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Trump contre les «élites»


Trump contre les «élites»
Des unes de journaux américains, le 9 novembre 2016 à New York © AFP Bryan R. Smith.
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Des unes de journaux américains, le 9 novembre 2016 à New York © AFP Bryan R. Smith.

L’affaire est entendue. La victoire de Donald Trump est écrasante, incontestable et peut-être le pire de tout, pour un démocrate,  c’est une victoire profondément démocratique. Après tout, Hillary Clinton n’a qu’à s’en prendre à elle-même. Plutôt que de constater avec une certaine hauteur de vue qui n’appartient qu’aux grands personnages historiques qu’elle n’était pas la mieux placée pour défendre ses idées et de céder la place, elle s’est obstinée au nom d’un certain amour du pouvoir mêlé à une arrogance qu’elle a  toujours eu du mal à cacher. Et elle a laissé Trump accéder au pouvoir. Trump, c’est-à-dire une manière de créature éminemment post-moderne, spectaculaire comme aurait dit un certain Guy Debord, qui fait croire qu’il a réellement vécu alors qu’il n’a fait que s’éloigner dans une représentation, et la plus cheap qui soit, la téléréalité, bien mal nommée puisqu’elle n’est que la mise en scène d’un vide abyssal, un homme qui est un lointain surgeon des années 80 quand New-York était livré à la spéculation immobilière et que le comble de l’ambition pour les traders que l’on voit rôder dans American Psycho de Brett Easton Ellis était de se faire inviter aux fêtes données par Ivana Trump pendant que les premiers SDF du reaganisme crevaient dans les rues.

Le FN aurait-il félicité Sanders aussi vite?

Mais, encore une fois, Trump a gagné. Certains, dans ces colonnes, s’en réjouissent plus ou moins ouvertement, au nom du peuple, ou plus exactement d’une victoire du peuple contre les élites. On a un peu de mal pour notre part à considérer  que ces petits plaisirs que je pourrais partager sans problème et qui résident dans les mines déconfites ou  catastrophées des marquis des médias, des experts autoproclamés, des instituts de sondages ruineux et incompétents, des universitaires pour qui « ça va de soi » et même des milieux d’affaires du capitalisme libre-échangiste qui expriment leur début de panique sur les sacro-saints marchés, que ces petits plaisirs donc, soient payés au prix exorbitant de la victoire de Donald Trump. C’est un peu cher le ricanement, je trouve.

D’abord, j’aurais pu ricaner le cœur beaucoup plus léger si c’était Sanders qui avait gagné la primaire puis qui aurait défait le candidat républicain. Est-ce qu’en France, Marine Le Pen se serait empressée de féliciter Sanders, qui lui aussi était anti-establishment ? J’ai quelques doutes, mais je dois avoir l’esprit mal tourné…

Ensuite, le discours de la victoire du peuple contre les élites – c’est amusant cette manie de la droite de trouver des qualités au peuple et aux cols bleus des Etats du Nord-Est depuis qu’ils ont eu le bon goût de ne plus avoir de conscience de classe- a quelque chose d’un peu mécanique. On peut légitimement se demander qui sont ces élites. Si c’est pour désigner les catégories nommées plus hauts, on est d’accord.

Tous les populismes ne se valent pas

Mais j’ai l’impression, à lire certaines réactions, que les élites, c’est aussi tout ceux qui ont eu le tort de faire des études, tout ceux qui vivent en ville, tous ceux qui sont gays, mariés et ont adopté, voire toutes les femmes qui ont l’audace de vouloir avorter, divorcer, manger des légumes frais et ne pas forcément apprécier la musique country, tous les Américains qui préfèrent goûter les grands espaces en compagnie de Jim Harrison ou Jack London, écrivains qui savaient que la terre est belle mais qu’elle ment comme une arracheuse de dents. Tous ceux qui pensent que boire du Moonshine de contrebande en écoutant Tammy Winette et en votant Trump ne donne pas une supériorité ontologique sur le prof de littérature d’une highschool marié à une latino dans la banlieue de Miami qui a voté Clinton sans y croire.

Une dernière chose : quand j’étais petit, c’était l’arrivée de la gauche qui paniquait les marchés, pas celle de l’extrême droite. Mais quand j’étais petit, il y avait une gauche. Ça ne veut pas dire pour autant que l’extrême droite, c’est ce qui a remplacé la gauche. Ça, c’est justement ce que voudraient faire croire ceux qui ont tout intérêt, aux USA comme ici, qu’il n’y ait comme alternative à la mondialisation brutale que la brutalité de Trump…



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