Soutenir que c’est au nom de la laïcité que le gouvernement de Vichy aurait imposé aux Juifs le port de l’étoile jaune n’est pas une simple « bourde » mais une énormité définitivement disqualifiante pour un candidat à la présidence de la République française. Mais n’ayons pas la mémoire courte et constatons que M. Peillon est un récidiviste de l’incompétence et de l’irresponsabilité politiques. Il n’a pas quitté le gouvernement à la faveur d’un simple remaniement technique mais par sanction de sa gestion calamiteuse de la réforme des rythmes scolaires. Ce n’est pas tout, il y eut bien pire.
« Il convient donc d’appeler à la retenue et à la neutralité au sein de tous les établissements afin que l’école ne fasse l’objet d’aucune instrumentalisation. »
Petit retour en arrière. Nous sommes en janvier 2013, en pleine explosion de la « genritude » sous l’égide de Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes (surtout des LGBT), et au milieu du débat sur le projet de « mariage pour tous ». Dès son installation en juin 2012, Mme Belkacem avait commandé à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) un rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les crèches en indiquant : « La cible des enfants de moins de trois ans se doit d’être au cœur des politiques publiques dans la mesure où les assignations à des identités sexuées se jouent très précocement ». Il restait donc à compléter et prolonger ces bonnes résolutions à l’école, au collège et au lycée en passant le relais au collègue en charge de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, sachant que ses prédécesseurs, Xavier Darcos et Luc Châtel, avaient déjà fait preuve d’un laxisme certain en la matière. Mais Vincent Peillon franchit allègrement toutes les limites et rédige, le 4 janvier 2013, une circulaire stupéfiante dont il convient de citer les deux paragraphes les plus accablants et contradictoires :
« Madame la Rectrice, Monsieur le Recteur,
Le gouvernement s’est engagé à « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités », notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles (…). Dans cet esprit, je vous appelle à la plus grande vigilance à l’égard des conditions du débat légitime qui entoure le mariage pour tous, notamment dans les établissements privés sous contrat d’association. Le caractère propre de ces établissements ne saurait leur permettre de déroger au respect de tous les individus et de leurs convictions (…). Il convient donc d’appeler à la retenue et à la neutralité au sein de tous les établissements afin que l’école ne fasse l’objet d’aucune instrumentalisation.
(…) La lutte contre l’homophobie en milieu scolaire public comme privé, doit compter au rang des priorités. Je souhaite ainsi que vous accompagniez et favorisiez les interventions en milieu scolaire des associations qui luttent contre les préjugés homophobes (…). Je vous invite également à relayer avec la plus grande énergie, au début de l’année, la campagne de communication relative à la « ligne Azur », ligne d’écoute pour les jeunes en questionnement à l’égard de leur orientation sexuelle ou de leurs identités sexuelles. (…) ».
Quelques parents vigilants, alertés par l’étrange insistance du ministre sur le cas des établissements privés, se sont donc rendus sur le site Azur pour voir à quelle sauce on se proposait de cuisiner leur progéniture. Et là, il y avait vraiment de quoi tomber de sa chaise en cliquant sur le « matériel pédagogique » fourni aux écoliers.
L’emploi des godemichets pour les nuls
La ligne Azur gâtait particulièrement les filles grâce à l’onglet « Tombe la culotte » menant à un manuel de pratiques lesbiennes entièrement accompagné de photos de dames en posture, harnachées de cuir et latex, le mode d’emploi des godemichets et autres accessoires ainsi que le lexique étant gracieusement fournis. Les garçons avaient le droit à plus de couleurs avec des dessins de BD façon estampes japonaises. Le site définissait la pédophilie comme une simple « attirance sexuelle pour les enfants, quelle que soit l’orientation sexuelle de la personne », sans la condamner ni relever son caractère pénal et l’on pouvait même y lire le témoignage d’un jeune racontant plaisamment « s’être touché avec un des moniteurs » pendant une colonie de vacances. Le site faisait aussi valoir avec insistance que l’usage de drogues présentées comme « festives » aide à faire tomber les inhibitions dans les pratiques homosexuelles.
Au vu de cette délicate littérature destinée à la jeunesse, la Confédération nationale des associations familiales catholiques a donc demandé au Conseil d’État l’annulation de la circulaire de Vincent Peillon qu’elle jugeait contraire au principe de neutralité scolaire et à la liberté de conscience.
