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Torture: le retour de Sisyphe


Torture: le retour de Sisyphe
(Photo : SIPA.51016897_000001)
(Photo : SIPA.51016897_000001)

Le 12 juin 1957, Henri Alleg, militant communiste et directeur du journal Alger républicain, favorable à l’indépendance, était arrêté par les parachutistes de la 10e DP. Il fut séquestré et torturé à El-Biar pendant un mois. Il publia un texte vite censuré sur cette expérience, intitulé La Question, devenu aujourd’hui un classique. Henri Alleg, que l’on a pu voir longtemps au Village du livre à la Fête de l’Huma, est mort en juillet 2013. Il n’a donc pas pu prendre connaissance de l’étude récemment publiée dans laquelle 36 % des Français estiment que « dans certains cas exceptionnels, on peut accepter le recours à des actes de torture ». Le taux était de 25 % en 2000, lorsque Amnesty International avait commandé une étude aux questions similaires. On ne peut faire parler les morts, mais celui qui avait été soutenu par le très raisonnable François Mauriac dans sa dénonciation de la torture en Algérie nous a laissé un récit factuel, parfois insoutenable, de ce qu’il avait subi : « Je ne crois pas qu’il se soit trouvé un seul prisonnier qui n’ait comme moi pleuré de haine et d’humiliation en entendant pour la première fois le cri des suppliciés. »[access capability= »lire_inedits »]

C’était il y a près de soixante ans et La Question avait permis de croire que la condamnation de la torture était une affaire réglée en France, comme celle de la peine de mort. Plus jamais ça, n’est-ce pas ? Il suffit pourtant à nouveau d’un contexte international tendu et de menaces terroristes pour que l’opinion glisse vers les bonnes vieilles solutions. Notamment, si l’on évoque « le scénario de la bombe à retardement » : pour l’empêcher d’exploser, 54 % des Français sont prêts à l’utilisation de l’électricité, la fameuse « gégène » utilisée jadis sur Alleg. Peu importe qu’une commission sénatoriale américaine, à partir d’un rapport de la CIA, conclue à l’inefficacité de la torture, même dans ce cas d’espèce.

Alors, qu’est-ce à dire, quand dans ce même sondage 18 % affirment se sentir capables eux-mêmes de torturer ? Sans doute peut-on hélas penser comme Sartre dans sa postface à La Question que « la torture est une vaine furie, née de la peur : on veut arracher d’un gosier, au milieu des cris et des vomissements de sang, le secret de tous. Inutile violence : que la victime parle ou meure sous les coups, l’innombrable secret est ailleurs, toujours ailleurs, hors de portée, le bourreau se change en Sisyphe : s’il applique la question, il lui faudra recommencer toujours ».[/access]

La question

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Été 2016 - #37

Article extrait du Magazine Causeur



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