la députation. Ainsi en est-il de Richard Ferrand qui, outre l’usage de son enveloppe parlementaire pour aider au frais de fonctionnement de France-Palestine (association réclamant par exemple que le Hamas ne soit plus considéré comme un mouvement terroriste), interpelle la garde des Sceaux Christiane Taubira en 2014 pour qu’elle réfléchisse à ne plus engager de « poursuites judiciaires » contre le BDS, décrit par le député socialiste comme des « militants opposés à la colonisation des territoires palestiniens» (question n° 50 491 JO 2014). Idem pour Mohamed Saou sur lequel tout a été dit, ou Djamila Haddad toujours investie dans l’Aube, activiste pro-palestinienne qui caricature Israël dès que l’actualité lui en donne l’occasion.
Emmanuel Macron s’explique sur le cas de Mohamed Saou, référent d' »En Marche » écarté du mouvement pic.twitter.com/GnvdOxjsq6
— BFMTV (@BFMTV) 17 avril 2017
Et voilà Marlène Schiappa, sa chevelure de lionne et sa moue boudeuse, qui vient enrichir le club des islamisto-compatibles de La République en marche. Apparemment, cela ne dérange pas les Marcheurs qui sont sur une autre ligne, et je sais qu’ils sont nombreux. Il y a chez LREM des républicains attachés à la laïcité et hostiles au communautarisme, mais ils restent silencieux pour l’instant, prétendant combattre de l’intérieur. Je me demande surtout si certains ne sont pas accaparés par leur campagne électorale depuis qu’ils ont reçu le sésame de l’investiture, souvent en récompense de leurs bons et loyaux services, en particulier pendant la semaine de mobilisation tous azimuts contre la peste brune de l’entre-deux-tours.
Ce que le hijab incarne ce n’est pas une religion, c’est une vision politique de la religion
La loyauté à ses idées attendra. Je fais le pari que ce grand écart idéologique qui existe dans l’Auberge macronienne sur le principe juridico-politique de laïcité et la question du compromis avec les officines politico-religieuses, ne tiendra pas longtemps tant ces deux positions sont irréductibles. Le consensus managérial d’Emmanuel Macron trouvera sa limite, sauf à choisir un camp et rompre sèchement avec l’autre. Or, vu les rapports de force démographiques donc électoraux, la cause est hélas entendue. Et je vois déjà dans le mépris avec lequel LREM a traité Manuel Valls et Malek Boutih pour ne citer qu’eux, le signe que la balance penche dans un camp.
Alain Finkielkraut à @enmarchefr : « ne présentez pas de candidat face à Malek Boutih! » https://t.co/45LDcXNyQe pic.twitter.com/Hhy2mnaJPB
— Causeur (@Causeur) 17 mai 2017
Marlène Schiappa avait vertement critiqué Manuel Valls, en 2014, sur sa vision de la laïcité, elle en profitait pour affirmer que la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école publique était « contraire à la loi de 1905 ». Madame Schiappa semble penser qu’en France, on adopte des lois contraires au droit, ce qui montre sa méconnaissance du processus législatif d’une démocratie. On espère que ses conseillers lui feront une fiche de synthèse à ce sujet. Elle établit ensuite que l’interdiction du hijab à l’école se résume à prohiber l’expression religieuse. Or ce que le hijab incarne ce n’est pas une religion, c’est une vision politique de la religion, et cela fait toute la différence. Le hijab est l’étendard d’une idéologie politique pour laquelle la femme est un objet. Qu’on l’appelle fréro-salafisme, wahhabisme, conservatisme, cette pensée totalitaire réduit le corps féminin à sa fonction reproductrice. Il appartient en exclusivité à celui qui va l’ensemencer, il doit donc être caché des hommes qui n’en sont pas les propriétaires.
Bien sûr en Occident, les Tarik Ramadan, Nabil Ennasri, Amar Lasfar, Kamel Katbtane et autres Tarek Oubrou ont développé chacun à leur mesure l’argumentaire droits-de-l’hommisto-compatible sur la pudeur physique et morale de la femme musulmane. Ces Tartuffes ne perdent jamais une occasion de magnifier le choix de ce retrait pudique du monde, soi-disant volontaire pour échapper à la dépravation généralisée de notre société consumériste. C’est le choix de la soumission volontaire, la domination masculine librement consentie défendue par le « féminisme islamique » représenté en France par les Houria Bouteldja, Hanane Karimi ou Azhara Ali, aidées de leurs alliées « féministes » conduites par les Inquisitrices en chef Nacira Guenif ou Laurence de Cock. Marlène Schiappa est bien sur cette ligne.
