Accueil Édition Abonné Avril 2023 L’image de notre Assemblée nationale est plus qu’écornée…

L’image de notre Assemblée nationale est plus qu’écornée…

"Ma vie à l'Assemblée", la chronique d'Emmanuelle Ménard, députée indépendante à l'Assemblée nationale


L’image de notre Assemblée nationale est plus qu’écornée…
D.R.

Cris, pleurs et grincement de dents, ça se passe comme ça à l’Assemblée nationale…


Retour à l’Assemblée

Retour à l’Assemblée début mars après quelques jours chez moi, à Béziers et dans les villages de ma circonscription. Une bouffée d’oxygène. Loin de débats souvent stériles, de postures presque toujours insupportables. Je reviens bien décidée à afficher mon indépendance pour tenter de faire entendre une petite musique différente. Ce ne sera pas facile avec ce débat sur les retraites où faire preuve de simple bon sens vous vaut d’être dénoncé par les bancs les plus à droite et les plus à gauche. Il va falloir tenir le choc.

A ne pas manquer, notre nouveau numéro: Retraites, déficits… Fantasmes du peuple, mensonges des élites: Emportés par la foule

Peines plancher (niche Horizons)

Les débats houleux reprennent plus vite que prévu. Et les difficultés ne viennent pas toujours d’où on les attend… Nous voilà en train d’examiner une proposition de loi du groupe Horizons (celui d’Édouard Philippe) qui a pour thème « mieux lutter contre la récidive ». En bref, le retour des peines plancher imaginées par Nicolas Sarkozy, mais uniquement pour les récidivistes auteurs de violences contre nos policiers, pompiers, magistrats, gendarmes, etc. La peine minimale encourue est d’un an d’emprisonnement et le juge peut y déroger. Rien de bien méchant… Éric Dupond-Moretti annonce très vite la couleur : il y est opposé. Au motif notamment que « cette proposition de loi offre une tribune à la droite extrême ». Les députés Horizons tiennent à leur texte et le défendent mordicus. 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Après presque quatre heures de débats, le verdict tombe. Le groupe Renaissance (ex-LREM), qui avait annoncé qu’il s’abstiendrait sur l’article 1er du texte, change d’avis et s’allie à la gauche et à l’extrême gauche pour le rejeter. Horizons décide alors de retirer sa proposition de loi, non sans dénoncer « des coups tordus, des manœuvres ». Ce n’est que le début…

Bras d’honneur du garde des Sceaux

Quelques jours plus tard, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, vient défendre une proposition de loi pour rendre obligatoire une peine d’inéligibilité en cas de condamnation pour violences aggravées. Sur le papier, cela semble aller dans le bon sens. Mais pas besoin de creuser beaucoup pour s’apercevoir que c’est évidemment Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, qui est la cible de ce texte. Soyons clairs, le statut d’élu ne doit s’accompagner d’aucun privilège, d’aucun passe-droit. Mais cette proposition de loi ressemble beaucoup trop à un règlement de comptes. L’occasion est belle pour l’opposition de rappeler les nombreuses procédures ou condamnations qui ont visé ou frappé des membres de la majorité. Olivier Marleix, le président des Républicains, ouvre les hostilités en citant notamment la mise en examen de l’actuel garde des Sceaux. Il n’en faut pas plus pour faire bondir Éric Dupond-Moretti qui se permet un, puis deux, puis trois bras d’honneur en direction du député accusateur ! Une fois de plus, l’Hémicycle s’enflamme… Et le ministre de provoquer : « Il n’y a pas eu un bras d’honneur, il y en a eu deux. » La présidente de séance manque de s’étrangler : « De quoi parlez-vous, monsieur le ministre ? Êtes-vous en train de dire que vous avez fait deux bras d’honneur à l’Assemblée ? » La suite, vous la connaissez : suspensions de séance, un ministre prêt à démissionner, des excuses du bout des lèvres finalement obtenues à la troisième reprise. L’image de notre Assemblée nationale est plus qu’écornée…

Les larmes d’Aurore Bergé 

La journée ne s’arrête pas là. D’autres élus sont montrés du doigt, comme Benoît Simian, ancien député macroniste condamné pour avoir harcelé et menacé sa femme à plusieurs reprises. C’était il y a quelques mois à peine. Pourtant, à l’époque, personne n’a appelé à une quelconque inéligibilité. Pire, le bureau de l’Assemblée nationale, où les députés LREM étaient majoritaires, avait même refusé de lever son immunité parlementaire… Accusée d’opportunisme, Aurore Bergé ne cache plus ses larmes, ne déclenchant, il faut bien l’avouer, que bien peu de compassion…

49.3

Ça y est, c’est le jour tant attendu. Depuis le début de la semaine, on ne compte plus les coups de téléphone auprès des députés indécis. Élisabeth Borne a besoin de savoir. Elle fait ses comptes. Et visiblement, ils ne sont pas bons puisque, quelques minutes avant 15 heures, la nouvelle tombe : ce sera le 49.3 et le passage en force. L’atmosphère est électrique dans l’Hémicycle. Le gouvernement n’arrange rien en arrivant avec près de dix minutes de retard. Alors que la Première ministre monte à la tribune, les députés LFI-NUPES font un tapage d’enfer. Je devine plus que je n’entends « 49.3 ». Je suis furieuse. Le premier vote nous aura été volé par La France insoumise et ses 18 000 amendements. Le second par le gouvernement et son 49.3. Il ne nous reste plus qu’à attendre les motions de censure. Je suis dépitée, lessivée, vidée…

A relire: Affaire des doigts d’honneur: même les braillards de LFI peuvent désormais fustiger la mauvaise conduite de la majorité!

Motions de censure

Je reçois plus de 2 000 mails durant le week-end me sommant de voter la censure. Certains, naïvement, m’écrivent en m’expliquant que La France insoumise leur a proposé plusieurs types de courriers, et qu’ils ont choisi celui-ci… C’est vrai, ce sont toujours les quatre ou cinq mêmes modèles de lettre qui reviennent. Masochiste, j’ai répondu à tous. En expliquant pourquoi je ne voterai pas la censure.

Une motion de censure, ce n’est pas seulement dire non au gouvernement, mais c’est dire oui à un projet alternatif, en l’occurrence celui de la gauche et de l’extrême gauche. Impossible pour moi de me retrouver aux côtés d’élus qui traitent leurs adversaires de « monstres », d’« assassins », de « bourreaux », qui publient des listes d’opposants, qui expliquent que « la police tue ». Et puis, on ne peut pas promettre n’importe quoi. Le projet de réforme des retraites de J.-L. Mélenchon, c’est 1 600 euros nets minimum, à 60 ans, y compris pour ceux qui, bénéficiaires du RSA, n’auraient jamais travaillé de leur vie : un orfèvre en démagogie !

Certains m’ont reproché de n’avoir pas été présente à Paris ce lundi, m’accusant d’une forme de désinvolture. Faut-il leur rappeler qu’on ne vote que « pour » une motion de censure. Et qu’il n’y a pas de bulletin « contre » ou « abstention ». C’est vrai, j’ai préféré encore être aux côtés des enfants de nos écoles biterroises.

Depuis, les accusations de « traîtrise » ont fusé. Des deux extrêmes bords politiques. À vous donner envie de vomir…

Avril 2023 – Causeur #111

Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne députée

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