
Il existe deux façons légitimes de traiter les programmes présidentiels des candidats qui pourraient se qualifier au second tour – Fillon, Macron, Le Pen et Mélenchon, voire Hamon si les sondeurs se trompaient massivement. La première consiste à évaluer la cohérence des propositions au regard d’un monde transformé par la crise américaine, la crise de l’euro et de l’Europe, le péril terroriste, la vague migratoire et les votes anglais et américain de 2016 : les candidats ont-ils intégré dans leurs logiciels programmatiques tous ces changements qui ne figuraient pas à l’agenda de la mondialisation heureuse ?
La seconde se propose de confronter les propositions essentielles à l’état d’une France amoindrie et désarmée par les erreurs qui ont marqué les étapes du « suicide français ». C’est celle que nous avons choisie. Après tout, ce sont encore la France et les Français, c’est encore notre Histoire que nous connaissons le moins mal. Mais cela suppose que soient d’abord traitées les deux impostures qui ont dominé notre Histoire récente : l’imposture mitterrandienne et l’imposture chiraquienne, dont Éric Zemmour a analysé les ressorts.
L’imposture mitterrandienne et l’imposture chiraquienne
L’imposture mitterrandienne, c’est le socialisme à la française, cette mixture de marxisme et de redistribution sociale inscrite dans les 110 propositions de 1981, elles-mêmes largement inspirées par le programme communiste : nationalisation des plus grandes entreprises industrielles, nationalisation intégrale des banques, augmentation massive des prestations sociales et du Smic. Toutefois, ce n’est pas l’échec du programme, reconnu en 1983 une fois pour toutes, qui révèle une mystification, mais le fait qu’il a marqué une bifurcation majeure vers la libéralisation des marchés financiers, la mise en œuvre du marché unique puis le lancement de la monnaie unique, toutes opérations orchestrées depuis Bruxelles par le mauvais génie de l’expérience, Jacques Delors, avec la bénédiction de François Mitterrand. On pourrait parler de trahison. Ce serait manquer l’essentiel : le socialisme à la française était un faux-semblant dont l’échec était programmé. Un véritable coup de bonneteau : les électeurs benêts qui avaient tiré la carte « socialisme à la française » se sont vu présenter la carte « Europe néolibérale » par les deux arnaqueurs Mitterrand et Delors. Et cette Europe a poursuivi sa course en imposant sans cesse de nouvelles contraintes, aux États au nom des équilibres comptables, et au monde du travail par un libre-échangisme sans limites à ce jour, comme le montre le vote récent du Ceta, traité de libre-échange avec le Canada[1. Le vote récent du Ceta, traité de libre-échange avec le Canada, en est la dernière manifestation.].
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L’imposture chiraquienne. Quand Jacques Chirac a rompu avec Giscard en 1976, c’était au nom d’un gaullisme trahi par ce dernier. Son nouveau parti conjuguait le retour aux valeurs gaullistes et un « travaillisme à la française » – au moment d’ailleurs où le travaillisme anglais connaissait la faillite qui devait conduire à l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher. Faut-il énumérer les zigzags de Jacques Chirac, converti au thatchérisme en 1980, puis à la social-démocratie à nouveau en 1995, avant de s’enliser dans une impuissance avouée durant son dernier mandat présidentiel ? Nous manquerions encore l’essentiel qui est que Chirac a été le liquidateur du gaullisme avec la complicité active de Balladur et de Juppé : quand il
