En elle-même, l’admission de l’Etat de Palestine comme membre à part entière de l’UNESCO n’est pas la nouvelle du siècle : elle ne changera pas grand chose sur le terrain, sinon que le site de Bethléem devait bientôt se voir inscrit au « Patrimoine mondial de l’humanité ». C’est bon pour le moral, mais cela ne devrait pas avoir d’influence sur les incessantes bisbilles entre obédiences chrétiennes qui se disputent la prééminence sur la fameuse grotte qui aurait vu naître Jésus de Nazareth, le jour où commença l’ère commune[1. Et pas l’inverse, rien que pour contredire la patronne !].
Cette victoire symbolique de la cause palestinienne dans les enceintes internationales ne préjuge absolument rien du sort qui sera réservé à la demande de Mahmoud Abbas d’admission à l’ONU d’un Etat de Palestine sans qu’il n’y ait d’accord de paix conclu avec Israël. Le vote de l’Unesco était joué d’avance : il n’existe pas dans cette institution « technique » de l’ONU de système semblable à celui du Conseil de sécurité face à l’Assemblée générale. Il suffit donc d’une majorité des deux tiers des Etats membres pour qu’une décision de ce genre soit adoptée. Etant donné l’état du rapport de force entre Israël et les Etats Unis d’un côté et le regroupement des pays islamiques, de leurs alliés sud-américains, asiatiques et russe, l’Assemblée générale de l’UNESCO pourrait voter sans problème une résolution qui dirait que la Terre est plate, et que c’est Israël qui l’a aplatie.
Ce vote a néanmoins de l’importance comme signal d’une évolution majeure de la politique étrangère française vis-à-vis de la question du Proche-orient. Contrairement a ce qu’avait laissé entendre le ministre des affaires étrangères Alain Juppé il y a quelques semaines en déclarant la candidature palestinienne à l’Unesco « inopportune », la France a finalement voté en faveur de cette admission.
Cela signifie simplement qu’Alain Juppé, soutenu par une grande partie de son administration du Quai d’Orsay a fini par faire craquer la cellule diplomatique de l’Elysée, qui a de moins en moins de prise sur la conduite de la politique étrangère de la France. Nicolas Sarkozy ayant décidé de ne plus s’engager sur un dossier où il n’y a que des coups à prendre et peu de lauriers à glaner (voir Obama), le gaullo-chiraquien Alain Juppé a libre cours pour en faire à sa tête. Et cette tête enferme deux certitudes d’airain : la détestation d’Israël modèle discours de De Gaulle de novembre 1967 (« peuple d’élite, sûr de lui et dominateur… ») et une méfiance maladive de l’hégémonie américaine. Il s’est, par ailleurs mis en tête de dégommer, avec ses petits bras, Benyamin Netanyahou en clamant sur tous les toits qu’il avait récemment reçu à Paris avec une particulière aménité sa principale opposante Tzipi Livni. Il a, en l’occurrence, choisi un bien mauvais cheval dont la cote politique en Israël est en chute libre…
Ce vote est-il un prélude au retournement de la France lors du scrutin au Conseil de sécurité sur la demande palestinienne, fixé au 11 novembre prochain ? Ce n’est pas certain, car Paris pourra faire valoir l’argument que quelques autres pays, l’Allemagne, le Japon ou la Suisse avaient été reçus au sein de l’UNESCO des années avant leur admission au sein de l’Assemblée générale de l’ONU…
Mais ce vote fait maintenant de la France le chef de file du lobby pro-palestinien au sein de l’UE, rôle jusque là occupé par l’Espagne de Zapatero. La probable défaite des socialistes espagnols aux élections législatives du 20 novembre prochain va ramener au pouvoir un Parti Populaire qui défend une position beaucoup plus équilibrée sur le conflit israélo-palestinien. Il y avait donc une place à prendre par un Alain Juppé qui rêve de profiter de la perte vertigineuse de popularité de Barack Obama dans le monde arabo-musulman pour ressusciter une « politique arabe de la France » à l’ancienne.
Au cours des dernière semaines, Catherine Ashton, Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, s’est démenée comme une diablesse pour que les 27 votent d’un seul bloc à l’UNESCO en s’abstenant sur la demande présentée, au nom de l’Autorité palestinienne, par son représentant Elias Sanbar, bien connu à Saint-Germain-des-Prés. Sans succès, car les « non » allemand, hollandais et tchèque étaient irrévocables, tout comme le « oui » hispanique et des pays nordiques qui ont depuis longtemps Israël dans le nez.
Comme d’habitude en France, il n’y aura eu aucun débat public sur ce changement brutal d’orientation. Il n’était que d’écouter les ondes nationales, en particulier France Culture sur cet événement pour constater que, pour une fois, ils mettaient une sourdine à leur viscéral antisarkozysme pour pratiquer leur sport favori : l’Israël bashing et le gobage à répétition du narratif palestinien sur les vilénies prétendument commises par les Juifs dans la Ville Sainte.
Nous voici hélas revenus à la case départ, celle qui exclut la France de toute influence sur la résolution du conflit.
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