Si la désindustrialisation plane toujours sur notre économie, il y a un secteur où nous relevons la tête : la fiction télévisée ! A force de nous asséner que seuls les américains ont le génie du petit écran, nous commencions à faire des complexes de réalisation. Incapacité à revoir notre chaîne de production, scénaristes à la traîne, comédiens sans entrain, une création figée entre les désirs contradictoires des autorités de tutelle et l’appétit vorace des annonceurs, nous manquions de souffle et d’audace. Les années 90 ont été désolantes de platitudes et d’errements, surtout en prime time. Certains soirs, la ménagère avait envie d’ouvrir le gaz. Nos programmes ressemblaient à un débat soporifique sur les vertus de la monnaie unique entre un social-libéral et un libéral-social.
La zappette en berne comme la vigueur de notre Démocratie, nous doutions de notre santé mentale dans un système aussi vérolé. Nous osions à peine formuler ce rêve fou de regarder des séries de bonne facture ne tombant ni dans les grosses ficelles de la comédie, ni dans un misérabilisme à faire pleurer dans les cités bétonnées. En clair, une télé de qualité comme le furent jadis nos dramatiques et autres feuilletons à rallonges tenant la France qui se lève tôt en haleine. C’était méconnaître notre capacité de rebond et surtout notre vivier d’acteurs de tout premier plan. Quel autre pays au monde offre une telle variété de tempéraments, de caractères et de talents ! Le service public a su, à sa manière, proposer ces dernières années une contre-programmation assez subtile. Il s’agissait de ne pas heurter les téléspectateurs avec des œuvres trop violentes ou faussement révoltées, tout en conservant une fine psychologie des personnages.
Petites séries à la française
Pour cette rentrée, nous avons donc plaisir à retrouver nos héros du vendredi ou du samedi soir. « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie », plébiscités par le public dans un dernier sondage OpinionWay paru dans TV Magazine, sont d’une redoutable addiction pour les nostalgiques des années 50 et 60. Il ne suffit pourtant pas de filmer une Facel-Vega, une Lambretta ou des costumes taillés à l’italienne pour faire grimper l’audimat. Plus que l’intrigue plus ou moins alambiquée de chaque épisode, le succès repose essentiellement sur le jeu et la communion d’esprit d’un casting de haut niveau. Samuel Labarthe en irrésistible commissaire Laurence, cabot et délicat, dans cet entre-deux fragile dont il a le secret, déplie avec grâce et malice son long corps dégingandé. Un régal. La journaliste Alice Avril jouée par une Blandine Bellavoir, plus sûre chaque année dans ses exceptionnels dons comiques laisse toujours poindre une émotion véritable qui serre le cœur. Quant à la secrétaire Marlène, pin-up de sous-préfecture au cœur d’artichaut, la protéiforme Elodie Frenck casse vraiment la baraque dans cet exercice de style. Du grand art. Un seul regret, l’absence de Natacha Lindinger. On se demande ce qu’attend le cinéma français pour la faire tourner plus souvent. Certainement la meilleure actrice de sa génération.
Les petits meurtres d’Agatha Christie – Meurtre… par bande-annonce-film
Sur France 2 également, depuis le vendredi 6 janvier, la saison 4 de « Chérif » reprend du service. Là aussi, le duo-vedette composé d’Abdelhafid Metalsi et de Carole Bianic fait des merveilles à la Crim’ de Lyon. Souple et puissant, le capitaine Cherif vient se fracasser sur le granit tendre du capitaine Briard. Ils sont d’un naturel désarmant. Mention spéciale à François Bureloup et Vincent Primault, toujours d’une parfaite justesse de ton.
CHERIF [Ep 5 et 6] – Bande Annonce par CherifFr2
Parmi les retours à l’antenne, la saison 5 de « Caïn » devrait arriver dans les prochaines semaines. Bruno Debrandt, le flic paraplégique le plus intrusif de France et Julie Delarme, sa complice de charme aux failles abyssales font des miracles d’interprétation sous la lumière de Marseille.
SÉRIE : Caïn sur TV5MONDELatina par TV5Monde
Sur France 3, la série franco-britannique « The Collection » démarrée avant Noël se poursuit jusqu’à la mi-janvier. Elle raconte la vie d’une maison de haute-couture dans le Paris de l’après-guerre entre soif d’argent et « Occupation » mal digérée. La présence de la trop rare Irène Jacob mérite un visionnage attentif. En France, on manque finalement de tout sauf d’excellents acteurs. Les candidats à la future Présidentielle devraient en prendre de la graine.
The Collection – La nouvelle série France 3 par france3
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