« Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid », c’est mon habitude d’aller sur les sept heures du matin au Bar de la Marine, quai de Rive-Neuve. J’entends d’ici les ricanements des imbéciles. « Ah oui, il affiche ainsi ses sympathies pour la patronne du FN… » La Marine — oui-da !
Ne perdons pas patience trop vite, après tout, je suis un pédagogue et mon boulot c’est d’instruire les ignorants. Le Bar de la Marine est installé juste en face du « ferry-boat », à l’emplacement du « Bar de la marine » où Pagnol situe l’action de la trilogie Marius / Fanny / César. Et c’est le premier bar ouvert le matin sur le quai.
J’y bois un café et j’y discute avec les habitués du tout petit matin, marins momentanément à terre, videurs de la boîte (le Trolleybus) sise cinquante mètres plus loin, barman affable, tout un petit peuple de gens réels — ceux que les politiques ignorent, puisqu’on leur sert le café et les croissants à domicile.
Et Jean-Michel V***, avec qui je dépouille la Provence du jour, fournie gracieusement avec le petit noir.
« La Gauche me révulse. Mennucci ! Comment voter Mennucci ! »
La conversation roulait sur la polémique lancée par Marion Maréchal sur le déremboursement de l’IVG.
– Celle-là, me dit-il, elle est blonde même à l’intérieur de sa tête !
– Allons, allons ! Vous avez voté pour elle aux dernières régionales !
– J’ai voté contre les autres ! Et il se trouve qu’elle était tête de liste du FN. J’aurais préféré Philippot…
– Bah, elle a le droit d’avoir des convictions religieuses…
– Tu parles ! Ça ne l’a pas empêchée de divorcer !
– J’ignorais, dis-je. Mais ce que les gens font de leur ventre…
– Justement ! Je me fiche pas mal de savoir ce qu’elle en fait — je ne suis pas du genre à me palucher en pensant à elle. Elle peut au moins admettre que les nanas sont les premières concernées par les processus de mitose interne.
(Ai-je dit qu’il travaille dans l’industrie pharmaceutique — tout en étant dans ses temps de loisir moniteur de plongée, ce qui lui permet d’avoir une connaissance extensive de toutes les épaves de la rade de Marseille et des poissons qui fréquentent les calanques et les îles ?)
– Ça ! Je suis un peu plus vieux que vous, j’ai un souvenir très net du procès de Bobigny, qui a marqué la fin, pratiquement, des poursuites engagées contre les avortées et les avorteuses… La loi Veil en découle.
– Tout à fait — sans compter le Manifeste des 343 salopes…
– Vous savez pas ? Les féministes actuelles trouvent que ce mot « salope » est péjoratif…
– Putain ! Comprennent rien. Qu’est-ce que vous leur apprenez, en classe ?
– Ben rien, justement. En tout cas, pas le second degré.
– Tout à fait. Je vois ma fille… Ah, à propos : hier, scène du genre « je voudrais le super blouson canadien hyper chaud pour pouvoir sortir en tee-shirt — 700 euros, quand même ! Je lui ai dit qu’elle aurait le modèle en dessous, et qu’elle mettrait un sweat.
– Ils fonctionnent à la sape, dis-je. Société du spectacle.
– C’est pour ça que je suis favorable à l’uniforme, en classe. Un truc décent, joli, pratique. Après tout, dans les lycées hôteliers, ils sont en uniforme dès le matin, et ça n’enquiquine personne. Juste un entraînement à des situations professionnelles.
– Alors, Marion…
– Elle est jeune, me dit cet homme de bien avec indulgence. Elle n’a pas appris les nuances. L’IVG, ce n’est pas négociable — trop de gentilles filles y sont restées, dans le temps, trop de gentilles filles sont encore obligées d’aller se faire avorter en Catalogne…
– De mon temps, c’était en Angleterre…
– Quand on avait les moyens ! Sinon, c’était la table de la cuisine et les aiguilles à tricoter, septicémie et curetage. Mais on ne sait pas ça, quand on a usé ses jolies culottes sur les bancs des boîtes privées de Saint-Cloud.
– Bien critique ce matin ! Vous allez revoter pour eux, pourtant.
– Bien obligé ! La Gauche me révulse. Mennucci ! Comment voter Mennucci ! Et il soutient Peillon ! Tous des rats !
– Il y a Mélenchon…
Lisez la suite de la conversation sur le blog de Jean-Paul Brighelli.
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