
Christine Angot sur France 2 (26 mars)
Le jeudi 23 mars 2017 est une date historique. Nous savions depuis quelque temps déjà que rien n’échappait à l’implacable loi du divertissement, que les humoristes sévissaient partout, tout le temps, et que notre lot était – selon la géniale expression de Neil Postman – de « nous distraire à en mourir ». Mais ce qu’on a vu le 23 mars dans L’Émission politique qui recevait François Fillon, c’est le divertissement lui-même déchoir et s’avilir jusqu’à ressusciter les jeux du cirque. L’invité-surprise du jour était Christine Angot, et celle-ci n’a pas choisi de dialoguer, même durement, avec François Fillon, elle a voulu le mettre à mort. Refusant tout véritable face à face, elle lisait, le visage convulsé par la haine, un texte d’invectives, au point que certains ont pu dire qu’elle avait « pété un câble ». Ils se trompent : Christine Angot n’a pas de câble. C’est même ce qui la définit. Rien ne l’arrête, rien ne la retient, elle ne connaît ni hésitation ni inhibition. Poussée par le sentiment, l’émotion, ou l’idée fixe qui l’habitent, elle fonce tête baissée sans le moindre égard pour tout ce qu’elle supprime et brise. Sélectionné par les responsables de la chaîne de Service public en toute connaissance de cause, ce pur individu a déboulé sur le plateau et l’a aussitôt transformé en arène. Alors même qu’elle était censée représenter la fraîcheur et l’authenticité de la société civile face à nos politiques magouilleurs et coupés des réalités, elle s’est affranchie des règles du débat démocratique, elle a bafoué la décence commune. Elle a fait tout ce qui ne se fait pas, et il n’y avait pas besoin d’être filloniste pour trouver insupportable le spectacle de sa férocité. « Sommes-nous tombés si bas ? », s’est-on demandé avec horreur dans de très nombreux foyers français.
Le retour d’un instinctivisme haineux
Mais cette question n’a pas été relayée dans les médias. Bien au contraire. Invité sur France Inter pour présenter avec Marc Dugain sa nouvelle revue America, l’excellent journaliste qu’est Eric Fottorino s’est incliné devant la capacité des écrivains à capter le réel
