Les nombreux et divers défenseurs du burkini se félicitent. La plage est à tout le monde. Se baigner en tenue islamique est une liberté fondamentale, c’est le Conseil d’Etat qui le dit. Les mauvaises langues répliqueront que, justement, ce n’est guère encourageant quand on se rappelle que la déraison des « Sages », qui affirmaient en 1992 qu’il était urgent de ne rien faire s’agissant du voile islamique à l’école, nous a fait perdre dix ans dans la lutte contre l’islam radical et sécessionniste dont tout le monde, à l’exception de quelques gauchistes maintenus et des journalistes de France Inter, pense désormais qu’il menace le pacte républicain – en dehors du fait qu’il offre au terrorisme djihadiste un terreau de sympathisants.
Rien de surprenant, donc : pour le Conseil d’Etat, chacun fait ce qui lui plaît et les vaches de tous seront bien gardées. La haute juridiction administrative défend une conception de la liberté individuelle et de ses possibles restrictions partagée, non seulement par des tas de grands esprits et 95 % des journalistes à l’intérieur de nos frontières, mais aussi, nous l’a-t-on assez seriné comme s’il s’agissait d’un argument définitif, à l’extérieur, notamment aux Etats-Unis où toute la presse braille au sujet de la folie liberticide française. Après tout, cette vision libérale au sens le plus profond de ce terme, a aussi ses lettres de noblesse – rappelées par Alain Finkielkraut qui examine les deux conceptions dans l’Identité malheureuse. Du reste, l’argument du Conseil d’Etat ne saurait être évacué d’un trait de plume : s’il peut s’avérer nécessaire de restreindre une liberté fondamentale, cela ne doit pas être à la légère. Rappelons cependant que des gens qui s’étranglent de rage parce que l’on envisage de règlementer une tenue vestimentaire trouvent parfaitement légitime qu’on légifère sur nos comportements sexuels. Allez comprendre.
Pas touche, même avec les yeux !
On peut évidemment retourner l’argument et se demander s’il est cohérent de défendre l’interdiction du burkini quand on a milité contre celle de la prostitution. Désolée, ma sexualité ne concerne que moi et les autres adultes consentants avec lesquels je m’y adonne, alors que ma tenue vestimentaire est un message adressé à mes semblables. Or, quoi que prétendent les perroquets du progressisme, celui qu’adresse le burkini est un message de défiance à l’égard de la France et de ses mœurs. Se rendre en burkini sur la plage, c’est une drôle de façon de vivre-ensemble, qui commence par dire : pas touche, même avec les yeux !
Pour autant, l’interdiction ne devrait être qu’un recours ultime destiné à montrer que nous ne cédons pas quand on nous teste. Or, l’apparition récente de cette nouvelle lubie vestimentaire suggère qu’il ne s’agit pas tant d’une nécessité dictée par la foi que d’un bras d’honneur métaphorique à notre mode de vie et à la mixité des sexes qui en constitue le cœur nucléaire. Curieuse façon de contribuer à l’unité nationale que d’afficher un signe d’hostilité à la culture nationale.
Au FN et chez LR, on réclame désormais une loi — à laquelle Manuel Valls aura du mal à s’opposer. Le risque qu’un tel débat législatif tourne à la foire d’empoigne pour favoriser, in fine, le lamento victimaire des prétendues autorités musulmanes, n’est certes pas négligeable. Mais après tout, on ne va pas bouder la possibilité d’un débat.
Cependant, plus que la peur de la loi, c’est la volonté de contribuer pleinement au pacte républicain qui devrait pousser les musulmans de France à entendre l’humeur du pays. On aimerait, oui, que les musulmanes renoncent spontanément à un habit qui effraie leurs concitoyens et leur rappelle ceux qui leur ont déclaré la guerre. Par souci de la susceptibilité majoritaire, autrement dit au nom d’une certaine courtoisie républicaine. Faute de quoi, ils gagneront peut-être la bataille du droit, ils perdront la plus importante : celle des cœurs et des esprits. Que diable, la France vaut bien un maillot de bain !
Burkini, par magazinecauseur
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