C’est le journal québécois Le Devoir qui nous prévient : le professeur de science politique Alain Gagnon de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) va entreprendre, dès aujourd’hui, une grande série de conférences à Paris pour honorer sa nomination temporaire comme titulaire de la Chaire du Québec contemporain de l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris 3). De son propre aveu, Gagnon affirme vouloir débuter une tournée des amphithéâtres destinée à familiariser les étudiants français avec ce qu’il appelle « l’École de la diversité ».
« Le monde occidental doit prendre la mesure de la diversité profonde »
L’objectif du projet : faire la promotion du multiculturalisme à la sauce québécoise (c’est-à-dire l’interculturalisme) dans un contexte où les Français et les Européens feraient preuve de plus d’intolérance que jamais. En gros, il faudrait sauver l’Europe ! Le Nouveau Monde, ouvert et progressiste, serait appelé à sauver l’Ancien de son éternelle tentation fasciste. « À la fois à la Sorbonne Nouvelle et à Science Po Paris, où je serai professeur invité, ils sentent bien que les Québécois, en particulier ceux de la mouvance multinationale et plurinationale, ont des choses majeures à dire à l’Europe et au monde occidental, qui doit prendre la mesure de la diversité profonde », assure le professeur. Quoi de mieux qu’une délégation de Nord-Américains accoutumés à la modernité pour apprendre le pluralisme à une bande de conservateurs attachés aux très vieilles pierres ?
Après tout, la France a mauvaise presse actuellement. Depuis les attentats terroristes qu’il a bien mérités, le pays discrimine ces valeureuses citoyennes entièrement vêtues de noir qui désirent seulement profiter du soleil sur les plages de la Côte d’Azur. La France, c’est le pays à ne plus fréquenter intellectuellement. Le Québec ferait donc mieux de se rapprocher du Canada anglais, d’héritage britannique et communautariste, plutôt que de ce vilain pays laïque. Un petit voyage en France ? Pourquoi pas. Pourvu qu’on en profite, au passage, pour sermonner ses habitants. L’Angleterre n’a-t-elle pas fait preuve de modération par rapport à cette France révolutionnaire, radicale et napoléonienne ?
Cette grande tournée missionnaire ne sera évidemment pas réalisée sans une bonne instrumentalisation des fonds publics à des fins idéologiques. Les premiers à prôner le pluralisme culturel sont souvent les moins enclins à prôner le pluralisme intellectuel. Que signifie vraiment « l’objectivité scientifique » dans des universités qui ressemblent parfois davantage à des prisons de la pensée qu’à des centres de diffusion du savoir ?
Il faut aussi préciser que le modèle interculturel dont Alain Gagnon et ses acolytes feront la promotion durant les prochains mois n’a jamais fait l’unanimité auprès de qui que ce soit au Québec. Non seulement le débat sur lesdits accommodements raisonnables et la laïcité fait toujours rage dans cette province, mais jamais le multiculturalisme n’y a été aussi violemment remis en question dans son ensemble. L’agenda politique et les sondages en faveur des deux principaux partis politiques opposés au multiculturalisme canadien (le Parti québécois à 24% et la Coalition Avenir Québec à 26%) témoignent de cette réalité.
Et pour cause, de nombreux Québécois savent très bien ce qui les attend en cas de perpétuation du modèle « diversitaire »: la ghettoïsation des communautés immigrées et l’expansion de l’islamisme au nom du « vivre-ensemble ».
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