Quasi-unanimité des médias relayant manifestations de « jeunes », tweets et autres Facebook, pour condamner la brutalité policière dont fut victime le dénommé Théo de la part d’un présumé flic violeur.
Ce qui marque les esprits et pousse à la révolte, ce n’est pas tant que Théo fut brutalisé au cours d’un contrôle de police musclé mais de la blessure à l’anus qui en résultat. Cette dernière ayant été attribuée à une pénétration par une matraque télescopique. Pénétration tout d’abord qualifiée de viol alors que l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) parle d’un accident. On attend toujours sur ce point l’expertise médicale tout comme les autres éléments de l’enquête en cours.
Mais on ne peut s’empêcher de penser que la montée de la vindicte condamnant la police tout entière à partir de ce qui ne pourrait être qu’une « bavure », si odieuse soit-elle, commise par un fonctionnaire, est une réaction à la blessure anale subie par le jeune Théo. Si ce dernier avait eu un bras cassé, aurait-il à ce point défrayé la chronique? Probablement non.
Je suis ton père
Le scandale provient de la sexualisation de la blessure provoquée par un représentant de l’autorité. Un représentant de l’autorité, sodomisant un « jeune », noir de surcroît. Telle est l’équation qui semble avoir provoqué l’ire des manifestants entraînant la condamnation de toute la police représentant cette autorité. Traduction au niveau du fantasme: un fils violé par un père abusif. Et, ce qui n’est pas anodin, féminisation du fils en question.
La structure de ce fantasme aux effets politiques ressemble donc beaucoup à ce que Freud analyse dans un texte intitulé On bat un enfant. J’en résume l’argumentation en trois phases, les citations de Freud sont entre guillemets:
1- « Mon père bat l’enfant que j’ai pris en haine » (Le frère par exemple)
2- « Mon père me bat » (Source d’une jouissance masochiste inconsciente)
3- « Le batteur n’est jamais le père. Comme dans le premier état, il est soit indéterminé, soit figuré, fait typique, par un substitut du père (l’instituteur par exemple). La personne elle‑même ne figure plus dans ce fantasme ». Et Freud d’insister sur l’érotisation de cette scène inconsciente qui fait retour à l’érotisation première suite à la sollicitation d’une zone érogène (une fessée par exemple).
« Vous voulez un maître, vous l’aurez! »
Lacan, dans son séminaire Le désir et son interprétation, développera que la fonction du fantasme « est là, pour occuper cette place, entre le désir du sujet et le désir de l’autre (l’Autre), une certaine fonction qui est une fonction de protection ou de défense ».
Le cas Théo a, semble-t-il, provoqué un retour du refoulé de ce fantasme structurant. Sa projection dans l’espace public dit à quel point est éprouvée comme énigmatique et incertaine la relation au pouvoir qui ne fonctionne plus comme une métaphore paternelle. Les cris de colère et les insultes dont la police fait régulièrement les frais tendraient paradoxalement à tenter de rétablir cette autorité impuissante à signifier la loi dans sa fonction de « protection et de défense ».
Tout comme Lacan l’avait dit aux étudiants à Vincennes en 68, « Vous voulez un maître, vous l’aurez! »
Fallait-il attendre 2017 pour que cette interpellation finisse par se réaliser dans la méconnaissance d’un désir qui surprendrait bien des acteurs de cette mise à mort des représentants de l’autorité jusqu’à présent plutôt démocratique.
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