Un reportage au sujet de Jérusalem effectué par Bernard de la Villardière a provoqué des réactions d’indignations de la part des dirigeants communautaires juifs, invoquant un antisionisme provocateur portant les germes de l’antisémitisme.
J’ai regardé ce reportage. Le journaliste analyse une situation actuelle et ne revient pas sur l’Histoire. Il aurait pu rappeler les pogroms de Hébron ou Jérusalem dans les années 20. Il aurait pu pointer le fait que les Juifs furent chassés et spoliés de la vieille ville de Jérusalem en 1948. Il aurait pu évoquer les centaines de milliers de juifs qui durent quitter les pays arabes à la suite de la création de l’Etat d’Israël. L’Irak, le Liban, la Syrie, l’Egypte, etc, et jusqu’en 1967 la Cisjordanie et Jérusalem Est étaient effectivement vides de Juifs. Le peu de Juifs restant se comptent aujourd’hui par quelques centaines répartis au Maroc principalement et en Tunisie.
Le reportage ne m’a pas choqué
Pourquoi les Juifs furent-ils chassés avant 1967 par les Arabes des pays où ils vivaient pour beaucoup depuis des centaines voire des milliers d’années ? La raison est : Israël, dont la seule existence a donné naissance à une idéologie hystérique mettant en cause le vivre-ensemble entre Juifs et Arabes dans les pays arabes, là où les Juifs n’étaient qu’une petite minorité !
Et pourtant, le reportage ne m’a pas choqué, car l’approche était de saisir et rapporter une situation actuelle et réelle. Quand les Israéliens ont conquis Jérusalem Est et la Cisjordanie en 1967, ces territoires comptaient 650.000 habitants dont aucun Juif. Quarante-neuf ans plus tard, la population est d’environ 3.000.000 dont 580.000 juifs qui habitent ce que les instances internationales appellent les « Territoires occupés ». Les localités juives sont nommées des colonies et leurs habitants des colons. Les populations arabe et juive se sont considérablement développées et connaisse un taux de natalité très élevé. Les gouvernements israéliens successifs depuis 1967 ont favorisé les implantations juives, et leurs habitants sont devenus très majoritairement religieux, voyant dans leur présence la réalisation d’une promesse divine.
Un conflit plus que séculaire
Le reportage met en exergue le conflit entre, d’une part des Arabes qui vivaient dans cette région, et d’autre part, ces habitants juifs qui, au nom de Dieu, sont convaincus d’être chez eux.
« La colonisation et l’occupation militaire » sont ainsi appréhendés par 2,5 millions d’habitants, certes endoctrinés dès l’enfance à la haine et la peur des Juifs et d’Israël, mais leur réalité au quotidien n’en est pas moins déplorable : Une vie sous le joug de soldats armés, de routes édifiées pour les seules populations juives, de check point, et du mur de séparation qui leur procure le sentiment d’être en prison. Leurs frustrations et humiliations sont bien réelles et destructrices. Elles sont exacerbées par une partie des habitants juifs fanatiques et arrogants qui, au mieux ignorent les Êtres Humains qui vivent là, au pire les considèrent comme des étrangers dans leurs propres maisons. Est-ce là l’esprit du judaïsme? Notre patriarche commun Abraham enterré justement à Hébron au cœur de ces territoires n’est-il pas un symbole de bonté et de bienveillance ? Lui n’édifiait pas des murs, sa tente était ouverte, son hospitalité légendaire.
Sauf à être totalement possédé, il est difficile de justifier le fait d’acheter une maison en plein quartier arabe de Silwan, là où il n’y a aucun Juif, mettre au balcon des drapeaux israéliens signifiant aux Arabes vivant là : « Votre quartier est à nous ! ». Puis demander aux forces de l’armée israélienne de protéger la maison, au prix de barrières, caméras et checkpoints, déstabilisant la vie des habitants du quartier. Est-ce la parole divine qui autorise à pourrir la vie des gens avec l’espoir avoué et même revendiqué de les soumettre ou de les faire partir?
