Je l’ai écrit mille fois: en matière d’information, la première désinformation, c’est l’occultation. Ou le mensonge par omission.
Peu de risques d’être confondu. Sauf lorsqu’on exagère. Et Benjamin Barthe du journal Le Monde, qui fut, il y a longtemps, un journal sérieux, avant qu’il n’exagère, a exagéré. B.B. a publié le 17 mars à 23h53 un article intitulé : « Sous la pression, l’ONU enterre le rapport accusant Israël d’apartheid ». À sa lecture, on sent bien que Benjamin n’est pas heurté par l’incongruité juridique manifeste du rapport. Et rien qu’à lire le titre, on comprend également que n’étaient les menaces de Trump et de Netanyahou, l’ONU aurait dû publier ce rapport objectif comme il en a publié tant d’autres pour flétrir Israël. Voilà ce qui doit heurter. Les lecteurs égarés du journal l’ont d’ailleurs signifié vertement dans leurs commentaires en condamnant l’infâme censure ainsi exercée.
Le sulfureux monsieur Falk
Mais trêve de persiflage. Venons-en aux faits ou plutôt à ceux qui sont soigneusement dissimulés. Selon B. Barthe, Richard Falk et Virginia Tilley, les deux auteurs du rapport de cette sous-commission économique régionale onusienne[1. Les états membres de cette Commission économique et sociale régionale pour l’Asie occidentale éprise de droit sont des dictatures arabo-islamiques. Pour l’anecdote, on citera le cas de la Mauritanie qui tolère encore actuellement l’esclavagisme par les Maures de membres de sa population noire défavorisée. Certains militants anti-esclavagistes ont été emprisonnés pour avoir protesté. Mais ni l’ONU de M. Falk, ni Le Monde de M. Barth ne sont très friands de ce genre d’anecdotes.] qui a pris sans qu’on lui demande l’initiative de rapporter, seraient « des spécialistes du droit international ». Rien de plus. Certes, le fait que ces deux éminences préconisent dans leur rapport de s’en remettre aux boycotteurs antisionistes du BDS laissent à penser que nous n’avons pas seulement affaire à de purs esprits scientifiques. Mais un journaliste aspirant à la crédibilité minimale aurait dû se faire devoir d’édifier son lecteur sur le cas exceptionnellement extravagant de Richard Falk qui avait à de très nombreuses et scandaleuses reprises défrayé la chronique.
Histoire de mettre en perspective le rapport et expliquer son funeste destin. Pour faire bref, et pallier la carence cruelle du journaliste oublieux, je rappellerai donc, qu’entre autres titres de gloire, ce « spécialiste du droit international » a :
– blâmé les États-Unis pour l’attaque du 11 septembre 2001.
– fait le lien entre l’attentat du marathon de Boston et la politique des États-Unis au Proche-Orient.
– comparé les Israéliens aux nazis.
– critiqué ceux qui considéraient l’ayatollah Khomeiny comme un réactionnaire fanatique.
Et Decodex dans tout ça?
Les lecteurs du journal Algemeiner ont eu plus de chance que ceux du Monde, puisqu’un article du 17 mars intitulé « Falk aurait dû être discrédité depuis une décennie » leur a révélé ce qui précède et qui a été occulté aux lecteurs français.
Ajoutons, pour faire bonne mesure, qu’en 2011, le Premier ministre britannique David Cameron avait condamné « vigoureusement » le juriste pour la publication d’un dessin antisémite. Qu’en 2012, le Foreign office avait à son tour condamné l’homme pour l’évocation d’un ouvrage considérant « qu’après tout, Hitler avait raison ».
Wikileaks a également révélé l’existence d’un câble, daté du 16 février 2010, qui le qualifiait, selon l’Autorité palestinienne, de « partisan du Hamas ». Même Ban Ki-moon avait été contraint, en mai 2014, de condamner la haine pathologique de Falk envers Israël et de la pousser vers la sortie. Ce dernier avait déclaré, entre dizaines d’autres insanités, que « les sionistes [étaient] les ennemis de l’humanité ».
Si les lecteurs du Monde avaient été informés comme ceux de l’Algemeiner, ils auraient compris immédiatement pourquoi un « spécialiste du droit international » en était venu à expliquer qu’il fait nuit à midi. Au lieu de cela, on leur a fait croire sciemment que deux universitaires sérieux s’étaient vus faire taire pour avoir voulu remplir leur impérieux devoir.
Triste ironie de l’histoire, Le Monde du 18 mars intitulait fièrement un article : « Decodex : à l’heure de la post-vérité, se battre pour les faits »…
Il y a pire que la post-vérité, c’est la sous-vérité.
Pauvre monde.
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