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Présidentielle: le choix entre la peur et la peur


Présidentielle: le choix entre la peur et la peur
Un panneau d'affichage en marge d'un meeting de François Fillon à Paris, avril 2017. SIPA. 00801706_000022
Un panneau d'affichage en marge d'un meeting de François Fillon à Paris, avril 2017. SIPA. 00801706_000022

Cette fois, ça y est : nous sommes dans la véritable campagne. Les choses sont claires, il va s’agir de faire un choix entre la peur et la peur.

En effet, on croit souvent que le choix démocratique est un choix d’adhésion à une politique. Ce n’est pas vrai, ou du moins, ce n’est pas que cela. La véritable campagne électorale est toujours une réponse à la peur. Tout choix important est une angoisse, et le choix du futur président, qui portera les destinées de tout un peuple pendant cinq longues années, l’est tout particulièrement. Ce n’est pas faire injure à l’électeur que de se demander quelles sont ses véritables peurs, et de vouloir y apporter une réponse. Le célèbre « moi ou le chaos » du Général montre à quel point il avait compris l’essence même de la politique. Pour tout candidat, il faut trouver sur quel levier il devra jouer, comment il va à la fois réveiller ces peurs essentielles et montrer qu’il a les solutions pour rassurer et protéger.

Des peurs sans solution…

La candidate d’extrême droite, à l’évidence, l’a parfaitement intégré. Elle joue à la fois sur les peurs internes (le danger islamique en particulier, et nous savons qu’il n’est pas exagéré), et sur les peurs externes (le danger, pour résumer, de la mondialisation). Contre la « chienlit », elle assume une réponse solide. C’est en cela que son discours et son attitude, au-delà de son programme, ont de la force. Mais c’est aussi sa faiblesse, parce que si l’électeur a peur de l’ouverture excessive, il a aussi, tout autant, peur de la fermeture et de l’isolement. De plus, s’il faut assumer une réponse forte face à ces dangers, comment s’y prendra-t-elle ? Ne risquons-nous pas des bouleversements économiques (avec un possible « Frexit ») ou sociaux (avec une flambée générale des banlieues) ? Par rapport à la peur qu’elle révèle, Marine Le Pen a-t-elle véritablement les antidotes : l’équilibre entre la peur de trop ouvrir et celle de trop fermer, et l’équilibre entre une réponse forte et une réponse possiblement trop brutale ? En outre, disposera-t-elle d’une majorité pour gouverner, ou bien sera-t-elle, face à ces dangers, impuissante ? Rien dans tout cela n’est sûr, et c’est cela qui inquiète précisément nombre d’électeurs, ceux qui savent déjà qu’ils ne voteront pas pour elle et ceux qui hésitent encore sur leur choix.

Le candidat de la gauche et du centre, lui, « surfe » tout autant sur les peurs, bien que d’une façon plus subtile. C’est le cas lorsqu’il joue, sans le dire, une partition proche, en réalité, de celle de Juppé, avec une variante de la « mondialisation heureuse ». Comme l’avait tenté Juppé, c’est, à proprement parler, une stratégie « munichoise ». On se souvient en effet qu’après avoir signé les accords de Munich, lorsqu’il rentre à Paris, le 30 Septembre 1938, Daladier s’attend, au Bourget, à être hué par la foule. Au contraire, il est acclamé, à tel point qu’il s’exclame, selon Saint-John Perse, présent à ses côtés, « Ah les cons ! S’ils savaient ! ». A cette époque, personne n’ignorait le danger nazi. Malgré cela, la peur, celle de préférer ne pas savoir, marche à plein. Il est considéré, pour quelques mois encore, comme « le sauveur de la paix ». Il rassure, en chantant (sans l’avoir voulu, visiblement), « encore une minute, Monsieur le bourreau ». Il prend ainsi les Français pour des autruches, et ça marche…

Emmanuel Macron est sur le même registre. Il n’est pas possible, en effet, que les Français, abreuvés tous les jours par les nouvelles, ne soient pas inquiets, sinon terrorisés, par ce qui se passe : à l’intérieur, danger de déclassement grave si nous persistons, hors de tout bon sens, à ne pas rembourser nos dettes, et à maintenir nos entreprises en état de faiblesse face à une concurrence internationale exacerbée, danger de la création progressive, dans nos banlieues, de zones de non droit, gangstérisées et islamisées, dangers d’explosions sociales, comme dans nos campagnes ou en Guyane, dangers de l’affaiblissement grave de nos forces de sécurité, police ou armées. A l’extérieur, politique, volontaire ou non, mais sûrement déstabilisante, du nouveau chef de l’Etat américain, danger, réel ou supposé, d’une résurgence de la puissance russe, coups de menton et radicalisation du pouvoir en Turquie, risque, à tout moment, d’une nouvelle irruption de milliers de « réfugiés » sur notre territoire, guerres au Proche-Orient et en Afrique du Nord, c’est-à-dire à nos portes. Tout cela, il n’est pas possible que les Français ne le voient pas.

…à la peur saine du candidat Fillon

A cela, que répond Macron ? A l’étranger, que la France est coupable de « crime contre l’humanité ». Aux Français, il dit : « je vous aime ». Face à ceux qui lui disent qu’il ne pourra pas gouverner, il aligne les soutiens, comme si un mouvement, récemment créé pour l’occasion, pouvait remplacer la solide majorité issue d’un parti historique comme le PS. Pourquoi, malgré cela, est-il si populaire ? A l’évidence, parce qu’il flatte l’esprit « munichois ». « Je suis votre ami », « Ne craignez rien, tout va bien », « si nous restons ensemble, rien ne pourra nous arriver ». Lorsqu’il dit oui à tout et à tous, chacun sait au fond de lui-même que s’il est au pouvoir demain, tout explosera. Mais face aux multiples dangers, il ne répond pas à la peur par la promesse d’action, mais par le déni. Et ça marche.

Fillon, lui aussi, met en scène la peur. Lorsqu’il choisit de dire la vérité, qu’il faut rembourser nos dettes, qu’il faudra se serrer la ceinture, qu’il faut rudement « dégraisser le mammouth » administratif, qu’il faudra prendre le problème islamiste à bras le corps, lorsqu’il dit aux infirmières qu’il faudra travailler plus pour s’en sortir, évidemment, il fait peur. Mais, contrairement à Macron, cette peur est saine. Elle consiste à regarder les choses en face, ce qui nécessite, de la part de l’électeur, un effort, pour la surmonter.

« Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre », avait dit Churchill au gouvernement britannique. Aujourd’hui, par-delà les années, c’est aux Français qu’il s’adresse. Et qu’importent, face à de telles questions, les mises en examen et les costumes. Tout ce débat est ridicule. En réalité, la vérité, c’est qu’alors que nous fonçons dans le mur, nous fuyons le choix. Or il faudra bien le faire. Entre peur de voir et peur de ne pas voir, que choisirons-nous ?



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