Bien avant la création de l’Etat d’Israël, avant le premier congrès sioniste de 1897, un penseur juif proche du mouvement sioniste, Ahad Ha’Am fit un voyage en Palestine ottomane en 1891. A son retour, il écrivit un article qui s’intitulait « Vérité sur la Palestine » dont les mots raisonnent comme un cri prophétique : « …les Arabes, comme tous les sémites, possèdent une vive intelligence et une grande astuce. Ils ne se laissent pas tromper par nos activités dans le pays et ils ont compris nos intentions, mais ils gardent le silence, car pour le moment ils n’y voient aucun danger pour leur avenir. Mais lorsque la vie de notre peuple en Palestine se développera au point que le peuple indigène s’en sente menacé, il ne cèdera pas si facilement. Avec quelle prudence devons-nous traiter avec un peuple étranger au sein duquel nous voulons nous installer ! Combien est-il important que nous fassions preuve de bienveillance et d’estime à son égard ! …. Si l’Arabe considère jamais l’action de ses rivaux comme une oppression ou une spoliation des ses droits, alors, même s’il est silencieux et qu’il attend son heure, la rage restera vivante dans son cœur. »
Le double discours de Netanyahou
Le 23 décembre à l’ONU, le monde unanime a demandé aux Israéliens de stopper la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Cette résolution qui a provoqué des réactions délirantes du côté du gouvernement israélien, est l’aboutissement logique d’une politique désastreuse menée par Netanyahou et fondée sur un double discours. Comme l’a expliqué l’ambassadrice américaine : On ne peut prétendre à la fois vouloir la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël et d’un autre ne cesser de construire dans les territoires destinés à ce futur Etat. Le vote du conseil de sécurité de l’ONU est d’une logique redoutable et le veto américain fait écho à l’esbroufe de Netanyahou. Ce personnage pensait pouvoir flouer ses ennemis comme ses alliés ad vitam æternam. Sa réaction colérique démontre l’échec total de sa politique du statu quo. Son manque de droiture et de franchise l’ont amené dans une impasse d’où il invective ses détracteurs comme antisémite si ils sont Goy, et traitres si ils sont Juifs. Israël est totalement isolé sur la scène internationale. Et dans sa propre majorité, en ce pire moment, de nombreux ministres réclament l’annexion de la zone C représentant la majorité de la Cisjordanie.
Et pourtant la paix ne dépend pas des constructions en Cisjordanie. Les territoires contre la paix, c’est le credo ânonné par les nations qui ne comprennent rien à cette guerre qui démarra il y a cent ans lorsqu’il n’y avait ni Etat d’Israël, ni territoires. « La colonisation » (interdite par l’ONU) est ce superbe argument fabriqué par les occidentaux traumatisés par leur passé colonial, pour délégitimer le droit des Juifs à restaurer leur nation.
Cet argument de la colonisation est destiné aux sociétés occidentales laïques ou athées, mais en aucun cas aux croyants Juifs, Chrétiens ou Musulmans qui savent que la terre est à Dieu et que cette terre en particulier porte les stigmates de l’exégèse juive. Si on considère que les Juifs colonisent Jérusalem, la Judée et la Samarie, ils n’avaient aucun droit de s’installer à Tel-Aviv ou Haïfa. Il s’ensuit au terme de ce raisonnement qu’il faut démanteler l’Etat d’Israël, Etat colonial, Etat illégitime, et en interdire l’accès aux Juifs. Si les Juifs sont des colons à Jérusalem, ils le sont à Tel-Aviv.
Selon un sondage mené par le Washington Institute for Near East Policy le 24 juin 2014, la majorité des Palestiniens de Cisjordanie et Gaza sont opposés à la solution à deux Etats et revendiquent la totalité de la Palestine historique, signifiant ainsi la destruction de l’Etat d’Israël. Selon l’enquête, 55,4% des Palestiniens de Cisjordanie et 68,4% de leurs voisins gazaouis considèrent que « récupérer la Palestine historique » devrait être « le principal objectif national palestinien pour les cinq prochaines années », avant la « fin de l’occupation ».
