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La laïcité est un droit. Même au boulot


En France, la laïcité a été une guerre. Elle est encore un combat. Il faut qu’elle devienne un droit. Pour tous, même et surtout pour nos concitoyens issus de l’immigration récente. Partout, même au travail.

Or, si la loi de 2004 a réglé la question des signes religieux à l’école – sans provoquer les affrontements annoncés ni le départ des jeunes filles musulmanes de l’école publique – le droit applicable aux salariés du privé reste flou. Ce lundi, la Cour d’Appel de Versailles examinera le cas d’une employée de la crèche Baby-Loup, à Chanteloup-les-Vignes, licenciée pour avoir refusé d’enlever son voile. En décembre, le Conseil des Prud’hommes de Poissy avait, dans un très bel arrêt, validé ce licenciement à la grande fureur des islamistes locaux. Des mois durant, ceux-ci avaient profité de l’affaire pour mobiliser leurs troupes, pourrissant la vie de cette crèche ouverte 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 afin de permettre aux femmes du quartier de travailler. Sous la présidence de Louis Schweitzer, la HALDE, toujours prête à défendre le différentialisme au nom d’une conception gauchiste et bêtassonne des droits individuels, avait jugé le licenciement discriminatoire, donnant un sérieux coup de main aux barbus qui prétendent faire régner leur loi dans les cités. Depuis, elle est revenue sur cette délibération – du reste, cette maisons de fous a pratiquement été débranchée et il faut espérer qu’on continue à étudier dans les écoles « Mignonne, allons voir si la rose », le poème de Ronsard qu’un rapport commandé par cette « institution indépendante » estimait « discriminatoire envers les séniors ».

Espérons en tout cas que les magistrats professionnels qui statueront sur l’affaire Baby-Loup se rappelleront que, conformément à l’article 1 de la Constitution, « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
C’est aussi le sens de l’avis « Expression religieuse et laïcité dans l’entreprise » publié cette semaine par le Haut-Conseil à l’intégration (HCI) sur la base du rapport établi par Alain Seksig. Depuis quelques années, les contentieux se multiplient, l’affichage, notamment vestimentaire, des identités et appartenances de chacun se prolongeant par des demandes dérogatoires multiples : demande de repas halal à la cantine, d’horaires aménagés pour le Ramadan ou encore de lieux de prière au travail. Inutile en effet de se voiler la face. Selon une étude réalisée par le cabinet « First and 42nd », « la question religieuse est aujourd’hui presque exclusivement posée par les revendications d’employés musulmans ». Et on peut trouver sur des sites islamiques ou islamistes d’avisés conseils permettant aux salariés de faire avancer leurs revendications. Or, selon le HCI, ces exigences peuvent altérer la paix sociale dans l’entreprise, en compliquant les relations entre hommes et femmes mais aussi, parfois, lorsque certains salariés sont pris à partie parce qu’ils ne se conforment pas aux préceptes de leur religion.

En somme, si le patron n’a pas à connaître les croyances de ses employés, il est désormais sommé de s’y adapter. Craignant plus que tout d’être accusées de racisme ou d’islamophobie, les entreprises cèdent souvent. Au prétexte de ne pas stigmatiser, elles peuvent même aboutir à des pratiques aberrantes et discriminatoires comme cette société qui a interdit à ses salariés non-musulmans de prendre leurs congés durant le Ramadan – qui depuis deux ans tombe en août. On voit aussi, notamment dans le bâtiment, des équipes constituées par affinités religieuses. Comme si la seule façon de « vivre ensemble » était de vivre séparés.

Il ne s’agit pas de défendre une conception rigoriste qui interdirait tout « accommodement raisonnable » – pas au sens où l’entendent les Canadiens qui est généralement fort déraisonnable. La laïcité n’empêche pas de mettre un peu d’huile dans les rouages du « vivre-ensemble » (que les lecteurs me pardonnent ce terme énervant et galvaudé, je paye un coca à celui qui me fournira un synonyme adapté). Que l’on permette à un salarié de pratiquer sa religion n’a rien de choquant, tant que cela ne nuit pas à la bonne marche et au climat de l’entreprise et que cela se fait dans la discrétion. Autrement dit, tant que cela n’est pas considéré comme un « droit acquis » mais comme un arrangement entre adultes consentants.

Il reste que si la liberté de croyance est évidemment absolue, la liberté d’exprimer ces croyances est nécessairement limitée par le principe de laïcité qui n’est pas, rappelle le HCI, « une opinion parmi d’autres mais le socle de notre République ». Aussi propose-t-il que le législateur autorise clairement les employeurs à imposer une certaine neutralité à travers le règlement intérieur. Ou alors, il faut décider que la République s’arrête désormais à la porte de l’entreprise.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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