« La liberté n’existe pas ; toute rose pousse dans une prison », disait Salvador Dali. Il entendait par là que pour faire une rose, il faut les conditions de la rose, uniquement les conditions de la rose, et exclure sans sommation toute autre condition que celle de la rose. La rose naît dans l’implacable prison de sa définition. C’est en quoi la rose est sublime.
Un peuple ou un contrat?
La France, libérée de cette « prison » au sens dalinien, est une entité sans contour commun. Dans quelle « prison » faisons-nous exister la France ? Ce second tour électoral est plus caricatural que jamais. Nous ne partageons même plus la même définition de la France. Pour les uns il s’agit d’adhérer à des valeurs et à un contrat (la précession du projet philosophique sur la nature du peuple), pour les autres il s’agit de continuer à exister en tant que peuple (la précession des usages culturels sur le projet politique). Pour forcer le trait : pour les uns c’est une âme, pour les autres c’est un corps.
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La distinction « pays réel vs pays légal » est très intéressante mais elle entend que le pays légal ne serait pas du domaine de la réalité. Or il l’est. Car ce dont il faut se défier, c’est que le projet philosophique ne méprise la réalité incarnée de ses racines, parce que son universalité n’est que la traduction moderne de son baptême dans la religion universelle et que sa vocation privilégiée de « pays de Droits de l’Homme » n’est que la traduction moderne de sa vocation privilégiée de « fille aînée de l’Église ».
Ce dont il faut se défier aussi, c’est que l’attachement à la chair du peuple ne dispense pas de considérer aussi la vision et la vocation.
Âme et corps ont des existences réelles, quelle que soit la direction qu’ils prennent. Mais n’oublions pas que la fâcheuse opération de séparation du corps et de l’esprit s’appelle la mort.
« Mondialistes vs « racistes », une caricature!
Le libre choix électoral ne fait qu’aggraver, à chaque fois plus profondément, ce grand divorce entre les Français du projet universel et les Français du projet particulier. Les positions se cristallisent, se radicalisent à chaque fois plus fermement. Quand les premiers réclament du « pour tous » et que les seconds réclament du « pour nous », plus personne ne s’entend sur rien et l’implosion nationale fermente, résolument et tristement. Tant qu’on se traitera, selon son camp, de « mondialistes hors-sol » ou de « racistes refermés sur eux-mêmes », on ne comprendra pas ce qui nous arrive.
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Ce ne sont pas que les politiques ou les médias qui entretiennent ce grand malentendu français, ce sont les Français eux-mêmes qui le cultivent, avec de plus en plus d’ardeur et de militantisme. Et les réseaux sociaux ont un terrible effet de catalyseur : le citoyen devient un militant fervent, chacun de ses posts est un manifeste puissant comme du Zola, chaque débat sur la toile est un clash de titan. Mais qui sauvera les Français d’eux-mêmes, puisqu’ils sont incapables de vouloir leur concorde par les urnes ? Faudra-t-il donc en arriver à cette extrémité qui est de les pacifier par la force, des les réconcilier sans leur consentement ? Qui osera cet affront contre la démocratie ?
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