La sortie scolaire c’est la classe hors les murs, mais ce n’est pas autre chose que la classe
En écho au relativisme culturel qu’elle paraît incarner, et suivant sur ce point les positions du président Macron, Marlène Schiappa apporte son soutien aux mères accompagnant les sorties scolaires qui portent le hijab voire le jilbab. Pour elle, refuser qu’elles y participent « relève ni plus ni moins de l’islamophobie ». On retrouve l’argument de Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre qui s’est pourtant bien gardé de supprimer la circulaire Châtel de 2012. Cette circulaire a le mérite de permettre aux directeurs d’école, notamment dans des quartiers où la pression religieuse sur l’école est insupportable, de faire appliquer le principe de neutralité laïque des enseignements.
Car oui, Madame Schiappa, vous qui semblez mal informée des lois républicaines, depuis 1882 et 1886 les enseignements et les personnels sont neutres du point de vie religieux et politique. Bien sûr, le parent accompagnant la sortie n’a pas le statut d’un personnel de l’Education nationale, néanmoins il se place aux côtés de l’enseignant pour une activité pédagogique et scolaire, donc une activité d’enseignement qui est par principe neutre religieusement et politiquement. La sortie scolaire c’est la classe hors les murs, mais ce n’est pas autre chose que la classe. Un enseignant accepterait-il qu’un parent participe à son enseignement dans sa classe en affichant son opinion politique ou religieuse ? J’en doute fort pour connaître le sens des responsabilités du corps professoral.
Que pense Madame Schiappa de ses mères voilées fédérées en associations, conseillées par les officines islamistes sur lesquelles les pouvoirs publics ferment les yeux depuis près de 20 ans ? Que pense-t-elle de ces sorties où le pique-nique est perturbé par la maman voilée qui ne veut pas distribuer les sandwichs aux enfants de façon indifférenciée au risque de « toucher du porc » ? Que pense-t-elle de ces parents d’élèves qui refusent de voir leurs enfants encadrés par ces « féministes islamiques » ? Madame Schiappa les accusera sans doute d’islamophobie, elle qui n’hésitait pas à en accuser l’ancien Premier ministre. Elle est trop occupée à défendre les mères portant le hijab en sorties scolaires pour se soucier de protéger les élèves de l’intrusion du politico-religieux dans l’Ecole sous prétexte d’acceptation de la Diversité. Voici bien le mot-valise de la doxa antiraciste progressiste qui reconnait aux seules minorités le droit d’avoir une identité et de la revendiquer publiquement.
Dérapage contrôlé sur… papier glacé
Or voici que Marlène Schiappa est rattrapée par ses prises de position. Elle n’est désormais plus libre de penser ce qu’elle pense, elle doit rentrer dans le cadre voulu par le président.
