François Hollande va « arriver » pour s’occuper des riches, qu’il n’aime pas. Nul besoin de l’attendre au Ministère de l’éducation nationale où la gauche la plus caricaturale est déjà bien installée, comme en témoignent les programmes d’histoire du collège et la directive récente sur l’enseignement des sciences de la vie et de la terre (SVT) en première. Bizarre. On croyait que Nicolas Sarkozy avait été élu pour que l’on enseigne à nouveau les bases de l’histoire de France, pour en finir avec la repentance, et, en matière de mœurs, avec le politiquement correct. Or les programmes d’histoire et la directive sur les SVT, concoctés par une Inspection générale et des directions où officient les mêmes personnages depuis trente ans, droite et gauche confondues, imposent une vision archéo-gauchiste, passablement ridicule, qui fait à juste titre tiquer nombre d’électeurs de droite, voire même les quelques enseignants républicains encore attachés à leur métier et à leurs disciplines, qui ne sont pas les moins indignés, comme le montre le site « L’école déboussolée ».
L’histoire d’abord. Les programmes d’histoire datent de 2008 mais vont s’appliquer en quatrième à la rentrée prochaine. Ils sont présentés dans le sabir inimitable de pédagos à la Meirieu, décervelés par des années d’IUFM : « démarches », « capacités », « objectifs », « repères ». Un bref extrait de l’arrêté ministériel pour en apprécier le style :
« à côté de la rubrique définissant les connaissances, la rubrique démarches précise des entrées dans le thème ou des études de cas qui permettent d’éviter l’exhaustivité en se fixant sur des objets précis, afin de faire acquérir aux élèves les connaissances et les capacités qui constituent les objectifs à atteindre. Une rubrique spécifique précise ces capacités. La connaissance et l’utilisation de repères y tiennent une place importante : il ne s’agit pas seulement de connaître des repères mais de leur donner un sens et de savoir les inscrire dans un contexte essentiel à leur compréhension. C’est ainsi que l’on en fera le support d’un véritable apprentissage et non un simple exercice de restitution. Par ailleurs les capacités «raconter » et « décrire » sont de nature à valoriser la qualité de l’expression écrite et orale des élèves.[1. Il faut dire que le Directeur général de l’enseignement scolaire qui a signé cette circulaire, Jean-Louis Nembrini, avait déjà commis en 2006 le très pataphysique et européen « socle commun de connaissances », également jargonnant : « Penser le socle en termes de compétences. Pour le Haut Conseil, il faut mettre l’accent sur la capacité des élèves à mobiliser leurs acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’Ecole et dans la vie : le socle doit donc être pensé en termes de compétences. La notion de compétences figure déjà dans nos instructions officielles, en particulier pour l’enseignement des langues vivantes étrangères et le Brevet informatique et internet. Cette approche, qui se généralise parmi les pays développés, a été adoptée dans le projet de « cadre de référence européen » des huit « compétences-clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie », qui doit être prochainement soumis au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne »] ».
La maîtrise de ce charabia constitue désormais l’essentiel des « capacités » exigées des nouveaux enseignants.
Ce que l’on comprend très bien en revanche à la lecture de ces programmes est qu’il n’y aura plus de chronologie, mais des thèmes au choix à étudier, dans le plus grand désordre. Quasiment plus de Moyen-âge, plus de Clovis, plus de Saint Louis. Plus de Louis XIV, mais un thème très général sur « l’absolutisme ». Louis XV a totalement disparu. Plus de possibilité d’étudier l’affreux Napoléon bien sûr ; mais pas même l’Empire qui devient facultatif et ne peut être traité qu’autour des notions de « guerre » ou de « religions ». Et le Code Napoléon ? Plus d’étude chronologique et approfondie de l’histoire de la Révolution française, comme cela est très clairement précisé, sous le titre « démarches » : « On renonce à un récit continu des événements de la Révolution et de l’Empire ; l’étude se concentre sur un petit nombre d’événements et de grandes figures à l’aide d’images au choix pour mettre en mettre en évidence les ruptures avec l’ordre ancien ». Mais en revanche un « thème » entier et obligatoire portera sur les traites négrières, chapitre dont on peut imaginer avec quelle subtilité il sera traité, quand on sait comment a été accueilli par nos pédagogues le grand livre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau sur le sujet.
En revanche nos élèves de collège seront des grands spécialistes de sujets plutôt pointus, qui n’étaient pour l’instant guère étudiés qu’à l’Université, et encore. Il sera obligatoire d’étudier, sur dix pour cent du temps, en sixième « la Chine des Hans à son apogée », c’est-à-dire sous le règne de l’empereur Wu (140-87 avant J.-C.), ou « l’Inde classique aux IVe et Ve siècles », et, en classe de cinquième « Une civilisation de l’Afrique subsaharienne » parmi les suivantes : « l’empire du Ghana (VIIIe – XIIe siècle), l’empire du Mali (XIIIe- XIVe siècle), l’empire Songhaï (XIIe-XVIe siècle) » et surtout le « Monomotapa (XVe-XVIe siècle) », cher à Voltaire. Vite, rouvrir le Malet-Isaac ou acheter des livres comme celui de Dimitri Casali, qui va faire fortune à la rentrée en proposant un Altermanuel d’histoire de France.
Pour ce qui est des SVT et de la question du « genre », on peut apprécier la modernisation de l’Education nationale : les vieux gagas pédagos ont obtenu le renfort des partisans branchés du gender, sans doute à l’initiative de Richard Descoings, qui a fait de Sciences Po la base avancée des études sur le genre en France. Judith Butler et Luc Chatel même combat. Le thème 3A « Féminin, masculin » de la directive sur les sciences de la vie et de la terre l’explicite clairement sous le titre « Devenir femme ou homme » : « on saisira l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée ». L’identité sexuelle serait entièrement construite et le sexe biologique serait une pure contingence sans aucune conséquence sur le devenir « genré » de l’individu. D’où quelques perles dans les manuels scolaires chargés d’expliciter ces thèses : une jolie illustration est celle du manuel Hatier où l’on voit un adolescent perplexe devant des portes de toilettes homme ou femme. Il faudrait au reste ajouter qu’une telle séparation entre toilettes homme et femme est en elle-même discriminante[2. Autre détail, en général peu noté, dans cette directive, qui marque bien la convergence des constructivistes sociaux du gender et des psychologues comportementalistes qui gravitent dans les sphères ministérielles actuelles, une très jolie définition du plaisir, qu’il conviendra d’enseigner en première S : « Le plaisir repose notamment sur des phénomènes biologiques, en particulier l’activation dans le cerveau des « systèmes de récompense » ( ?)].
Malheureux professeurs de sciences de la vie et de la terre à qui est échu d’enseigner cette théorie qui n’a rien de scientifique, sauf à établir, comme les théoriciens du gender, que la biologie est toute entière « socialement construite ». Il aurait mieux valu sans doute, à tout prendre, repasser le/la bébé/e aux professeurs de philosophie, qui en ont vu d’autres. La protestation des enseignants est tout aussi véhémente que celle des catholiques, comme en témoigne le blog « L’école déboussolée », qui fait référence à la belle « Lettre aux instituteurs » de Jules Ferry, et dont la pétition a déjà recueilli 38.000 signatures.
Pour faire passer cette indigeste potion Luc Chatel n’a rien trouvé de mieux à la rentrée que de proposer de « faire revenir la morale » à l’école, et pour cela initier des « débats philosophiques » sur « le vrai et le faux ». On craint le pire.
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