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Antipédantisme primaire!


J’avais déjà été un tant soit peu surprise en découvrant, il y a quelques années, que les cours de bio, de chimie et de physique, autrefois regroupés sous le terme « cours de sciences », formule laconique, certes, mais qui avait le mérite d’être claire, ont été rebaptisés cours de « culture scientifique ». Cette nouvelle appellation était-elle rendue nécessaire par un changement de contenu ? Oui, d’après les profs. Lesquels ? Là, c’est plus confus. En gros, il semblerait que ce soit l’angle d’attaque proposé aux apprenants qui fasse toute la différence. Je n’en doute pas un instant, mais force est de constater que les cours de « culture scientifique » de ma benjamine étaient en touts points semblables aux cours de science de mon aînée. L’angle d’attaque pour étudier le système respiratoire des batraciens ne me semblait pas avoir bougé d’un degré.

Mais je n’allais pas faire ma néo-réac pour si peu, et d’ailleurs, j’en ai vu d’autres ! Et depuis belle lurette, puisqu’au cours de ma propre scolarité, les cours de géo et d’histoire furent regroupés et gracieusement nommés EDM. Ca semble assez mystérieux, EDM, pour un esprit non averti. Et quand votre esprit est averti, ça s’obscurcit encore : EDM, c’est l’acrostiche d’Etude Du Milieu. Allait-on proposer aux collégiens une étude approfondie des bas-fonds où se croisent, paraît-il, des truands, des putes et des receleurs ? Avec lecture de San-Antonio en guise de « document référentiel » ? Voilà qui eût été un « angle d’attaque » radicalement différent de l’étude des marées terrestres et celle de l’Entretien du Camp du Drap d’Or.

Pas du tout. L’EDM, puisqu’EDM il y a, consiste à investiguer, au mépris, bien sûr, de toute chronologie, un événement sous son angle historique ET géographique. Par exemple, étudions la bataille de Waterloo. On verra les mouvements de troupes de Napoléon, Grouchy, Blucher, Wellington ET le relief de Waterloo. Ce qui est tout de même une sinécure vu que le relief de Waterloo, comme n’avait pas manqué de le souligner Victor Hugo, c’est plus facile à étudier que celui de la Mongolie intérieure. Après Waterloo, nous verrons les conquêtes mérovingiennes, pour atterrir ensuite à Pearl Harbor. Accrochez-vous !

« C’est bien beau, tout ça, maugréait une prof de géo, mais ils vont arriver en terminale sans avoir entendu parler de l’érosion ! »

Je m’en foutais, quand cette nouveauté est apparue, j’étais moi-même en terminale et nos programmes furent épargnés. Etant devenue mère, je m’en fous un peu moins…

Mais je reste sereine, l’Enseignement en a vu d’autres, les profs aussi et les écoliers plus encore. Donc ne nous énervons pas pour ces toilettages qui font la gloire des pédagogues. Au moins, quand ces derniers cherchent de nouveaux intitulés au cours de savants brainstormings, ils ne sont pas au bistrot.

Toutefois, malgré mes résolutions à surfer sans faiblir sur la vague de la modernité, je suis restée pantoise en découvrant qu’après la « culture scientifique », les cours de religion catholique, dispensés dans la catholique école de mes mômes, avaient, eux, été rebaptisés « Sciences religieuses ». Sciences religieuses ! Sans sombrer dans le manichéisme qui oppose les sciences aux religions, appelant sans cesse à la barre Galilée ou l’Inquisition, il me semble que la formule relève de l’oxymore.

Il paraîtrait cependant que cette audacieuse appellation n’ait pas encore été validée par l’EN et ne soit, à ce stade, usitée que par l’un ou l’autre prof de religion dont on loue avec une admiration mêlée de perplexité, l’audacieux avant-gardisme. Gageons qu’ils feront école, c’est le cas de le dire, et que l’intitulé « cours de religion » ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir.

Pour le fond, le cours de « Sciences religieuses » dispensé dans les écoles catholiques a cette particularité innovante d’avoir inventé une béatitude supplémentaire, que l’on pourrait résumer ainsi : « Heureux les tenants du multiculturalisme, car le monde de demain est à eux ». En effet, confits de tolérance, les profs de « Sciences religieuses », expliquent à leurs ouailles, pardons, à leurs apprenants, qu’un bon catho tolère toutes les coutumes, toutes les religions, tous les usages, même les plus barbares, et que, finalement, la polygamie ou la burqa, ça a du bon.

Je commence à me demander combien de temps encore je vais parvenir à tenir d’aplomb sur la fameuse vague de la modernité.



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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