Eh bien non raté ! Le « M » emblématique de la marque numéro 1 mondial du fast food n’a pas la forme inversée d’une poitrine généreuse d’une starlette hollywoodienne qui symboliserait les mamelles nourricières de l’industrie du divertissement mainstream et de la malbouffe cancérigène, génératrice d’individus décérébrés et obèses. Les pubards vont devoir revoir la sémiologie de l’enseigne rouge et jaune devenue par soumission aux injonctions du dogmatisme écologiste verte et jaune. C’est en allant voir Le fondateur, le film du réalisateur américain John Lee Hancock que l’on comprend la véritable signification du M.
Ce film raconte comment le petit fastfood californien créé par Dick et Mac McDonald s’est imposé sur le marché national puis mondial grâce à la pugnacité et la vision éclairée d’un seul homme, Ray Kroc, (interprété par Michael Keaton), simple VRP de mixeur à milkshake devenu en quelques années un business man accompli à la tête d’un empire.
Le Fondateur (2016) French par FilmsAnnonces
« Les meilleures idées viennent des autres »
Le « M » n’est évidement pas seulement l’initiale du nom des frères même si sur le plan mnémotechnique, l’efficacité est redoutable. M comme McDonald’s sonne plutôt bien. Alors certes sans le pragmatisme et la créativité des frangins, on aurait pu faire une croix sur le délicieux Big Mac englouti dans l’heureuse indolence d’un after qui a un peu trop duré. Le film rappelle que ce sont bien eux les pionniers de la restauration rapide en mettant au point le système « Speedee Service System », une sorte de fordisme appliqué au hamburger. Ce sont également eux qui ont eu l’idée de commercialiser exclusivement hamburger, frites et soda, trois produits qui concentraient plus de 80% de la demande et de supprimer de la carte tout le superflu : hot dog, ailes de poulet sans parler des distributeurs de cigarettes. Ils ont rationnalisé l’offre, automatisé la production mais aussi modifié la consommation en forçant les clients à sortir de leur voiture pour venir chercher leur commandes. La fin des drive-in avec les pin up sur les capots avait sonné.
Pourtant si Mac et Dick sont bien les créateurs de l’offre McDo, ils ne sont pas pour autant les fondateurs de McDo. Comme le dit si bien le philosophe américain Ralf Waldo Emerson, cité d’ailleurs dans le film, « les meilleures idées viennent des autres ». Kroc a très vite perçu le potentiel du burger McDo et a su l’exploiter en franchisant et surtout en achetant les terrains sur lesquels les restaurants se sont multipliés dans tout le pays.
Ce qu’il y a de fascinant dans ce personnage c’est qu’il sait parfaitement que l’identité américaine repose sur deux piliers, la religion et la justice, l’église et le tribunal, la croix et le drapeau. « Les restaurants McDonald’s deviendront la nouvelle église des Américains » lance-t-il avec exaltation lorsqu’il parvient à convaincre les deux frères de franchiser leur enseigne. Et le burger, leur pain quotidien pourrait-on rajouter ! car le M qui se dresse sur le toit de chaque établissement est conçu comme une « arche dorée» sous laquelle les citoyens viennent se rassembler, partager des valeurs communes comme à l’église.
Destin individuel, destin national
Autrement dit qu’est ce que véhicule ce « M » sinon l’image de l’Amérique. Ce qui a assuré le succès de McDo c’est bien son identité forte ancrée dans la mentalité américaine. Encore une fois Kroc connaît bien son pays car en laissant la gestion des franchisés à des gens issus de la middle classe américaine, il fait confiance à la capacité d’agir en commun du peuple américain, ce qui fait la force d’une nation comme les Etats-Unis comme l’avait si bien compris Alexis de Tocqueville.
Comme le dernier film de Clint Eastwood, Sully brossant le portrait d’un homme ordinaire qui devient un héros national (encore !), American Pastoral , l’adaptation du bestseller de Philippe Roth mis en scène par Ewan Mcgregor qui raconte comment une famille symbolisant la réussite de l’American way of life va être détruite à cause du fanatisme politique de leur fille activiste engagée dans le mouvement des droits civiques, Le fondateur qui se déroule au moment où la société de consommation est plein essor, montre bien que le cinéma américain sait offrir le récit d’une histoire personnelle sans jamais oublier de l’ancrer dans le destin collectif d’une nation.
Le fondateur de John Lee Hancock, actuellement dans les salles.
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