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Rendez-nous Sacha Distel !


Pourquoi les vedettes actuelles sont-elles aussi laides ? Physiquement, elles se ressemblent toutes. Leur corps et leur visage figés dans une adolescence pathétique rendent leurs gestes robotiques. Ils sont minces, jeunes, interchangeables, faussement rebelles et cupides. Le marché du divertissement impose les mêmes canons de la beauté partout, à la télévision, au cinéma, au théâtre, partout où l’on fait commerce de l’image des Hommes, ce déballage de chair rance tire au cœur.

On le sait depuis longtemps, le système médiatique n’aime pas les têtes qui dépassent, les gueules hallucinées comme le chantait Ferrat à propos de Van Gogh. Il préfère les tailles et les discours réglementaires comme à l’Armée. Les jeunes acteurs ou chanteurs ont compris la leçon. Ils ne leur viendraient pas à l’idée d’exprimer un quelconque avis. En ont-ils d’ailleurs ? Ils auront été d’une incroyable discrétion, par exemple, durant le débat sur les retraites qui a agité la France pendant tout de même quatre bons mois en 2010… Personne ne les a entendus. Les timides. Ils étaient certainement en promotion. Par pudeur, ils ne voulaient pas intervenir dans le débat public, ils ne s’en sentaient pas capables. Et puis, c’est démodé les artistes militants, Montand et Signoret ont fait leur temps.

Pourtant, quand il s’agit de la défense des animaux, de la santé des enfants ou de la déforestation, ils ont davantage de voix, de souffle, de vigueur. L’avenir de notre pays, visiblement, ne les intéresse pas. Il n’en vaut pas la peine, peut-être ? Ce qui agace chez eux, c’est leur perpétuel double discours. Ils se veulent indépendants alors qu’ils ne sont que des marionnettes du show-business. Leurs fils ne sont pas prêts de céder. Leur parole est contractuellement limitée, banalisée, canalisée. On les choisit justement pour leur capacité à obéir.
Ca tombe bien, ils n’ont rien à dire. Ils sont de nature larbine et moutonnière. En fait, on pardonne leurs simulacres. Ils ont juste soif de conquêtes et d’argent faciles. Ce sont des amusements de leur âge bien naturels. Mais jamais, ils ne l’avoueront. Les vilains cachottiers. Ils se feront toujours passer pour des écorchés vifs, des tourmentés, lâchons le gros mot pour des artistes…

Qu’ils soient des pantins asservis ne dérangent en réalité personne, toute peine mérite salaire, et on leur souhaite de gagner grassement leur vie. Mais l’intoxication atteint ses limites quand ils jouent les révoltés. Rassurez-vous leur révolte de carton est emballée dans un politiquement correct déprimant de platitude. Comme leur discours est vide, il le comble par des manières vulgaires. Ils se croient intéressants quand ils déballent leurs petites idées très générales sur le monde. Pour se faire remarquer sur un plateau, ils abusent de notre patience. Ces pitres s’imaginent originaux ! Ils mériteraient de bonnes leçons de maintien.

On en vient à regretter nos stars paisibles et polies des années 60/70. Que n’a-t-on pas dit ou écrit sur les manières exagérées de Salvatore Adamo, le sourire béat d’Hervé Vilard ou les gentilles attentions de C.Jérôme. Jadis, ces premiers de la classe passaient pour des fayots, d’affreux réactionnaires qui n’avaient rien compris à la bonne marche du monde. Ils étaient pourtant parfaitement conscients de leur rôle, de leur limite, tout simplement de leur place dans la société et au final, ils semblaient plus vrais, ils trichaient moins. Bien sûr, la presse à scandale existait déjà, on nous abusait parfois. Mais toutes ces vedettes avaient une qualité : la tête sur les épaules ! Indiscutablement, elles se moquaient moins de leur public. Elles faisaient leurs tours de chant sans nous ennuyer avec des airs d’artistes maudits. Elles mouillaient le costard sur scène. Transparaissait même une certaine authenticité dans leurs chansons simples, émouvantes et écrites en français, une mode aujourd’hui abandonnée. Sacha Distel fut le plus décrié de cette génération, chanteur à minettes, dents éclatantes, voix de velours, le tombeur de ces dames agaçait, on le trouvait désespérément plat. Les mauvaises langues oubliaient qu’il était un jazzman reconnu et honoré par la profession, un crooner que Dean Martin ou Sinatra respectaient à sa juste valeur, un présentateur délicieux avec son compère Jean-Pierre Cassel, un artiste vrai et complet. Ses failles, il ne nous les jetait pas en pleine face, il les gardait pour lui, elles n’étaient que plus béantes. Le public ne s’y trompait pas.

Alors quand déferle sur notre petit écran cette bande d’attardés mentaux qui s’échine à chanter juste, on regrette amèrement le temps où Sacha faisait swinguer la France avec délicatesse et retenue. L’époque est au déclassement social, politique et culturel. Nous avons décidément les artistes que nous méritons. Pas de bol !



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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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