Les membres de la coalition américaine en Syrie se sont réunis à Copenhague le 9 mai pour annoncer un soutien accru aux kurdes syriens du PYD alliés à des bataillons arabes au sein des Forces Démocratiques Syriennes (FDS). Autant dire que l’objet de la réunion n’a pas été bien accueilli par Ankara. Le Pentagone a confirmé son choix de s’appuyer sur eux plutôt que sur la douteuse Armée syrienne libre (ASL). La chute de Bachar Al-Assad n’étant plus l’objectif militaire prioritaire, seule la CIA semble poursuivre son discret soutien aux factions djihadistes qui se disputent la région d’Idlib. Les renforts américains en blindés et en munitions n’ont pas tardé à se faire sentir sur le moral des troupes. La ville de Tabqa, barrage et verrou entre Raqqa et Alep, a été définitivement annoncée comme libérée de l’emprise de Daech deux jours plus tard.
La course Washington-Damas
Après l’attaque surprise de la base aérienne de l’armée syrienne d’Al-Chaayrate décidée par Donald Trump, c’est un retour à la stratégie militaire jusqu’alors menée par Barack Obama en Syrie. Avec toutefois une empreinte au sol plus importante et donc une relance des offensives sur Raqqa. Les forces kurdes sont désormais en mesure d’encercler assez rapidement la capitale de Daech en Syrie. A moins que l’armée turque, coincée dans la poche entre Al Bab et Jarablous, ne décide de reprendre les hostilités. Il y a quelques jours encore, l’aviation turque n’avait pas hésité à bombarder par surprise les positions kurdes de Syrie.
Au-delà de la simple victoire symbolique sur Daech, l’armée américaine a d’autres ambitions à Raqqa. D’une part, récompenser et sécuriser un Kurdistan autonome de Syrie sur le modèle du Kurdistan irakien après la Guerre du Golfe. D’autre part, devancer Damas dans la reconquête de la vallée de l’Euphrate qui serpente au milieu du désert. Et donc, disposer d’une carte supplémentaire dans les négociations sur une éventuelle transition politique à Damas. L’armée syrienne est-elle en capacité de se lancer dans la course pour Raqqa? A priori non. La prise de Tabqa lui a fermé la porte. Il reste Deir Ez-Zor mais l’objectif est beaucoup plus loin et hasardeux. Les lignes de l’armée syrienne seraient sans doute trop étendues pour tenir.
Russes et Américains ménagent la Turquie
Les kurdes pourraient-ils participer à la chute de Bachar Al-Assad tant attendue par les pays occidentaux? C’est tout aussi improbable. L’ennemi des Kurdes reste principalement la Turquie. Les Kurdes et l’armée syrienne ont combattu côte à côte dans plusieurs villes comme Alep contre les djihadistes soutenus par les turcs. Et Damas a toujours eu l’habileté de ménager les kurdes depuis le début de la guerre civile. Ces derniers, déjà réticents à s’aventurer plus avant dans les terres arabes au sud, n’ont pas l’intention d’occuper dans la durée Raqqa.
Les incertitudes et les méfiances entre les coalisés sont autant d’atouts pour les fanatiques de l’Etat islamique et d’Al-Qaïda. Un Yalta syrien c’est-à-dire un accord préalable entre Américains et Russes sur l’étendue du Kurdistan autonome syrien reste indispensable pour accélérer la victoire finale contre Daech.
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