Les faits divers sexuels sont toujours passionnants. Ils nous éclairent sur les fantasmes en cours avec une netteté irremplaçable. Le kidnapping de Bourg-en-Bresse mérite une place à part dans les registres. Voilà un homme qui enlève un petit garçon, et qui, après avoir été rattrapé sur le fil, déclare à la police qu’il voulait simplement « offrir un enfant à sa femme ». La formule est frappante. Elle mériterait qu’on s’y attarde.
Il n’est pas difficile d’imaginer le traitement médiatique que cette déclaration va recevoir. Il ment. Sa défense est grotesque. Inutile de chercher midi à quatorze heure : l’homme est un pédophile et les mots n’ont pas d’importance. Le fait que le petit garçon ait été sauvé par sa sœur, voilà toute le charme de l’histoire. Le fait que la police soit alertée par l’héroïsme d’un enfant, voilà toute la beauté de l’incident. La famille et la police contre le pervers, peut-on imaginer scénario plus simple ? Peut-on imaginer fantasme mieux rôdé ?
Une société qui réduit tout à un seul crime est certainement en voie d’infantilisation par rapport à ses propres fantasmes. A supposer que l’acte de pédophilie soit confirmé, ce qu’il ne s’agit pas d’exclure, il reste que le crime n’épuise en rien le choix des mots. Que signifie « offrir un enfant à sa femme » ? Pourquoi utiliser cette tournure si étrangement sacrificielle ? Et si le kidnapping nous renvoyait à un tout autre crime ? Et si, par hypothèse, la clé de cette formule était à rechercher dans la fascination, dans la peur totémique, dans la relation de pouvoir que la femme exerçait sur lui ? Que se passerait-il si l’enfant qu’il n’arrivait pas à offrir à cette épouse, c’était lui-même ?
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