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Marine prépare la rentrée des classes


Marine Le Pen se repose peu. La dernière sortie de son père sur le drame norvégien ayant gâché sa villégiature en Bretagne, l’héritière s’est remise au travail. Elle poursuit son œuvre d’exhumation et de remise à la mode des thématiques favorites de ceux que l’on nomme « souverainistes » ou « nationaux-républicains ».

Il est vrai que le succès sondagier de « Marine » s’étiole quelque peu ces derniers temps. A-t-elle d’ores et déjà poussé trop loin son travail de dédiabolisation du Front national au point d’en gommer le caractère sulfureux qui fait tout son sel ? Plus simplement, comme le suggérait récemment Pascal Perrineau, s’est-elle lancée trop tôt dans une campagne de longue haleine au risque de lasser par excès d’exposition médiatique ?

Quelle que soit la réponse, Marine Le Pen semble vouloir se renouveler. Après avoir proposé la sortie de l’euro, vilipendé le « mondialisme » comme d’autre réclament la démondialisation, abondamment cité les travaux de Jacques Sapir et s’être approprié ceux d’Emmanuel Todd, la patronne frontiste paraît sur le point récupérer un autre volet phare de la doxa républicaine: les questions d’éducation. Ainsi, Marine Le Pen annonçait le 2 aôut sur son compte Twitter : « je prononcerai en septembre un discours important sur l’école, entourée de professionnels et de professeurs« .

Un grand discours sur l’école, voilà bien la dernière chose à laquelle le FN ancienne formule nous avait habitués. La patronne du Front se prépare-t-elle a faire l’apologie de l’enseignement privé et des écoles confessionnelles pour complaire à la frange « catho-tradi » de son parti ? Abandonnera-t-elle déjà son discours laïc pour affirmer, comme le fit Nicolas Sarkozy au Latran que « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé  » ? Rien n’est moins sûr. En réalité, Marine Le Pen a déjà posé les jalons de sa réflexion sur l’école dans son discours du 1er mai, prononcé comme chaque année aux pieds de la statue de Jeanne d’Arc.

Dans cette harangue inégalement apprécié par le public frontiste, l’oratrice avait glissé un passage sur l’école passé quasi inaperçu dans les médias. Face à une assemblée incrédule, la présidente du Front National s’était payé le luxe de citer Condorcet pour fustiger les théories pédagogistes, non sans lancer une judicieuse OPA sur Natacha Polony : « l’apprentissage de la liberté se fait, vous le savez, dès l’école (…) l’enfant roi, et toutes les théories dramatiques colportées par les pédagogistes issus de 68, ont ruiné l’école, qui ne transmet plus le savoir comme c’est pourtant son rôle premier. (…) Le redressement de l’école passera par un relèvement des exigences (…): relèvement des exigences de niveau, relèvement des exigences de discipline, relèvement des exigences dans la transmission des valeurs » . Voilà une saillie que n’auraient pas reniée les héritiers de Jules Ferry.

Pour nourrir ses réflexions sur l’école, « Marine » affirme vouloir s’entourer de spécialistes. Évidemment, elle ne jettera pas son dévolu sur un Philippe Meirieu, pédagogiste en chef, logiquement déjà préempté par Europe Ecologie-Les Verts. On peut donc gager qu’elle se tournera plus volontiers vers la famille des « old-school », ces chantres de l’exigence, du travail et du mérite que d’aucuns s’appliquent à ringardiser en les traitant de « nostalgiques des blouses grises ».

Marine Le Pen pourrait notamment s’inspirer du sémillant auteur de La fabrique du crétin, Jean-Paul Brighelli, d’ores et déjà suspecté par ses détracteurs de « crypto-lepénisme », comme il le déplorait en ces termes sur son blog : « quand je dénonce la collusion objective des pédagos et des libéraux, tous favorables à l’éclatement du service public d’éducation (…) je fais certainement le jeu du FN ? Quand je déplore la substitution, à l’ambition de transmettre des savoirs, de la constitution de savoir-faire et de savoir-être je fais toujours le jeu du FN? Dire la vérité, voilà qui fait le jeu du FN ? » .

Bien que la présidente du Front les cite abondamment, on ne peut pas suspecter Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Natacha Polony ou Jean-Paul Brighelli de « faire le jeu du FN » ou d’en « décontaminer la pensée » selon une expression désormais très en vogue. Il est facile et malhonnête pour leurs adversaires de lepéniser leurs idées à peu de frais. L’on ne va tout de même pas se désoler que Marine Le Pen ne lise pas Mein Kampf !

Tout aussi commode et inefficace s’avère la technique consistant à qualifier la doxa mariniste « d’attrape-tout » et de la rejeter en bloc au prétexte qu’elle tiendrait un double discours en rappelant que sa garde rapprochée est issue de la droite radicale la plus dure. C’est la thèse que défendent Caroline Fourest et Fiammetta Venner dans leur ouvrage éponyme sur Marine le Pen. Or, comment espérer sérieusement convaincre de l’insincérité d’un(e) politique, à moins de coloniser son esprit ? A supposer que Mme Le Pen manque de sincérité, elle ne serait pas la seule dans son cas : combien de politiques pensent toujours ce qu’ils disent et font toujours ce qu’ils promettent ?

La seule question qui vaille d’être posée, avant d’entrer dans la campagne présidentielle, est celle des raisons du succès de Marine le Pen, et d’un Front national que l’on envisage déjà au second tour de la présidentielle. Incontestablement, les thématiques de la démondialisation, de la sortie de l’euro, de la laïcité, et, demain, de l’école, profitent à Marine le Pen. Pourquoi la laisse-t-on seule s’en emparer ? Ceux, de gauche comme de droite, qui la désignent comme étant le Diable vont-ils continuer à lui céder les meilleurs morceaux comme ils abandonnèrent jadis la Nation et le drapeau tricolore à Le Pen père ?

C’est hélas possible. Mais alors, si elle venait à gagner, ils seraient les premiers responsables de ce qu’ils prétendent aujourd’hui conjurer.

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est blogueuse (L'arène nue)

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