Éric Zemmour, si l’on en croit le déferlement médiatique, se serait donc converti à l’islam radical. La clameur des professionnels de l’indignation unilatérale n’hésitant pas à instrumentaliser des familles de victimes, réclame à grands cris des poursuites pénales pour « apologie du terrorisme » à l’encontre du polémiste accusé de promouvoir le djihadisme islamiste.
Mesure-t-on l’absolu ridicule de cette accusation ?
D’abord, mesure-t-on l’absolu ridicule de cette accusation ? Ensuite, cette façon d’hystériser le débat, et d’en appeler immédiatement à l’intervention du juge pénal en dit long sur ce goût très français de la punition dès lors qu’il s’agit de l’expression d’opinions avec lesquelles on n’est pas d’accord. Dans notre pays, on adore invoquer la liberté d’expression « valeur intangible » de la République, mais dans les faits on la déteste puisqu’on l’a encadrée dans pas moins de 400 textes visant à la limiter ou à l’interdire. Il ne serait pas difficile de pulvériser nombre d’inepties proférées, à mon sens par, l’essayiste, mais par paresse et pour faire taire l’adversaire, on va demander au juge de punir quelqu’un pour ses opinions mais aussi lui faire payer aussi son succès dû à l’écho qu’elles reçoivent. Lors de son interview à Causeur, Éric Zemmour a été interpellé sur ses positions avec lesquelles la rédaction exprimait fermement ses désaccords. On trouvera ici les éléments concrets qui permettent de comprendre ce qu’il a voulu dire et l’inanité de l’accusation formée contre lui.
Il n’est pas vraiment compliqué de comprendre ce qu’il a voulu dire : nous sommes en guerre avec l’islam en général et l’islamisme en particulier. Nous devrions mener le combat et le faire en tenant compte du fait que nous avons des ennemis qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. Et Éric Zemmour d’ajouter qu’il respecte ceux capables de mourir pour leurs idées et que nous ferions bien d’en prendre de la graine. Du Zemmour dans le texte, c’est-à-dire une bêtise du même acabit que celle qui a consisté à dire que Pétain avait protégé les juifs français. Mais l’expression de cette opinion n’est pas l’apologie du terrorisme islamiste, cette présentation est d’une mauvaise foi confondante. Relever que pendant la deuxième guerre mondiale les SS étaient des combattants, certes fanatiques, mais également courageux n’est pas faire l’apologie du nazisme. Considérer, comme je le fais en désaccord avec beaucoup, que les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki étaient nécessaires pour hâter la fin de la guerre et éviter le bain de sang qu’aurait entraîné l’invasion terrestre du Japon ne fait pas de moi un apologiste de crime contre l’humanité, comme le serait l’utilisation de l’arme nucléaire aujourd’hui.
Que dit la loi ?
Que dit la loi récente concernant l’« apologie du terrorisme » ? «Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. » On voit très bien quelle est la cible de ce texte, les prédicateurs musulmans qui appellent au djihad ou qui se félicitent de celui-ci. On avait eu droit après les attentats de Charlie à des débordements judiciaires assez ridicules, mais depuis le calme est revenu, et le moins que l’on puisse dire est les imams radicaux et leurs soutiens sont relativement tranquilles. Mais il y a eu récemment une condamnation qui donne du grain à moudre à la meute qui rêve de bûcher pour ses opposants. Jean-Marc Rouillan responsable de deux assassinats terroristes du groupe Action directe dans les années 70, sera condamné à la prison à perpétuité dont il sortira au bout de 24 ans dont 7 ans et demi à l’isolement total. Ayant conservé ses idées (pour ne pas devenir fou ?), il sera interrogé par l’Express à propos des attentats du 13 novembre. Il relèvera : « le courage avec lequel se sont battus les terroristes du 13 novembre, dans les rues de Paris en sachant qu’il y avait près de 3 000 flics autour d’eux…on peut dire plein de choses sur eux — qu’on est absolument contre les idées réactionnaires, que c’était idiot de faire ça, mais pas que ce sont des gamins lâches ». C’est une opinion, et qui mérite discussion, mais en aucun cas une « apologie du terrorisme » au sens de la loi, même si en cherchant bien, on peut y trouver une vague empathie pour ceux qui combattent les armes à la main. Ce qui n’a pas empêché la levée de boucliers et une condamnation à huit mois de prison ferme de l’ex-terroriste.
Cette nouvelle défaite de la liberté d’expression produit de façon prévisible ses effets indirects. Elle est aujourd’hui brandie avec gourmandise par tous ceux adeptes de la poussière sous le tapis, furieux des succès d’Éric Zemmour qui ne veulent surtout pas travailler à réfuter ses idées. D’abord l’insulter, ensuite le criminaliser, la pire des méthodes, d’abord au plan des principes et des libertés publiques, ensuite au plan de l’efficacité. Chacun sait bien qu’en faire une victime, surtout à l’aide d’une accusation imbécile va bien sûr lui donner l’auréole du martyr. Et alors même que le débat est important, qu’il ne faut pas sous-estimer l’ennemi, et qu’il est sommaire et surtout faux de prendre les djihadistes pour des abrutis assoiffés de sang. Hier a tourné dans la presse le résultat d’une étude sur les djihadistes ayant fait allégeance à Daesh. Conclusion : « Le niveau d’éducation moyen des recrues de l’État islamique est plus élevé qu’attendu. ». Sans blague ! Le plus drôle dans cette phrase est le mot « attendu ». Attendu par qui ? Pas par Éric Zemmour en tout cas.
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