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Octobre noir pour Kadhafi


Le pouvoir de Kadhafi reposait sur une alliance tribale entre l’Ouest de la Libye, la Tripolitaine, et l’Est, la Cyrénaïque. C’est cette alliance, savamment orchestrée par le jeune officier, qui lui a permis de s’emparer du pouvoir en septembre 1969, et c’est la rupture de cette alliance que le vieux dictateur ridicule a payé au prix fort – sa vie. Mais en réalité, son pouvoir avait commencé à se lézarder en octobre 1993, lorsque les clans de l’est avaient organisé et raté un coup d’Etat. D’un octobre l’autre, en 2011, c’est une rébellion partie de l’est qui aura mis fin à l’aventure commencée il y 42 ans.

En réalité, tous les éléments du dernier acte étaient déjà en place à l’automne 1993, quand la tribu Warfala, la plus puissante de la Cyrénaïque et la clé de voute du régime, a basculé. Cette tribu avait soutenu la monarchie d’Idriss Ier, qui a régné sur le pays à partir de 1951. En 1969, le groupe d’officiers nassériens qui prend le pouvoir s’appuie donc sur les Meghara, qui dominent la province occidentale du pays, la Tripolitaine. Mais le capitaine Kadhafi, chef de ces jeunes Turcs, comprend rapidement qu’il faut rallier les Warfala et réconcilier les deux provinces pour en finir durablement avec la monarchie. À cette fin, celui qui vient de chasser le Roi n’hésite pas à utiliser la méthode diplomatique royale par excellence: le mariage. Aussi, en 1970, épouse-t-il en deuxièmes noces Safia Kadhafi, née Farkash, qui appartient effectivement à un prestigieux clan de l’Est.

Un quart de siècle plus tard, cette alliance est à bout de souffle, aussi certains clans de la tribu Warfala décident-ils de se débarrasser du « Frère-Guide ». Avec l’aval des chefs tribaux, « leurs » officiers et quelques-unes de « leurs » unités militaires tentent un putsch mais cette fois, Kadhafi est le plus rapide. Suite à cette tentative avortée d’octobre 1993, Kadhafi mène une vaste purge dans l’appareil militaire. Mais s’il peut limoger ses ennemis, il ne peut pas effacer leur rancœur. La Cyrénaïque est matée, pas ralliée. Benghazi devient un foyer permanent de mécontentement. Le cercle vicieux de la répression, de la colère et de la vengeance sape les fondements du régime.
Ce n’est donc pas par hasard si la rébellion, fermement décidée à en finir, s’organise à Benghazi où la colère est nourrie par le sort des victimes de la répression. Quant à Kadhafi, c’est chez les siens, dans sa ville natale qu’il se réfugie et, semble-t-il, qu’il trouve la mort.

On ne le pleurera pas. Reste que le lyrisme droit-de-l’hommiste et l’enthousiasme démocratique manifestés en Occident semblent pour le moins décalés par rapport à la réalité. Le « printemps libyen » s’apparente beaucoup moins à ce que nous appelons « révolution » qu’à la conclusion – provisoire ?- d’une guerre tribale. La joie de Bernard-Henri Lévy pourrait bien, dans les mois qui viennent, se fracasser contre les faits.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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