Or, sur la laïcité le cadre est encore flou. Elle a donc fait le service minimum et choisi, vendredi, le magazine Elle pour sa mise au point sur ses propos polémiques. On notera au passage le choix du média : elle communique via un magazine de référence qui s’adresse aux femmes. A quelle femme ? Pas à Madame Michu bien sûr mais plutôt à la bobo trentenaire/quadra parisienne vissée sur son Iphone 8 qui a les moyens de s’acheter un jean délavé et troué (mais en coton bio certifié éco-responsable) pour la modique somme de 250 euros. La femme moderne, insérée dans la mondialisation, dont les enfants sont scolarisés loin du bruit et de la fureur et qui adore la diversité culturelle, surtout sur papier glacé. Les larmes de crocodile versées sur le reportage saisissant des migrantes syriennes ont vite glissé sur le papier au moment de tourner la page pour retrouver la rubrique « ma nouvelle déco dans le Lubéron »…
La secrétaire d’Etat y affirme ne pas remettre en cause la loi de 2004 sur l’interdiction pour les élèves de porter des signes religieux ostentatoires, mais elle nous fait le coup du « en même temps » macronien : « En revanche, je pense qu’on ne doit pas interdire aux mamans qui portent le voile à la sortie de l’école ou lors d’une sortie scolaire de le faire. Pour avoir grandi dans des quartiers populaires, à la cité rouge à Belleville dans Paris et en banlieue, je sais que cela empêcherait beaucoup de mères d’assister aux réunions parents-profs ou de s’investir comme parents d’élèves ». A nouveau, la secrétaire d’Etat montre son inculture des règles et de la pratique. Aucun directeur d’école, aucun enseignant, aucun militant laïque n’a jamais demandé à une mère d’élève d’ôter son hijab ou même son costume intégral, le jilbab, pour attendre son enfant devant l’école, ni même quand elle entre chercher son enfant dans la classe (en maternelle). Pas davantage qu’il n’est exigé par la règle, ni réclamé par les laïcards « islamophobes » que Madame Schiappa exècre probablement, que les mères d’élèves retirent leur hijab pour participer en tant qu’élue au conseil d’école ou au conseil d’administration d’un collège ou d’un lycée. Quand ont lieu les réunions parents-professeurs dont parle Marlène Schiappa, les parents viennent habillés coa ils le veulent. En presque 20 ans de carrière, je n’ai jamais entendu parler d’une réunion de ce type où on aurait demandé à une mère voilée de se découvrir. Alors pourquoi la secrétaire d’Etat évoque-t-elle des cas qui n’existent pas ? Pour créer un écran de fumée qui fasse accepter le droit des mères en hijab d’accompagner les sorties pédagogiques avec les enseignants.
A l’école de Jean-Michel Blanquer?
La secrétaire d’Etat parle d’un moyen « pour les mamans de s’investir ». C’est exactement la rhétorique des défenseurs des élèves voilées dans les années 1990 : « si vous les excluez elles seront privées du savoir émancipateur ». On nous raconte la même fiction : « si vous excluez ces pauvres mamans, elles ne pourront pas s’investir comme parents d’élèves ». Pour être un bon parent d’élève, il faut dire « présent » à toutes les sollicitations d’accompagnement des sorties de nos enfants ? Depuis quand ne pas être disponible pour accompagner les sorties scolaires est-il un signe de non investissement dans le suivi scolaire de nos enfants ? Marlène Schiappa, qu’on dit si attentive aux conditions de vie des femmes qui travaillent, devrait savoir que quand on a un emploi, on n’est jamais disponible pour les sorties scolaires, sauf à poser des RTT. Défendre la présence des mères portant un signe politico-religieux aux côtés de nos enfants dans le cadre de l’enseignement laïque en invoquant le devoir républicain d’intégration, il fallait y penser ! Seule la gauche progressiste bien-pensante peut nous offrir de telles arguties.
Madame Schiappa ignore la réalité scolaire. Être maman bloggeuse ne suffit pas… Maintenant qu’elle est secrétaire d’Etat, elle va devoir travailler ses dossiers. Ainsi, elle ignorait sans doute qu’en 2009 le recteur de l’académie de Créteil avait soutenu le maintien d’un règlement intérieur d’une école de Montreuil-sous-Bois interdisant aux parents de porter des signes religieux dans le cadre des sorties scolaires. Le recteur avait invoqué le caractère prosélyte du port du hijab porté par ces mères lors de ces activités d’enseignement hors les murs de la classe. Il fut suivi par le tribunal administratif qui rejeta la demande de la plaignante, une mère voilée. L’Ecole n’a donc pas attendu la circulaire Châtel pour être claire quant au respect du principe laïc. Hélas, comme toujours, des politiques (édiles locaux ou nationaux) ayant une connaissance juridique superficielle ou une vision manipulatrice du droit, cédant aux sirènes du clientélisme électoral, ont ouvert des brèches dans laquelle des associations de mères voilées se sont engouffrées pour venir diffuser leur idéologie dans l’école. Le quinquennat Hollande les a encouragées dans leur combat politique. Et apparemment Marlène Schiappa veut incarner la continuation. Mais qu’en pense le nouveau ministre de l’Education nationale ? Excellent connaisseur du terrain (il fut recteur de l’académie de Créteil de 2007 à 2009) et du principe de laïcité comme règle de droit, je ne suis pas certaine qu’il soit sur la même ligne…
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