Je ne sais pas si mes amis catholiques sont d’humeur, ce matin, à tendre la joue gauche. Mais il est bien possible que beaucoup soient plus belliqueux que ce que recommande leur Dieu, à l’unisson du pays entier. Un prêtre égorgé dans son église, ce crime effroyable hantera longtemps notre mémoire collective. On a vu à cette occasion apparaître dans les commentaires l’appellation « communauté catholique ». Non, les cathos ne sont pas une communauté parmi d’autres, les cathos c’est un peu plus la France que les autres et quand tu t’attaques à mes églises, tu t’attaques à moi. Passons, ce n’est peut-être pas le moment de faire des chichis sémantiques.
Bien sûr, dès le meurtre connu, des hommes de Dieu se sont succédé sur les plateaux pour condamner l’acte odieux, appeler à l’union et à la tolérance et dénoncer par avance les amalgames. Comme toujours en pareil cas, sur France Inter et dans quelques autres médias, on a espéré le plus longtemps possible que les tueurs appartiendraient à la catégorie « forcené laïque ». Et comme toujours, on a entendu une fois les faits connus et le caractère islamiste incontestable un défilé de témoins essentiellement musulmans, dire que tout cela n’avait rien à voir avec l’islam.
Il est vrai qu’on sent monter dans le pays des humeurs mauvaises dont nul ne peut garantir qu’elles ne se retourneront pas contre un musulman ou contre un Arabe du coin de la rue. Et il faudrait être inconscient pour ne pas s’en inquiéter. Pour l’instant, en dépit des prières muettes mais assourdissantes de ceux qui rêvent qu’un nouveau Breivik viendra rappeler aux populations que le problème de la France, c’est les fachos, les réacs, l’extrême droite, appelez ça comme vous voulez, on n’a relevé aucun dérapage significatif. Mais le pays veut en découdre avec l’islam radical. Et ce n’est pas avec des paroles apaisantes et des appels à faire bloc qu’on va le calmer. Voilà plus d’un an qu’on lui dit qu’il est en guerre. Il veut savoir contre qui il la fait et comment.
Dénégationnisme médiatique
On a raison de le répéter, notre ennemi n’est pas l’islam, tous les musulmans sincèrement horrifiés pour leur pays en témoignent. Mais c’est bien à l’intérieur de l’islam, de l’islam de France (et des autres pays d’Europe), que cet ennemi se développe, se cache, s’abrite. Ce n’est pas en taisant cette vérité qu’on protègera les musulmans français du risque d’amalgame qui pèse sur eux, c’est en l’affrontant sans avoir peur d’être traité de ceci ou cela. Les Français ne sont pas en colère à cause des ratés de la sécurité, ils sont en colère parce qu’on leur raconte des bobards. C’est le déni outrancier pratiqué par certains médias au prétexte de ne pas jeter de l’huile sur le feu qui encourage tous les fantasmes. Après Nice, on nous a rebattu les oreilles avec les frasques du terroriste : il buvait de l’alcool, il mangeait du porc et il draguait les filles, et même les garçons, il ne pouvait pas être musulman ce gars-là. Pour un peu, nous avions vécu un drame de l’alcoolisme et de la sexualité débridée. Ce dénégationnisme médiatique n’apaise pas au contraire, il rend les gens dingues.
Bien sûr, nombre de victimes étaient musulmanes et ils sont des millions, qui font la fête le 14 juillet, ou d’ailleurs ne la font pas, à appartenir sans restriction à la communauté nationale. Mais d’autres, concitoyens ou pas, sont nos ennemis. Il doit être permis de le dire. Comme il doit être permis de dire que les musulmans de France doivent maintenant faire leur part du boulot et aider l’Etat français à faire le ménage, par exemple en expulsant d’autorité tous les « forcenés » étrangers qui viennent prêcher la haine de l’Occident dans nos mosquées. Encore faudrait-il que l’Etat soit à la manœuvre pour aller débusquer les djihadistes jusque dans les chiottes comme disait l’autre. De ce point de vue, la conclusion d’un accord avec le Maroc pour la formation de nos imams n’est guère encourageante.
Quant aux moyens, quand « tout le monde est une cible et n’importe quoi une arme », comme me le souffle Gil Mihaely, si on ne veut pas que chacun se prenne pour un justicier, tout le monde est à peu près d’accord : il faut passer à la vitesse supérieure. Sur la façon de faire, tout le monde a sa petite idée. Et bien sûr, le président aussi. « Nous devons mener cette guerre par tous les moyens dans le respect du droit », a-t-il dit. Faudrait savoir : par tous les moyens ou dans le respect du droit ? Et de quel droit ? De celui qui permet à juge d’instruction certainement très soucieux des libertés de coller un bracelet électronique à un type qui a tenté d’aller faire le djihad en Syrie de sorte qu’il a pu commettre son crime sans enfreindre son contrôle judiciaire ? Du droit qui permet à un étranger condamné pour avoir tabassé un automobiliste de rester dans notre pays après avoir purgé sa micro-peine ? Je ne devrais pas évoquer le sujet, car je viens d’entendre que Marine Le Pen demandait le rétablissement de la « double peine » — appellation qui n’est guère aimable pour les pays d’origine — mais je n’ai jamais compris, même quand j’étais de gauche, pourquoi un pays devrait s’embarrasser à garder sur son sol des délinquants étrangers. En tout cas, le débat houleux sur les droits des terroristes condamnés à ne pas être déchus de leur nationalité qui a inauguré l’année paraît aujourd’hui surréaliste. Si nous voulons préserver nos libertés, il va peut-être falloir envisager de prendre quelques libertés avec le droit.
Il y a quelques jours, Le Monde évoquait, pour le démentir mais tout de même, le risque de guerre civile. Et chacun répète à l’envi que « c’est ce que veulent les terroristes ». Mais il ne sert pas à grand-chose de nous dire « restez unis les enfants ». Si on veut conjurer le spectre de la guerre civile, le seul moyen est de livrer et de gagner la guerre de l’intérieur.
Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !