« Ça va mal à l’hôpital » public, déclarait Benoit Hamon le 21 février dernier au Palais de la Bourse lors d’un « Grand oral » des candidats sur la santé. Marisol Touraine avait pourtant annoncé en 2012 un « pacte de confiance » à l’hôpital public pour tourner la page de la loi Bachelot 2009 qui préconisait, selon elle, « des méthodes de gestion plus proches de celles de l’entreprise ». Après deux quinquennats en apparence opposés sur l’approche de l’hôpital public, le résultat est là : un échec politique et un apitoiement partagé sur une institution hospitalière en pleine crise.
En 2017, sans vergogne, les politiques nous proposent les mêmes promesses de réforme avec des solutions qui ont déjà échoué!
Les 3 crises de l’hôpital public
Face au changement radical de l’environnement ces 20 dernières années, le rôle de l’hôpital dans le système de santé est à reconsidérer. L’évolution d’un modèle médical aigu vers un modèle chronique repositionne l’institution à la périphérie et non plus au centre de l’offre de soins. C’est donc bien une crise existentielle que vit l’hôpital qui doit repenser sa raison d’être et s’adapter en conséquence.
La deuxième crise est une crise de gouvernance et d’une gestion humaine décadente qui en découle. L’État opérateur démontre toutes ses limites de gestion opérationnelle dans le nouveau monde (déjà constaté dans d’autres secteurs comme les télécoms). La gestion de l’hôpital est toujours plus centralisée et bureaucratisée au fur et à mesure des nécessités d’économies financières. Des couches administratives supplémentaires (pôle, groupement hospitalier de territoire) éloignent toujours davantage le personnel de terrain des lieux de décision et leur donne un sentiment d’abandon et de dévalorisation. L’État, sans vision, ne restructure pas mais gère au rabot les dépenses de l’hôpital.
La troisième crise est organisationnelle et financière. La révolution numérique n’a toujours pas franchi les portes de l’hôpital public, ce qui donne un caractère archaïque à l’institution, la prive de gains de productivité massifs et d’une amélioration du service au patient. Ce retard ne fait que des perdants avec une pression croissante portée sur le personnel hospitalier pour produire davantage de soins sans disposer des moyens nécessaires. Les patients ne disposent pas des outils modernes pour réserver leurs séjours, s’informer en ligne, disposer des performances des services. Les résultats financiers se dégradent avec un déficit de 600 millions d’euros en 2016 (comptes à l’équilibre en 2012) et une dette totale des hôpitaux publics de plus de 30 milliards d’euros fin 2016.
Les 3 blocs politiques
Si tous les candidats ont conscience de cet état de crise de l’hôpital, aucun n’envisage un plan stratégique à la hauteur des enjeux. On peut distinguer trois blocs parmi les candidats : le bloc étatiste, le bloc de la continuité et le bloc de la rupture.
Le bloc étatiste – Mélenchon, Hamon, Le Pen – considère la question comme un problème de moyens et de recherche excessive de productivité dans un cadre de service public. Par l’embauche de personnels soignants et administratifs, par la suppression ou le repli du paiement à l’activité, par la reconnaissance de la souffrance au travail, on redonnera sa grandeur et son efficacité à l’hôpital. Peu importe les faits réels : une France qui consacre 37% de ses dépenses totales de santé à l’hôpital contre 29% en moyenne dans l’OCDE, une densité des lits 30% supérieure en France que dans l’OCDE, une durée moyenne de séjour de 15% plus longue… la rhétorique du toujours plus de moyens sans s’occuper d’efficience fonctionne à plein pour ce bloc. C’est pourtant de l’argent public, dont chaque euro dépensé devrait être optimisé, mais la pensée jacobino-marxiste est au-dessus de cela.
Le bloc de la continuité est occupé par Emmanuel Macron, dont l’équipe santé provient des acteurs du quinquennat Hollande (les 4 rapporteurs de la loi Touraine font partie de son équipe. L’un d’eux est son porte-parole santé, un autre le secrétaire général de son mouvement). Les principes de la loi Touraine de concentration administrative de l’offre hospitalière au sein de 135 groupements hospitaliers, sans revoir les fondamentaux de l’organisation et du management, et de sortie du secteur privé du service public hospitalier seront appliqués. S’ajoute à cela un repli de la tarification à l’activité à 50% des actes (c’est quasiment 100% aujourd’hui en chirurgie-médecine-obstétrique), impliquant un retour à la forfaitisation du financement hospitalier. Par clientélisme, on veut donner l’impression de desserrer l’étau de la pression financière sur l’hôpital, tout en promettant 15 milliards d’euros d’économie en santé sur le quinquennat !
Quant au bloc de la rupture représenté par François Fillon, on promet la fin des 35 heures, l’autonomie de gestion des hôpitaux, la rationalisation de l’offre de soins hospitaliers à l’échelle des territoires… Même si tout cela est souhaitable, rien ne se fera sans une stratégie crédible de long terme à la hauteur des enjeux pour surmonter les oppositions. Or, il manque une vision globale qui est renvoyée à des États généraux de la santé fin 2017 pour être extraite d’un travail de co-création avec les parties prenantes. Si ces États généraux sont dignes de ce qui s’est fait en 1958 pour transformer l’hôpital, le pari peut être gagné. S’ils se déroulent comme souvent avec l’État sous la forme de simulacre de discussion sans ambition réformatrice déterminée, le pari sera perdu.
Face à l’échec partagé des politiques pour adapter l’hôpital aux nouveaux défis contemporains, on espérerait une approche pragmatique et non politicienne à la hauteur des enjeux. Raté, on assiste encore à un bal de faux-culs qui feignent de se mettre au chevet d’une institution malade de leurs erreurs passées et de leur absence de vision d’avenir pour elle.
Deux blocs politiques reprennent des solutions qui ont déjà largement échoué, l’autre s’en remet à l’intelligence collective. Tout dépendra de la sincérité et de l’habileté de ses dirigeants en cas de victoire!
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