« Le ministre a porté atteinte au principe de neutralité de l’enseignement et à la liberté de conscience des élèves et de leurs parents. »
On ne révélera aucun secret en affirmant que le Conseil d’État n’a pas vraiment la réputation d’être une institution homophobe, loin s’en faut. L’on sait aussi la réserve dont il fait généralement preuve dans ses constatations. Pourtant, le rapporteur public Rémi Keller n’a manifestement pas pu cacher un haut-le-cœur en feuilletant le matériel pédagogique énergiquement suggéré à nos enfants par Vincent Peillon :
« La brochure fait l’éloge du sado-masochisme, de l’échangisme et du libertinage, et décrit en détail des pratiques sexuelles diverses, dans des termes crus que nous serions fort gênés de reprendre dans cette enceinte et qui sont manifestement inadaptés aux élèves – et pas seulement les plus jeunes ».
Il poursuit : « Le site internet critiqué prend position sur des questions de société, telles que la procréation médicalement assistée, qui font l’objet de débats et qui divisent la classe politique. La promotion de ce site par l’administration est donc contraire au principe de neutralité. Plus grave encore, le site encourage des pratiques interdites par la loi, et encourage à des comportements sexuels particuliers. Enfin, comment ne pas comprendre que des parents – et des enfants – soient choqués à la lecture des contenus que nous avons évoqués ? ».
Il conclut : « Le contenu du site internet est susceptible, aussi bien sur le fond qu’en raison des termes employés, de porter atteinte aux convictions morales ou religieuses des élèves, des parents et des enseignants. Et ce n’est pas faire preuve d’une pudibonderie excessive que de constater que la présentation quasiment pornographique de certaines activités sexuelles est manifestement inadaptée aux élèves et qu’elle n’a certainement pas sa place dans les établissements d’enseignement secondaire. On ne peut que s’étonner de la légèreté du ministre qui a encouragé des enfants – parfois âgés de dix ans à peine – à consulter ce site. L’administration se défend d’ailleurs particulièrement mal dans cette affaire. Nous vous proposons en conséquence de juger qu’en ordonnant aux recteurs de relayer « avec la plus grande énergie » la campagne de communication relative à la « ligne Azur », le ministre a porté atteinte au principe de neutralité de l’enseignement et à la liberté de conscience des élèves et de leurs parents ».
Le Conseil d’État a suivi son rapporteur et annulé la circulaire pour atteinte au principe de neutralité scolaire, dans une décision du 15 octobre 2014.
Indigne d’un candidat à la présidentielle
Vincent Peillon peut s’estimer heureux que les associations plaignantes s’en soient tenues là et ne l’aient pas poursuivi dans la foulée sur le terrain pénal pour corruption de mineurs dans l’exercice de ses fonctions. La Cour de justice de la République n’aurait pas été de trop pour juger un tel scandale. On imagine bien l’intéressé plaider qu’il n’avait jamais regardé la ligne Azur et qu’il n’avait pas songé un seul instant que les associations de lutte contre l’homophobie soient surtout des associations de propagande et prosélytisme homophiles, alors pourtant qu’elles n’en étaient pas à leur coup d’essai. « Responsable mais pas coupable » aurait-il eu l’aplomb d’affirmer à la manière de Georgina Dufoix dans l’affaire du sang contaminé.
Mais quel que soit le sort pénal auquel Vincent Peillon a échappé, il reste qu’un Ministre de l’Éducation Nationale qui s’est comporté de la sorte et dont les actes ont été sanctionnés en de tels termes par le juge administratif, devrait avoir la pudeur de disparaître de la scène politique. Jules Ferry indiquait en 1883 aux instituteurs: « Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est permis d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ».
Vincent Peillon n’a manifestement aucunement conscience d’avoir monstrueusement manqué aux devoirs de sa charge et pousse la provocation jusqu’à se présenter à l’élection présidentielle en axant son programme sur l’éducation et en se posant en champion des valeurs républicaines ! C’est sans doute cette absence totale de conscience morale et de sens de la responsabilité qui constitue la marque de fabrique la plus déprimante de la classe politique contemporaine.
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