Seuls 30% de Palestiniens favorables à deux Etats
Une large majorité de Palestiniens estime que la « résistance devrait se poursuivre jusqu’à ce que la Palestine historique soit libérée » même en cas de négociations fructueuses avec Israël. 65,2% des sondés (Cisjordanie et Gaza confondues) se disent prêt à faire partie d’un « programme en étapes en vue de libérer la Palestine historique ». Seuls 30,7% pensent que la solution à deux Etats constitue l’objectif final pour les Palestiniens, en cas d’accord avec Israël. Ça laisse songeur !
Les Palestiniens estiment majoritairement que les Juifs n’ont aucun droit sur cette Terre. Si l’ONU jouait son rôle de vecteur de Paix, elle devrait voter une résolution affirmant que les Juifs ne sont pas des colons en Palestine.
Cette seule affirmation permettrait de ramener les Palestiniens à la réalité et d’engager des négociations pour la Paix.
L’État d’Israël doit être fier de ses racines juives qui permettent le vivre ensemble quelle que soit sa croyance. Le chemin parcouru depuis soixante-dix ans par cet état devenu la huitième puissance mondiale est considérable. Les universitaires et chercheurs israéliens collaborent avec leurs homologues des meilleures universités dans le Monde pour le progrès de la planète.
Pour ceux qui pensent à tort qu’il suffit d’évacuer des territoires pour obtenir la Paix, qu’ils sachent que la bande de Gaza a été vidée de ses juifs et rendue aux palestiniens depuis plus de dix ans. Au début il n’y avait ni blocus maritime, ni aérien. Les Palestiniens de Gaza ont reçu des milliards de dollars pour construire les infrastructures d’un Etat. Cette terre, qui est la plus fertile de la région, est aujourd’hui une désolation organisée par le Hamas pour servir leur idéologie mortifère. Les Égyptiens, qui ont eux aussi une frontière avec Gaza, ont construit un mur de sécurité encore plus élevé que celui côté israélien. Ce mur égyptien, personne n’en parle, et pourtant il sépare des Arabes d’autres Arabes que tout devrait rapprocher!
Les Arabes et les Juifs ne peuvent être compartimentés
Monsieur de la Villardière est témoin que les musulmans prient à Jérusalem et contrôlent leurs lieux saints. S’il avait fait le même reportage en mai 1967, il aurait constaté que le mur des lamentations était à l’abandon, utilisé pour faire pisser les ânes, et que toutes les synagogues de la vieille ville étaient en ruine incendiées et pillées.
Avec ses problèmes (quelle ville n’en a pas), Jérusalem est aujourd’hui une ville ouverte et chacune des trois religion gère ses lieux saints.
Dans cette région, les Arabes et les Juifs ne peuvent être compartimentés, et rien ne pourra jamais les séparer. Il faut qu’ils vivent ensemble dans le respect et la dignité. Ce pourrait être au sein du même État avec des régions disposant d’une grande autonomie comme en Allemagne. On peut également imaginer une confédération comme en Suisse. Dans ce Moyen-Orient martyrisé, nous avons besoin de dirigeants courageux et droits, porteurs d’une nouvelle dialectique radicalement différente de ces discours de suspicion et de haine. Il n’existe aucune raison valable d’empêcher un Juif d’habiter Jérusalem ou Hébron, là où l’Histoire juive est inscrite. Il n’existe aucune raison d’empêcher un Arabe de vivre dignement et tranquillement dans un pays qui le représente.
Dans L’Ecclésiaste (Kohelet), le verset 7 du chapitre 3 explique : « il y a un temps pour tout, un temps pour déchirer et un temps pour recoudre, un temps pour être silencieux et un temps pour parler ».
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